Au débur de D'un château l'autre, Céline se trouve dans une situation où se reconnaîtront pas mal de ceux qui se piquent d'écrire.
Il n'a plus de succès. On lui parle toujours du Voyage au bout de la nuit, qui date d'une vingtaine d'année, qui est sa première parution et le dernier grand succès romanesque qu'on peut lui reconnaître.
Les pamphlets, bien sûr, entre deux, ont été un triomphe, mais il s'agit pour tout le monde, l'auteur en premier, de les oublier.
Comme ses livres ne se vendent pas, Céline fustige son éditeur, Gallimard, Achille Brottin dans le roman. Il ne fait rien, il ne les pousse pas, il les oublie dans sa cave, et en plus, il accuse notre auteur d'avoir perdu sa verve. On ne s'amuse plus en le lisant. Pourtant, il fait toujours rire en parlant, reconnaît Brottin.
Voici ce que développe Céline, avec quelques descriptions de la banlieue où il vit désormais, quelques rappels de ses prisons au Danemark, quelques considérations sur son métier de médecin qui servent à attirer la sympathie: il le pratique gratuitement, sans demander d'honoraire, ce qui d'ailleurs ne suffit pas à lui attirer une clientèle.
L'enjeu central est donc posé: son dernier livre, Normance, a été de son propre aveu un four. On en conteste le fond (le bombardement sur Paris qu'il raconte n'a pas existé), on n'aime pas sa forme (les lecteurs s'ennuient). Qu'est-ce qu'il va pouvoir faire pour se reprendre?
La solution, il va la trouver. Elle vient lentement, on la voit accoucher. Pour la forme, encore plus d'oralité, de trouvailles comiques et de rythme. Pour le fond, puisqu'on lui reproche d'être infâme, il va parler de l'endroit où on considère qu'il l'a été le plus. Sigmaringen.