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Print / web : la révolution de l’objet-livre

Par Eric Camel @AgenceAngie

Papier ou kilo-octets : de quoi sera fait le livre que nous parcourrons dans 10 ou 20 ans ? D’un point de vue de lecteur – occasionnel ou assidu – cette question est passionnante. D’un point de vue de communiquant, elle est essentielle !

 

Google new bis

Je viens d’achever le court essai que Bruno Racine - l’actuel président de la Bibliothèque Nationale de France – consacré à l’irruption du numérique dans l’univers du livre. La problématique de l’ouvrage est bien plus large que celle du seul livre numérique puisqu’il entend présenter et analyser les différentes initiatives (tantôt privées, tantôt publiques) menées depuis une dizaine d’années pour numériser le fonds des grandes bibliothèques nationales. On aura deviné que le projet de Google – auquel le livre emprunte d’ailleurs son titre – y est évoqué très précisément, notamment quant à ses dimensions juridiques, techniques et bien sûr éditoriales. L’objet de cette note n’est pas de s’étendre sur cet aspect, mais plutôt d’évoquer deux questions qui sous-tendent l’ouvrage, et auxquelles il apporte des éléments de réponse intéressants et documentés. Première question : les éditions numériques supplanteront-elles les éditions classiques ? Seconde question : qu’est-ce que ce format numérique et en quoi diffère-t-il ou doit-il différer de l’objet-livre traditionnel ?

1. Le numérique a-t-il sonné le glas du papier ? Ou au contraire, existe-t-il une spécificité de l’objet-livre qui résistera (là où les CD, les DVD ont déjà rendu les armes face aux MP3 et DivX) à la vague de la dématérialisation ? L’auteur se refuse là à toute réponse trop tranchée, et récuse notamment l’idée qui revient souvent et selon laquelle le papier serait éternel, qu’il n’aurait pas de souci à se faire parce que (au choix) :

1/ lire à l’écran est fatiguant 

2/ les lecteurs sont attachés à des aspects sensoriels (par exemple le toucher du papier) que les formats numériques ne pourront jamais restituer
3/ le numérique est une mode accessoire, les livres sont des objets sérieux qui n’ont rien à voir avec ces gadgets

Bruno Racine, tout en confessant son amour de l’objet-livre, écarte ces arguments défensifs. Il commence par rappeler les performances des liseuses les plus récentes, qui assurent un confort de lecture comparable à celui d’un livre papier et avance deux autres arguments. Le premier est d’ordre économique : l’actuelle production mondiale de papier ne suffirait même pas à alimenter le seul marché chinois lorsque les habitants de l’Empire du Milieu consommeront autant de livres que les occidentaux. Le second tient à la valeur ajoutée éditoriale du format numérique sur le format papier.

2. En quoi une publication numérique doit-elle différer d’une publication papier ?

La question de cette valeur ajoutée est d’autant plus intéressante, qu’elle ne trouve pas aujourd’hui de réponse définitive. Certes, lire un livre au format numérique est aujourd’hui possible ; c’est même très confortable. Certes, l’option numérique est moins chère que l’option papier traditionnelle. Mais en quoi est-elle différente sur le fond ? A ce sujet, Bruno Racine tire un parallèle historique très éclairant avec la première grande révolution de l’univers du livre : l’invention de l’imprimerie. Pendant quelques décennies, les livres imprimés (moins chers, plus simples à produire)… reproduisaient à l’identique les manuscrits enluminés du Moyen-âge ! Conséquence concrète : les livres n’avaient pas de page de couverture, qui est une invention « marketing » ultérieure.

Il en va sans doute de même aujourd’hui, avec ces PDF feuilletables (click’n flip) qui miment les brochures papier qu’ils remplacent. Qu’apportera la prochaine génération de publications électroniques ? Quelle en sera la « couverture » ? Bruno Racine donne prudemment quelques éléments de réponse concrets en s’appuyant sur l’exemple des thèses universitaires, qu’il emprunte au grand historien américain du livre Robert Darnton. L’ouvrage électronique pourrait être une pyramide à 6 étages. Etage 1 : brève synthèse du sujet ; étage 2 : approfondissements thématiques ; étage 3 : documentation utilisée ; étage 4 : les thèses déjà publiées sur le même sujet ; étage 5 : kits pédagogiques pour aider les enseignants à exploiter la thèse ; étage 6 : compte-rendus de lecture et commentaires des lecteurs. Evidemment, cette piste est très universitaire, elle ne s’applique pas en tant que telle à une publication telle qu’un rapport d’activités. Mais elle dessine des possibles très stimulants, notamment dans tout ce qui touche à la démultiplication managériale (l’équivalent de l’étage 5 ?) et au 2.0 (équivalent de l’étage 6 ?).Google et le nouveau monde, Bruno Racine, coll. Tempus, ed. Perrin

Matthieu Lebeau


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