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Encyclopédie d’Istanbul

Publié le 17 juin 2011 par Cardigan @onlyapartmentsF

Peu de lieux dans le monde ont donnés lieu à autant de littérature au long du temps comme Istanbul, l’ancienne capitale de Byzance. De tous les livres que la ville a inspirées, peut-être le plus singulier est le projet démesuré d’écrire une Encyclopédie d’Istanbul, la première encyclopédie du monde sur une ville, que l’écrivain turc et grand amant de la ville Reşat Ekrem Koçu (1905-1975), commença en 1944.

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Il s’agissait d’un projet colossal où Koçu combinait de façon inoubliable littérature et histoire au travers d’un séduisant mélange de récits étranges, curiosités informations véridiques et matériel d’almanach, créant une tapisserie fabuleuse dans laquelle on remarquait l’image d’une ville qui invitait aux rêves et à la nostalgie. Koçu lui-même assista pendant toute son enfance à la désintégration lente de l’Etat ottoman et à la condamnation de la Turquie à une pauvresse de laquelle elle tarderait des décennies à se remettre. Cette douloureuse décadence de la ville conditionna probablement le ton mélancolique et amère de son écriture, même si lui pensait au contraire qu’Istanbul était la seule chose qui le consolait de se sentir vaincu par la vie.

Dans l’encyclopédie, parcouru par un sensuel homo-érotisme qui se recrée et plait avec le moindre prétexte dans l’admiration de la beauté des corps des garçons, on trouvait des épisodes mémorables comme l’exploit de l’équilibriste qui dans le cadre de la célébration pour la circoncision du prince Mustafa au 18ème siècle traversa la Corne d’Or sur une corde tendue entre les mats des bateaux. Ou des histoires comme celle de la création d’un cimetière de bourreaux dans le pré de Karyagdi car ils n’étaient pas considérés digne d’être enterrés avec le reste des mortels. Ou celle d’Osman et madame Upola, deux fous de l’époque d’Abdülhamit II à qui on interdit l’accès au pont de Galata car quand ils se trouvaient sur ce pont ils se battaient violement. Ce qui rendait encore plus visible le fait que lui se promenait toujours nu dans les rues et elle au contraire portait tous ce qu’elle pouvait trouver.

Reşat Ekrem Koçu n’évitait pas non plus les détails sinistres et les histoires scabreuses de tortures, assassinas et vengeances. Malgré sa soif de documentation (c’était un amant de la littérature qui passait la plus grande partie de sa vie dans les librairies, les bibliothèques et la archives à la recherche de témoignages auxquels il pourrait donner une valeur historique), un des plus grands charme de son livre infini et nécessairement inachevé c’est l’incapacité à déterminer si les histoires qu’il raconte sont réelles ou inventées. Car le livre se laisse lire, tout comme la ville même, comme une fable

En 1951 Koçu dut interrompre son encyclopédie car il manquait d’argent. Il avait réussit à écrire mille pages qui ne le menèrent pas au-delà de la lettre B. en 1958 il reprit son projet depuis le début et ne l’abandonna plus jusqu’en 1973, peut avant sa mort. Après avoir écrit onze volumes il en était encore qu’à la lettre G.

Paul Oilzum Only-apartments Author
Paul Oilzum


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