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Un film d’horreur présenté à Sundance, auréolé du Prix du Jury au Festival de Gérardmer en 2009, et dont le nom se chuchote dans le cercle indé n’est forcément pas un film d’horreur comme les autres. Et pour cause, Grace- titre pour un bébé suceur de sang- ne ressemble à rien de ce que l’on a vu avant, si ce n’est qu’il conjugue une folie un peu furieuse à un spleen pernicieux qui rappellent l’excellent May de Lucky McKee. L’histoire d’abord, donne le frisson. Soit, Madeline Matheson (Jordan Ladd)- jeune femme BCBG, enceinte, traumatisée par ses précédentes fausses couches, qui donne miraculeusement naissance à une petite fille que les médecins avaient annoncée comme morte, suite à un atroce accident de voiture. Jusqu’ici tout va bien. Sauf que, rapidement, la nouvelle mère s’aperçoit bien vite que le bébé ne se nourrit pas de lait maternel, mais de chair et de sang. Pas de bol, surtout pour une végétalienne. Et donc, c’est là que Paul Solet entre en scène. C’est simple : autant le scénario est d’une perversité incroyable, presque risible sur le papier, autant la mise en scène fait preuve d’une rigueur parfaite, glaciale, chirurgicale.
En poussant les symbolismes à leurs combles, dans un crescendo claustrophobe qui s’appuie sur des petits détails (et pas sur un amoncellement de portes qui claquent, d’effets gores, et de tout le tralala), il transcende les bases horrifiques de son sujet pour imposer une réflexion plus large, plus politiquement incorrecte sur la société matriarcale. Le réalisateur y fait imploser toute son obsession latente à un conformisme plus social que naturel. Car ce bébé-là est conçu froidement (comme en témoigne la scène d’introduction de reproduction mécanique). Car ce bébé-là devait mourir. Le déversement d’horreurs qui va suivre (bébé pue le cadavre, bébé attire les mouches, bébé est de plus en plus gourmand) ne semble alors, au-delà du film du genre en tant que tel- n’être plus que doigts pointés à la face d’une Amérique (d’un monde ?) qui oblige la femme à devenir mère, pour mériter son statut de femme. Tantôt effroyable, tantôt vraiment amusant, Grace pousse le bouchon assez loin (et c’est tant mieux) jusqu’à une scène finale, pied de nez cruel et anti traditionnaliste, où le bébé vorace- récupéré par un couple lesbien (la maman donc, et sa sage femme un peu hippie)- dévore jusqu’aux attributs féminins. Plus subversif, tu meurs.
Sortie DVD: 15 juin 2011.