Magazine Culture
Ovationné à Cannes, Pater se traîne une sacrée bonne réputation. La forme est audacieuse : pas de scénario, pas de personnages, pas de mise en scène. Le parti pris de Cavalier est radical : partir du réel, créer la fiction dans le réel, laisser la fiction envahir le réel. Pas de frontière, pas d’enjeux. Juste du plaisir brut, pris sur le vif, à construire, déconstruire, réfléchir. Masturbation intellectuelle, bonjour ! Vincent Lindon, son fils (spirituel) et compagnon de voyage (cinématographique), se prête au jeu. Tous deux se filment, puis s’engouffrent dans un script qu’ils écrivent face caméra, devenant un Premier Ministre, et un Président. C’est sûr que comparé à la Conquête de Durringer, c’est un chef d’œuvre de liberté, une apologie- atypique et décalée- du non conformisme. Mais sinon ?
Pater, ce n’est pas vraiment du cinéma. Ou alors du cinéma vérité, ou du cinéma mensonge. On ne sait trop. Une sorte d’ovni en construction autour des notions de pouvoir, qui s’élève contre le capitalisme, la mascarade gouvernementale, et prône un retour à l’authentique, au tâtonnement, à l’art (ré)créatif. Mais, malgré toute l’originalité déployée, cela n’en fait pas un film politique. Cavalier et Lindon qui se matent au fond des yeux, qui jouent aux acteurs et aux politiciens, qui rappellent surtout qu’on est ce que l’on est qu’au travers d’un regard, d’un costume … ou d’une cravate : c’est bien sympa, mais ça ne mène pas à grand-chose. Sauf peut-être au constat que tout est théâtre, manipulation, faux-semblants. C’est ludique, oui, parfois. Etonnant. Rigolo. Mais la plupart du temps, Pater c’est aussi une accumulation de private jokes un tantinet snobinarde, qui se regarde quand même pas mal le nombril. Le film se termine, rien de plus, rien de moins. La salle, elle, est vide.