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Inglorious basterds: ne pas brûler ce qu’on a adoré (by Nico)

Par Lifeproof @CcilLifeproof

Quentin Tarantino est un génie du cinéma. Cela nous ramène aux origines mêmes de cette rubrique. Qu’est ce qui fait du cinéma de l’art? La complexité de l’œuvre, l’entrecroisement entre l’image, l’histoire, la musique. Ce tout qui, indivisible, donne souvent de la merde, et parfois de l’art. Et, si vous y rajoutez une touche de style, peut dériver rapidement vers du génie.

Tarantino est de cette trempe et l’a démontré en nous offrant des œuvres visuellement jouissives, parfois dépourvues de scénario digne de ce nom, mais parfaitement complétées par des bandes son chiadées et un style marqué. Kill Bill Volume 1 et Boulevard de la Mort, entre autres, sont les parfaites interprétations de ce label désormais reconnaissable entre mille. Adepte d’une violence si extrême qu’elle en devient banale, de dialogues pesants à huit clos oscillant entre humour et horreur, Tarantino imprime à chacun de ses films un style propre qui en a fait un réalisateur à part, un génie du cinéma qui a réussi en une vingtaine d’années à tirer son épingle du jeu parmi les multiples prétendants à une couronne sur le très convoité podium du cinéma moderne.

Seulement voilà. Tarantino s’est planté. Je vois d’avance une grande partie d’entre vous lever les mains vers le ciel. Et pourtant, avec Inglorious Basterds, Tarantino s’est planté. Depuis 1992, Tarantino nous distille du Tarantino, au grand bonheur des amateurs et au grand dam des critiques, ou plutôt de ceux qui essaient de prendre le contrepied systématique de la tendance, par snobisme ou pas manifestation de leur propre frustration de ne pouvoir égaler ceux qu’ils « critiquent » tout en les enviant. Ces mêmes-là ont judicieusement élaboré un piège dans lequel même le meilleur parmi les meilleurs est tombé. Comme si, en feignant de le mettre en garde d’un échec probable, les critiques l’avaient finalement poussé à l’échec. A force de lire qu’il ne se renouvelait pas, Tarantino a voulu le faire, de la mauvaise manière, en se forçant à le faire.

Comme d’habitude, le film est solidement ancré dans une idée plutôt géniale. Comme d’habitude, vient s’ajouter un des éléments incontournables du style, un scénario truffé de destins croisés, coïncidences  et rencontres explosives, mais qui semble avoir perdu les interactions improbables et les éventuels quiproquos qui étaient une de ses marques de fabrique. Exemple fort, le personnage interprété par Brad Pitt aurait mérité de nous laisser entrapercevoir plus de contenu, nous ayant pourtant dès le début alléchés par un profil très « tarantinesque », mais tombant vite dans le parodique, voire le tragicomique, comme l’ensemble du film par ailleurs. De même, la bande son, moins fournie et décalée qu’à l’accoutumée, ne reste pas gravée dans nos mémoires comme par le passé. Enfin, le personnage « principal » de Shosanna (Mélanie Laurent, probablement le pire casting de la filmographie du réalisateur) aurait pu être bien plus traumatisé et traumatisant que ce rendu final fadasse, qui tient plus d’une Marion Cotillard chialeuse dans La Môme que d’une Nathalie Portman rageuse dans Léon.

Bref, une succession de bonnes idées survolées trop superficiellement, comme si M. Tarantino avait pris le parti de ne pas les développer, faute de temps, dans un film qui dure pourtant 2h30. Cela ressemble pourtant, dans l’idée, à du Tarantino, comme si Quentin Tarantino avait essayé de copier Quentin Tarantino, mais s’était arrêté en chemin, faute de maîtrise technique du style. Tarantino nous avait habitués à la réhabilitation glorieuse de styles cinématographiques obsolètes, mais il n’arrive pas ici à renouveler la prouesse, se contentant de réécrire l’histoire, de manière intéressante au départ, mais ambitieuse à l’arrivée. On notera cependant quelques réussites, comme cette pépite d’acteur polyglotte, Christoph Waltz qui porte presque à lui seul une grande partie du film, et les interventions lumineuses de Madame Diane Kruger, brillante et sublime de la tête jusqu’au… pieds.

Décevant donc, mais tout le monde n’a-t-il pas le droit à l’erreur ? Après une telle succession de chefs d’œuvre, sans démultiplication des films pour ne pas risquer de diluer la qualité dans la quantité, donnons à M. Tarantino le droit à un joker suite à un exercice qui s’avérait d’emblée fort complexe. Réinventer la fin du 3e Reich tout en greffant ses univers fantasques, humoristiques et violents autour d’un sujet aussi sensible que celui du régime nazi était un défi louable, mais risqué. Espérons que M. Tarantino n’essaie plus à l’avenir de faire différemment alors qu’il sait si bien faire normalement, et qu’il continue, tout en dupliquant ses concepts à l’infini, à se réinventer à chaque opus. Please Quentin, revient nous s’il te plaît, avec ce que tu sais faire. Du simple, du violent, du beau. Du Tarantino.


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