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L’objet s’exprime

Publié le 26 juin 2011 par Helamiled

Les objets, comme les espèces naturelles, peuplent le monde et comptent parmi les multiples éléments essentiels qui nous environnent. Disons, d’une façon sommaire, qu’ils vont du bouchon jusqu’à l’avion passant par ceux appartenant au domaine culinaire, vestimentaire, ameublement, artistique, etc. Leur présence dans la vie quotidienne est tellement axiomatique qu’elle est devenue un composant du commun.

Seulement, trouver une définition universelle du terme « objet » n’est pas aussi intelligible qu’il ne paraît l’être. En fait, étymologiquement, le terme, de son origine objecta, désigne jeter (jecta) à la rencontre (ob) ou objectum jeté contre. Chose existant en dehors de nous-mêmes, placée devant et ayant un caractère matériel : tout ce qui s’offre à la perception et affecte les sens.[1]

Cette définition demeure assez simpliste et ne traduit pas tout ce que le terme peut porter d’un point de vue signification étant donné qu’il est en relation directe avec l’homme. C’est pour cette raison qu’il s’est trouvé au carrefour de maintes préoccupations relevant de l’ordre économique, artistique et design, sociologique, philosophique et médiatique. Toutes ces disciplines, chacune dans sa spécialité, étudient une certaine recodification des rapports entre l’homme et son environnement proposés par les sciences humaines et ce en fonction de l’objet.

En effet, vu son foisonnement dans notre environnement, la notion d’objet a acquis une certaine importance accrue l’inscrivant dans un contexte conceptuel :

Phénoménologiquement, l’objet n’est guère naturel. Il est le produit de l’homme qui le fabrique en fonction d’une échelle proportionnellement inférieure à ses dimensions, de façon à ce qu’il puisse le prendre ou le manipuler. Il se situe, par suite, à un certain niveau du Modulor tel qu’il est présenté par Le Corbusier : « un objet aurait une dimension supérieure au millimètre et inférieure à 86 cm dans l'une des dimensions, et 139.7 cm dans l'autre (catégories du Modulor). »[2]

Sémantiquement, l’objet est un vecteur de communication socioculturelle : il est la matérialisation d’une multitude d’actions de l’homme dans la société, ce qui lui confère son caractère culturel, et représente, en quelque sorte, les messages qu’envoie et apporte l’environnement social à l’acteur et inversement. Son existence même est un message d’un individu à un autre et d’un collectif (le ou les créateurs) à un personnel dans la mesure où il porte des morphèmes assemblés d’une certaine manière et combinés à partir de contraintes générales tels la topologie, la continuité, le contraste vide et plein, etc. qui sont reconnaissables individuellement. L’objet est, par suite, considéré comme un médiateur de communication même s’il n’a pas été pris en tant que tel par les sciences sociales traditionnelles sauf pour quelques tentatives qui demeurent timides de designers et de philosophes peu connus. « A cet égard s'applique remarquablement la formule de Mac Luhan « the medium is the message », l'objet porteur de forme est message en dehors même, en plus de ces matérialités. »[3]

Par ailleurs, l’objet peut se présenter tantôt comme un élément unique simple ou composé, tantôt comme un élément d’un ensemble auquel s’applique la caractéristique du terme « display »[4]. Il puise, ainsi, sa signification dans son placement dans un contexte construit, reconnu, anticipé et imaginé par les gens car « the products are to be understandable or meaningful to someone. »[5] [Les produits doivent être compréhensibles et signifiants pour quelqu’un].

De ce fait, la lecture sémantique de l’objet va prendre d’autres dimensions plus complexes invoquant, à ce niveau, l’idée de série, d’arrangement, d’exposition et d’assortiment ; chose qui a incité Moles à parler de « sociologie des objets » : « Dans la mesure où l'ensemble des objets se trouvent liés par des relations logiques ou statistiques, une sociologie des objets, ou science des objets en groupe, pourra se constituer. »[6] Ce prédicat fait allusion à l’étude de l’objet dans la masse d’objet et évoque, par suite, la notion de communication de masse, ou encore celle de message d’une masse d’éléments, qui ne prend sens profond que si elle prend l’homme, l’usager ou le consommateur, comme facteur intégrant. Il permet, également, l’emprunt et l’usage du vocabulaire social et plus précisément de certains concepts sociologiques comme par exemple la catégorisation. Celle-ci peut être en fonction de la fonction de l’objet (décoratif ou fonctionnel), de son mode de fabrication (artisanal ou industriel), ou autre.



[1] Dictionnaire Pratique du Français, sous la direction de P. Amiel, Hachette, France : 1987

[2]A. Moles, Objet et communication. In: Communications, 13, 1969. p5.

[3] Ibid, p.2

[4] Ibid, p.7

[5]K. Krippendorff, The Idea of Design. Edited by V. Margolin and R. Buchanan, On the Essential Contexts of Artifacts or on the Proposition that "Design Is Making Sense (of Things)", MIT Press: 1995, p 156. In : F. Capell Zapata, A. Guenand, Une Ontologie de la Sémantique de l'Objet, Université de Technologie de Compiègne, Laboratoire CQP2 - Conception et Qualité des Produits et des Processus - Design Industriel, Centre de Recherche Pierre Guillaumat,10ème Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, p.15

[6]A. Moles, op. cit., p.12


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