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Tous les matins du monde

Publié le 17 juin 2011 par Flow

Tous les matins du monde.

(réalisé par Alain Corneau)

Vanités des vanités...

...Tout n'est que vanité. Cette citation de L'Ecclésiaste qui sert de leitmotiv à ce sous-genre artistique de la Renaissance, que sont les Vanités, est ce qui caractérise le mieux ce film austère mais profondément humain et essentiel.

 

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Monsieur de Sainte Colombe est un musicien talentueux du XVIIe siècle, spécialiste de la viole de gambe. Mais lorsque sa femme vient à périr, il est inconsolable. Reclus, il cultive sa solitude et exprime ses sentiments par sa musique lyrique jusqu'au jour où il prend sous son aile un jeune musicien ambitieux nommé Marin Marais...

Structure littéraire.

Le film est l'adaptation du livre éponyme de Pascal Quignard qui reprend l'histoire de deux violistes célèbres du XVIIe: Monsieur de Sainte Colombe et Marin Marais. Tout ce qui a autour est plus ou moins inventé. Pour la version cinéma, Corneau a conservé une structure littéraire. Les acteurs, excellents (Jean Pierre Marielle en tête), récitent leur texte de manière très théâtrale (et donc outrancière) et les dialogues sont eux-même très versifiés. Ils ont une métrique et une rythmique très travaillées. Au final, le film peut rebuter à cause de cela mais la structure donne une symbolique très particulière à l'ensemble. La thématique principale du long-métrage, la vanité de l'existence, s'en voit renforcée par le côté artificiel offert par la théâtralité du film.

Au-delà des mots.

Avant d'aborder le thème central, penchons nous sur la thématique auxiliaire (mais importante): la communication. Le film est catégorique. Certains sentiments ne peuvent être évoqués par le langage. Ce dernier est une barrière qui empêche les Hommes de communiquer. Face à cette peine indicible et infinie causée par la perte de sa femme, Sainte Colombe s'enferme dans un mutisme significatif et dans une solitude totale symbolisée par la vente du cheval et la cabane (au fond du jardin) dans laquelle il s'enferme. A partir de là, il ne communiquera plus que par la musique. Cette dernière, devient alors le personnage principal du film. Lorsqu'il joue avec les autres personnages, face à face, il communique de manière pure et sincère. Là est toute la beauté du personnage.

Mais le pari est risqué car si la musique n'est pas sublime dans ce genre de films, le résultat perd de son attrait. Heureusement, elle est très travaillée et nous immerge dans le long-métrage.

Souviens toi que tu vas mourir.

L'instabilité de l'Homme, son caractère mortel rend l'existence futile, vaine. Les peintures baroques appelées Vanités sont des natures mortes rappelant ce caractère sans but de l'existence. Elles occupent une place importante dans le film. Déjà, la présence du peintre Lubin Baugin et de sa célèbre toile Nature morte à l'échiquier contribue à entraîner le spectateur sur la voie de cette interprétation. A côté de cette présence, le personnage principal dresse tout le temps sa table comme une Vanité. Présence du vin et de la nourriture qui rappellent la futilité des plaisirs terrestres et des bougies symbolisant la vie et surtout son caractère bref et fragile.

Il y a dans ce film une lourdeur, une lenteur lancinante comme si un poids empêchait les protagonistes de réagir face aux élans de la vie (amour, mort d'un être cher...), comme s'ils résistaient de toute leurs forces à la machine implacable du temps que rien ne peut stopper, même pas la tristesse la plus douloureuse.

Ce constat pessimiste est contrebalancé par un optimisme salvateur. Il reste à l'Homme deux bouées de sauvetage. La première est la création artistique qui est immortelle. La deuxième est la transmission. Et la relation entre Sainte Colombe et Marin Marais prend ici tout son sens. Le professeur transmet à son élève son savoir, sa vision du monde et l'autre la comprend (ils communiquent grâce à la musique) et la transmet à son tour. Ainsi, le film évolue entre l'ombre et la lumière.

 

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Ce film est excellent et il serait vain d'en expliquer toutes les facettes (je n'ai pas évoqué l'ambition artistique opposée des deux musiciens). C'est une expérience sensorielle à vivre. Je ne peux que m'incliner et la conseiller à tous.

Les+ :

- Travaillé et réfléchi.

- Intelligent.

- Pour les amateurs de symbolisme persistant.

Les- :

- Soit tu aimes, soit tu détestes.

Note:

3


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