
Le PQ ne veut pas le pouvoir pour le pouvoir. Madame Marois aussi souhaite ardemment la souveraineté du Québec, mais celle-ci passe inexorablement, du moins en démocratie, par l’obtention du pouvoir. Tout se joue sur cette subtilité. Or, puisque, même dans l’opposition, le pouvoir corrompt - du moins, le goût du pouvoir -, la chef est corrompue. Même si les militants l’ont récemment plébiscité à hauteur de 93% et quelques poussières, Marois a perdu de vue LA CAUSE, de sorte qu’elle doit être impitoyablement déchue. Elle n’aurait plus, selon les purs, l’étoffe sacrée qui font du chef du PQ un SAUVEUR.
Deux axes commandent donc la vie au PQ, un axe profane et un axe sacré; le premier, horizontal, le second, vertical.
D’abord, l’axe profane horizontal est la vertu démocratique, c’est-à-dire la croyance inébranlable que la souveraineté doit se faire démocratiquement, comme René Lévesque l’a si souvent affirmé avec force. En somme, un bon péquiste doit d’abord être un admirable démocrate. Le radicalisme, voire l’autoritarisme de certains touchant LA CAUSE, est condamnable. Il va sans dire que le chef d’un tel parti doit être un modèle au plan de la vertu démocratique.
Le PQ n’est évidemment rien sans son autre axe essentiel, vertical celui-là. C'est l’axe sacré qui l’anime, celui de LA CAUSE : la souveraineté. Nous pénétrons alors dans le sanctuaire du PQ. L’historien des religions Mircea Eliade (Le sacré et le profane) a proposé le terme de « hiérophanie » (du grec hieros, sacré, et phanein, se manifester) pour désigner l’irruption du sacré dans la vie de tous les jours. Les religions s’alimentent d’hiérophanies. Certains partis politiques aussi, dont le PQ. Pour le PQ, l’hiérophanie aura consisté dans l’élection du PQ le 15 novembre 1976. Moment inoubliable et transcendant, s’il en fut. Tous les péquistes espèrent et œuvrent ardemment à l’avènement d’un second 15 novembre béni où le peuple québécois accédera enfin à la souveraineté, c’est-à-dire au Royaume des cieux.
Mais l’accession au Royaume des cieux de la souveraineté ne peut se faire que par l’intermédiaire de l’autre axe horizontal, non moins sacré lui aussi, celui de la démocratie. L’axe profane, celle la démocratie, n’est qu’un véhicule certes, mais un véhicule indispensable et inévitable. Pas de souveraineté sans démocratie.
Les purs et durs de LA CAUSE paraissent parfois oubliés l’inéluctable axe horizontal du PQ, rivés comme ils sont à l’axe vertical du sacré. Un dilemme irrésoluble et insoluble semble donc marquer la destinée du PQ, cherchant à concilier l’inconciliable, telle une quadrature du cercle. D’où les crises cycliques, comme celle à laquelle nous assistons actuellement, qui chavirent le parti jadis fondé par son premier sauveur, René Lévesque, et qui font parfois de ce parti la cour du roi Pétaud.