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Nicolas Jaar ‘ Space Is Only Noise

Publié le 22 juin 2011 par Heepro Music @heepro

Nicolas Jaar ‘ Space Is Only NoiseNicolas Jaar est un nouvel arrivé dans le panorama musical. Certains d’entre vous avaient peut-être déjà entendu parler de lui en tant que remixeur. Ses véritables débuts remontent seulement à l’année 2008, avec un cinq titres uniquement disponible en version digitale.
Né à New York, il passe néanmoins quasiment toute son enfance à Santiago du Chili, ville de naissance de son père (l’artiste et réalisateur Alfredo Jaar), avant de retourner à New York au début de son adolescence. Le Chili ? Oui, celui de Ricardo Villalobos, l’un des artistes qui l’a inspiré après que son père lui offrit l’un de ses disques. De cette même façon, il découvrit l’artiste finlandais Luomo. Mais ses influences ne s’arrêtent pas à la house ou la minimale. Nicolas Jaar écoute également toute sorte de musiques, du jazz éthiopien aux morceaux de piano minimalistes d’Éric Satie ou plus grand public de Keith Jarrett.
Cette première sortie d’un album de Nicolas Jaar en 2011 est également celle d’un tout jeune artiste âgé d’à peine 21 ans. L’Américain a aussi voyagé sur le vieux contient, puisque les trois photos du livret de l’album, à l’instar de celle de couverture où cela est le plus visible, on peut le voir âgé de seulement quelques mois, dans une poussette en plein d’une rue qui semble ou complètement déserte, ou totalement abandonnée. Pourtant, les trois photos ont été prises par son père en 1990 quelque part entre Berlin Est et Berlin Ouest dans une sorte de no man’s land, alors que la ville venait récemment de se voir réunifiée.
Des photos étonnantes puisque très personnelles, tout en ayant presque une aura historique, le tout dans un noir et blanc extrêmement suggestif.
Ainsi, Space Is Only Noise possède un titre à l’image de ces photos, c’est-à-dire très expressif. La musique de Nicolas Jaar est effectivement dépourvue de couleurs, ce qui ne la rend pas pour autant triste, même si elle est certainement contemplative.
Cet album est composé de quatorze morceaux, avec notamment le premier et le dernier dont le titre est en français (« Être » et « ^tre », soit, à un détail près, deux fois le même). Entièrement écrit et produit par lui-même, Nicolas Jaar a logiquement utilisé l’anglais comme langue vernaculaire principale. Cependant, et à l’instar de deux titres précédemment cités, le français se taille une belle part dans cet opus puisque plusieurs samples vocaux sont dans la langue de Molière : un dialogue entre Serge Daney, Jean-Luc Godard et Vito Acconci sur « Être », des citations imaginaires de Christophe Colomb sur l’éponyme « Colomb », ou encore des phrases tirées de Pour Compte par l’écrivain, poète et essayiste Tristan Tzara (l’un des fondateurs du mouvement Dada ou dadaïsme) sur « I got a ». Pour les autres, c’est donc l’anglais qu’il a choisi. Seules « Sunflower » au début, ainsi que les trois morceaux de fin (le très court instrumental « Trace », « Variations » et « ^tre ») sont dépourvus de voix. Malgré tous ses détails sur les compositions, il faut savoir encore que les vocalises sont soit de simples apports à l’ambiance, soit de véritables accompagnements lyriques (à savoir, chantés).
Musicalement, le voyage proposé est parfois morose (« Être », « Sunflower »), la plupart du temps plus exactement langoureux (« Colomb », « Problem with the sun », « Space is only noise if you can see », « Almost fell », « Balance her in between your eyes »), avec de légères variations plus ludiques à mesure que les beats se font plus présents (« I got a », « Specters of the future ») ; l’on ressent parfaitement plusieurs de ses influences dans les rythmes, les nappes ou l’utilisation des claviers ou du piano. Le morceau « Too many kids finding rain in the dust » ressemble à un morceau de l’Ouest à l’ambiance farniente. « Keep me there » en est une parfaite suite, les deux morceaux étant à mon goût très complémentaires.
« Variations » pourrait très bien résumer à lui seul tout l’univers de cet album : nappes, beats lourds mais complètements désépaissis, voix inintelligibles et lancinantes, en forme de musique pour un road movie imaginaire, le tout en guère plus de trois minutes.
Le lien tissé avec Berlin ne s’arrête pas aux images puisque le mastering y a été réalisé ; chose peu étonnante si l’on considère l’énorme attractivité artistique qu’a depuis toujours possédé cette capitale qui fut littéralement déchiré avant d’enfin retrouver ces deux dernières décennies des lettres de noblesse qu’elle mérite sans conteste.
Que de maturité dans cette première collection ! Sans l’ombre d’un doute, son second essai sera extrêmement attendu et, s’il y a une chose dont on peut être absolument certain, c’est qu’il entame de la plus belle des manières sa carrière et la deuxième décennie du XXIème siècle.

(in heepro.wordpress.com, le 22/06/2011)


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