L’AFFAIRE RACHEL SINGER (The Debt) de John Madden

Remake du film israélien La Dette, L’Affaire Rachel Singer (en VF) joue sur deux tableaux, en deux temps. Pour raconter les destins de ces trois agents du Mossad, liés par l’Histoire et le secret, John Madden (Shakespeare in love, Capitaine Corelli) marque des allers et venues temporels (de 1965 à 1995) et convoque plusieurs registres : thriller historique d’un côté, drame sentimental de l’autre. Au passé, tout le huis clos berlinois s’appuie sur une atmosphère anxiogène finement explorée, partie la plus intéressante d’un récit qui regarde le mal absolu (le nazi), au fond des yeux. Les relations des protagonistes (le trio Jessica Chastain / Sam Worthington / Marton Csokas est parfait) s’y tissent et s’y imbriquent, doucement, subtilement, mêlant la grande Histoire (la traque des nazis par les services secrets israéliens) à des destinées individuelles (le triangle amoureux). A la fois thriller d’espionnage tendu et tragédie humaine (qui confirme le penchant de Madden pour les drames amoureux), L’Affaire Rachel Singer est rondement mené, réfléchit sur des problèmes complexes : quelle réponse adopter face au mal ? Quel sacrifice peut-on faire pour sa nation ?
Par la suite, trente ans plus tard, le réalisateur s’attarde sur la culpabilité dévorante des personnages, sur les conséquences de leurs actes. Comment assumer une vie de mensonge ? Comment se libérer du poids du secret ? Les plus vieux Rachel et David, brillamment interprétés par Helen Mirren et Tom Wilkinson, permettent au film d’aborder la dualité de ses figures broyées par des (mauvais) choix : entre vérité et mensonge, personnage public et sphère privée, erreurs du passé et réalités du présent. Pour étreindre ces enjeux, John Madden déballe ses atouts (acteurs épatants et récit dense) au sein d’une mise en scène … classique. Et si le tout semble propret et bien carré, ce n’est qu’en apparence, tant, parfois, des éclairs de violence, impitoyables, inattendus, (cette monstrueuse séquence finale !) traversent soudainement le récit, frissons glacés parcourant l’échine.