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Putty Hill, c’est la quintessence du cinéma indépendant américain. De l’art brut, fascinant, qui ne ment pas. Aussi, c’est le deuxième long-métrage de Matthew Porterfield, après Hamilton, auteur lui-même originaire de la ville-personnage de son film, Baltimore. Un cinéaste doué qui n’a rien à envier à des Gus Van Sant (dont il reprend la mélancolie), ou des Larry Clark (la thématique adolescente, la froideur formelle). Cette histoire, qu’il met en images, ce deuil de toute une communauté suite à la mort par overdose d’un jeune du coin, ne suit aucun schéma narratif pré établis : "le scénario, c’était seulement cinq pages de notes, quelques lignes de dialogue et quinze endroits précis ou je voulais tourner", précise-t-il. Il emprunte au documentaire (des questions sont posées aux personnages, face caméra), travaille sa fiction, taille le réel, le façonne, le capte, entre improvisations, contemplations de l’écoulement du temps, errances atmosphériques.
Ce qu’il étreint est essentiel, beau, d’une puissance émotionnelle réelle, d’un naturel captivant. Ce sont ces heures, ces longs moments qui suivent la disparition d’un être, d’un choc. Ce sont ces existences, posées, inertes, qui continuent. Ce sont ces vies, un peu vides, condamnées au lieu, pleine d’un spleen qui ne se dit pas. Putty Hill, parenthèse élégiaque, moment suspendu dans le temps, offre à penser (le rapport à la mort), à voir (la middle class américaine), à ressentir. Balloté sans cesse entre ultra réalisme et évocation esthétique, le plaisir reste le même, le constat indéniable : en face de nous, il y a un auteur, un nom, un film, dont on va beaucoup entendre parler. L'oeuvre, hantée par des protagonistes fantômes, quelque part entre vie et mort, attachement aux racines et profonde envie d’émancipation, accroche le cœur et l’esprit. Parce qu’elle capture l’authenticité, au vol, en mouvement, sur le vif. Parce qu’elle tire sa force du réel, et de la fuite du temps. Et tout cela, en demeurant paradoxalement bien ancrée et dans l’instant, et dans le lieu ; cohérente jusqu’au bout avec le fond : personne n’échappe à son présent.
Sortie cinéma France : 7 septembre 2011.
Remerciements : E.D Distribution.
Pour en savoir plus, le site officiel.