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Isolement

Publié le 24 juin 2011 par Prland

Aujourd’hui, c’était mon anniversaire. Un truc qui tombe tous les ans, rien de particulièrement marquant mais quand même : l’occasion pour moi comme pour tous de constater chaque année une activité plus ou moins record sur son profil Facebook.

Cette année, en plus des messages publics ou privés ou même des pokes (…), des twitts et DM, des SMS et des mails, j’ai profité de petits mots d’amitié géolocalisés sur FourSquare, musicaux sur Spotify et même VIP sur aSmallWorld, souvent drôles, parfois émouvants, ponctuellement faussement vachards sur mon âge qui n’a d’ailleurs jamais été aussi avancé. Autant de preuves d’amitié ou simples attentions qui font chaud au coeur.

Je ne les ai pas comptés, ne m’en suis surtout pas sur-délecté, j’ai juste pris la mesure de mon plaisir en lisant chacun des messages un à un, consciencieusement, pour ce qu’ils représentaient : au minimum, quelques secondes consacrées à me faire un petit signe, quelque fois de vrais petits chefs d’oeuvre de créativité.

Ca pourra au choix paraître ridicule ou pathétique mais j’ai profité. Vraiment, sans second degré, pour une raison simple mais sans doute un peu inattendue pour ceux qui me connaissent aujourd’hui.

Isolement

Distance heureuse

Petit, j’étais solitaire, ma famille s’étonnait de me voir préférer 2 heures de lecture dans ma chambre plutôt qu’une boum entre copains. Je n’étais pas seul mais limitais les moments de socialisation, par goût.

En grandissant dans mon Besançon natal, je me suis constitué un entourage limité à quelques amis. Importants et précieux, ils acceptaient mon indépendance, je n’avais aucun effort à faire, on se voyait lorsque je l’avais décidé, j’entrais en hibernation à mon gré, ils étaient là à mon retour. Je ne cherchais surtout pas à étendre mon groupe d’amis et jetais un regard oblique à tous ceux qui tentaient par extraordinaire d’y entrer d’une façon qui me semblait toujours intrusive.

En arrivant à Paris pour terminer mes études, j’ai facilement reconstitué un cercle rapproché toujours limité en nombre, avec quelques étudiants de mon école et des bisontins exilés à Paris. J’ai perdu de vue mes anciens copains d’école restés en province, en laissant aller mon penchant naturel à mettre le moins d’énergie possible à maintenir la relation. L’armée m’a fait découvrir un nouveau monde d’amitiés solides entretenues à distance plusieurs années. A distance.

Puis les premiers jobs sont arrivés, les premières histoires sentimentales sérieuses aussi, alternant avec des périodes d’enfouissement dans le travail pendant que mes amis quittaient un à un Paris pour une vie provinciale plus paisible et familiale. Quelques collègues sont alors devenus mes plus proches relations, dépassant ponctuellement seulement le cadre du travail. Mais garder la distance me semblait le meilleur moyen de ne pas imposer mes écarts d’humeur relatifs à un autre de mes traits de caractère coloré : je suis lunatique. J’étais bien persuadé de faire preuve de bonté extrême en protégeant mes amis de mes pires moments de mauvaise humeur. Je devais certainement avoir quelques qualités mais la bonté n’en faisait pas exactement partie.

Et un jour j’ai levé la tête…

Isolement

Détachement douloureux

A la veille d’organiser des vacances que je n’avais pas pris depuis très longtemps et qu’il m’aurait fait plaisir (pour une fois) de partager, j’ai mesuré à quel point le nombre de mes amis s’était réduit dans mon Filofax. Je devais me rendre à l’évidence : j’étais seul, pas par choix cette fois, et entouré de gens qui pensaient sans exception que je ne l’étais pas.

Structuré et rationnel comme un scientifique peut l’être, j’ai fait la liste de tout ce en quoi j’avais contribué à mon isolement, j’ai réalisé que je n’avais jamais vraiment dit à mes amis à quel point ils comptaient pour moi, tout simplement parce que je ne le savais pas. J’ai sans doute pris conscience à ce moment là que je ne pouvais pas exclure complètement que mon sale caractère ne faisait pas de moi un type bien.

J’ai passé les quelques mois qui ont suivi à constater que se faire des amis n’est jamais aussi compliqué que lorsqu’on en cherche.

J’ai détesté mon indépendance devenue contrainte. Je me suis étourdi dans le travail pour ne plus constater chaque jour à quel point j’étais seul, paradoxalement très entouré mais seul. Sans y être particulièrement destiné, j’ai mécaniquement progressé, recevant des promotions que je ne demandais même pas, sans doute pour récompenser mon dévouement absolu. Ce qui m’éloignait invariablement de mes collègues pourtant les plus proches au moment où je devenais leur manager. Une expérience qui m’a conduit à renforcer la distance que j’impose dans mes relations professionnelles, encore aujourd’hui, longtemps plus tard.

Isolement

Contre nature réparateur

Redevenu célibataire après une quasi décennie de vie de couple, j’ai décidé que j’agirais contre nature. En chassant mon penchant pour une indépendance dont je mesurais désormais la dimension égoïste et en forçant le maintien des relations qui se créaient. Le tout à un moment où, incidemment, les réseaux sociaux déboulaient dans ma vie. Très vite, j’ai pris conscience que tenir un blog ne serait finalement pas un exercice isolé de plus et créerait des occasions de rencontres précieuses, dans la vraie vie, jusqu’à la transformer.

J’en ai profité, j’ai même fini par aimer ces moments de regroupements improvisés avec des gens que je ne connaissais que par leurs écrits. Même si la première entrée dans ces cercles d’initiés me coûtait toujours, je faisais l’effort. J’ai fini par rencontrer beaucoup de blogueurs qui, au gré des affinités, ont constitué un solide premier cercle d’amis et m’ont apporté de nombreux potes qui comptent.

Aujourd’hui, je ne cherche plus de nouveaux amis, j’essaie d’épargner autant que possible de mes pires traits de caractère ceux que j’ai et que j’aime, en cachant aussi bien que possible les efforts bien anecdotiques que ça me coûte de plus en plus rarement. Je n’hésite jamais à sacrifier un moment de solitude réparatrice pour un échange avec tous ceux qui comptent autour de moi. Je me suis même tellement habitué à connecter avec le monde qui m’entoure que je le fais sur les réseaux avec un comportement proche de l’excès.

Je sais que je ne suis pas parfait en amitié, on ne chasse jamais complètement le naturel. Et je ne peux qu’espérer que mes petits efforts ne soient pas trop visibles ni pesants.

Je sais aussi que tous ces signes de sympathie, concentrés le jour de mon anniversaire, de tous ceux qui comptent pour moi, me rappellent pourquoi ces efforts en valaient la peine. J’ai appris à donner toutes leur valeurs à de petits signes d’attention dont je n’ai réalisé l’importance que très tard.

Merci à tous ceux qui ont contribué à cette belle journée.


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