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Identité et Diversité

Publié le 26 juin 2011 par Helamiled

La notion d’identité peut sembler à priori une notion simple qui relève de l’évidence. Elle renvoie à la conscience immédiate de soi à travers l’écoulement du temps et la diversité des situations. Cependant, à l’examen, elle apparaît beaucoup plus complexe dans la mesure où elle est considérée comme la résultante directe d’une relation comparative entre une chose avec une autre ou avec elle-même. C’est là où s’impose le concept de l’identité.

Seulement, notre primo-abord ne va pas s’attarder sur la dimension sémantique du terme et sur ses différentes approches théoriques, il portera essentiellement sur les différentes sortes d’identité pour se prolonger vers la diversité culturelle en affleurant la notion de culture en rapport avec l’identité.

De l’identité à l’identité personnelle

Vue la multitude des approches mobilisées pour bien comprendre ce qu’est l’identité, il est difficile de synthétiser tous les aspects du concept dans une seule définition. Mais lors de mes recherches, une définition m’a paru qu’elle traduit assez bien certaines caractéristiques :

« L’identité est un système de représentations, de sentiments et de stratégies, organisé pour la défense conservatrice de son objet (le « être soi-même »), mais aussi pour son contrôle, sa mobilisation projective et sa mobilité idéalisante (le « devenir soi-même »). L’identité est un système structuré, différencié, à la fois ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence), dans une coordination des conduites actuelles et dans une perspective légitimée (projets, idéaux, valeurs et styles). Elle coordonne des identités multiples associées à la personne (identité corporelle, identité caractérielle, spécificités personnelles…) ou au groupe (rôles, statuts…). »[1]

Cette définition, relativement complexe, convoque une multiplicité de points de vue[2] que nous allons d’ores et déjà inventorier.

Le courant psychanalytique s’est arboré de plusieurs idéologies et grandes tendances traitant le sujet : Erikson, ainsi que d’autres partisans néo-freudiens comme K. Horney, H. Sullivan, E. Fromn, etc., abordent le concept dans une articulation psychosociale en cherchant à mettre en lumière l’interaction étroite entre l’identité pour soi et l’identité pour autrui, et l’appréciation personnelle et la comparaison sociale. Il insiste qu’il s’agit d’une notion qui est sujette à transformation et évolution et qui s’origine tout simplement dans l’enfance. Elle est la façon dont l’individu s’identifie aux autres et qui correspond à celle dont la collectivité va l’identifier et lui proposer une définition de lui-même en fonction de ses caractéristiques personnelles, de sa famille, de ses groupes d’appartenance, etc.

« Le jeune doit sentir une continuitéprogressive entre ce qu’il est parvenu à être au long de ses années d’enfanceet ce qu’il promet de devenir dans un avenir anticipé ; entre ce qu’ilpense être lui-même et ce qu’il observe que les autres voient en lui et attendentde lui. […].Cetteidentité, toutefois, dépend de l’appui que prête au jeune individu le sentimentcollectif d’identité qui caractérise les groupes sociaux auxquels ilappartient : sa classe, sa nation, sa culture. »[3]

Après le développement de la notion du « soi » à partir des années soixante, les travaux psychanalytiques ont fait place à cette nouvelle orientation théorisée par E. Jacobson qui considère le soi comme un renvoyant de la personnalité toute entière, corps et psychique.[4]

Cette thèse a été prolongée par l’approche psychosociale de son précurseur G. Mead qui avance que le soi est une structure sociale qui naît des interactions quotidiennes : l’individu prend conscience de son identité en adoptant le point de vue des autres et notamment du groupe social auquel il appartient.[5] Donc la connaissance de l’identité relève de la conscience de soi en présence de l’autre à travers l’autre. En d’autres termes, l’identité implique la conscience de soi « soit par introprojection de l’autre en soi, soit par projection sur autrui des caractéristiques propres au sujet »[6]. C’est là où réside tout le paradoxe du concept. Il apparaît non pas comme une interrogation d’ordre ontologique mais comme un problème de connaissance ou plutôt de reconnaissance.

En effet, selon Locke, l’identité d’une chose est de savoir si cette chose est identique à elle-même car, en fait, une chose ne peut être elle-même et une autre à la fois et dans le même temps. De même, l’identité d’une personne est de savoir si elle est la même malgré les changements qu’elle subit ; et là il a donné l’exemple des photos étant enfant et le visage d’aujourd’hui dans la glace[7]. En termes plus simples, pour Locke, le problème de l’identité d’une chose revient toujours à se demander si cette chose est la même en des temps différents.

Cependant, au cours de son étude, il distingue des acceptions hétérogènes de l’identité soulignant que toutes les choses ne sont pas de même sorte et par suite ne sont pas identique dans le même sens. C’est pour cela que, pour lui, le terme identité ne convient pas à toutes les choses, notamment pas aux simples corps matériels, aux êtres vivants ou aux personnes. Il distingue, ainsi, trois significations de la notion en fonction de sa référence :

Lorsque qu’il s’agit de l’identité du corps physique (identité matérielle), elle change avec le nombre d’atomes qui constituent le corps ; « si un seul atome est ôté, ou si un nouveau est ajouté, ce ne sera plus la même masse, ou le même corps »[8].

Lorsqu’elle concerne les êtres vivants, il n’est plus question de nombre et de quantité mais d’organisation des parties : c’est à elle que convient le prédicat « identique » et non aux éléments qui entrent et qui sortent ;

« Dans l'état des créatures vivantes, l'identité ne dépend pas de la masse de certains corpuscules, mais de quelque chose d'autre. Dans leur cas en effet la variation de parties même grandes de matière ne change pas d'identité : […] une plante continue à être la même plante tant qu’elle partage la même vie, même si cette vie est communiquée à de nouvelles particules de matière. »[9]

C’est dans ce sens-ci que s’étend l’identité de l’homme non pas en tant que personne mais comme espèce du genre animal caractérisé par une certaine forme ou figure et dont le corps n’est pas inerte comme celui matériel mais bien au contraire il est en devenir et les particules qui le constituent sont vivants et varient.

« Si un homme changeait de forme ou de configuration et devenait, par exemple, un âne (au sens propre, bien sûr...) mais gardait néanmoins son esprit, il ne pourrait pas être identifié comme homme par les autres, tout raisonnable qu'il fût. Inversement, si un perroquet avec son intelligence de perroquet revêtait la figure d'un homme, il devrait être reconnu comme homme et non comme perroquet. Il s'agit presque d'une question d'état civil, et ici le point de vue des autres est constitutif de mon identité puisque celle-ci se rapporte à une forme, une figure, un corps organisé. »[10]

Donc, selon Locke, la forme prime sur l’esprit et tous deux sont distincts et séparables l’un de l’autre. Il refuse de définir l’homme seulement par son âme et instaure la notion de l’identité de l’homme ; « ce n’est pas l’idée seule d’être pensant ou rationnel qui constitue l’idée d’homme au sens de la plupart des gens, mais celle d’un corps fait de telle ou telle manière et qui lui est joint. »[11]

Par ailleurs, il n’est pas à dénier que le corps ne saurait avoir une identité et l’âme une autre différente de celle du corps, et que l’un et l’autre interagissent de quelque manière que ce soit. Mais ce que Locke suppose c’est qu’un homme ne peut pas être définit indépendamment de son corps et ce qui fait son identité ce n’est pas l’âme mais le corps. De ce fait, l’homme possède une double identité : celle générique dans la mesure où il appartient à un genre humain, et une personnelle qui le diffère de ses congénères. Et ce qui fait l’unité de la personne qu’il est ce n’est ni l’existence ni la vie mais la conscience en soi[12].

Ceci nous ramène à la troisième sorte de l’identité qui est la plus importante sur un plan métaphysique et moral, l’identité personnelle. Celle-ci consiste au fait qu’un être rationnel est le même et ne peut se considérer en tant que tel en l’absence de conscience : c’est la conscience de soi qui permet de se percevoir comme tel en dépit des divers changements, en particulier spatio-temporels, qui peuvent l’affecter. Plus simplement, une personne est elle-même et reste la même si et seulement si elle s’aperçoit comme tel à travers le changement ; il lui suffit de montrer que cette permanence n’est possible que par le biais d’un sentiment intérieur spécifique qui lui permet de se considérer comme elle-même, à savoir la conscience.

En somme, la thèse soutenue par Locke affirme que l’identité personnelle est fondée sur la conscience de soi « puisque la conscience accompagne toujours la pensée, puisque c’est ce qui fait de chacun ce qu’il appelle soi, puisque c’est ce qui le distingue de toutes les autres choses pensantes, c’est en elle seule que réside l’identité personnelle, c’est-à-dire le fait pour un être rationnel d’être toujours le même »[13] et la mémoire « aussi loin que cette conscience peut s'étendre sur les actions ou les pensées déjà passées, aussi loin s'étend l'identité de cette personne : le soi est présentement le même qu'il était alors »[14].

Cette thèse n’est pas sans soulever certaines difficultés : réduire l’identité personnelle à la conscience et par suite à la mémoire n’est pas aussi évident dans la mesure où en l’absence de celle-ci, c'est-à-dire avec l’oubli, la personne n’est plus la même, et que cette conscience est elle-même intermittente et ne peut garantir la permanence de la personne.

Cependant, comme nous l’avons avancé auparavant, l’identité s’inscrit dans une homologie entre l’individu et le groupe, les besoins internes et les influences sociales. Dans ce sens, il n’est pas à rejeter que la notion d’identité renvoie à la perception de soi comme individualité singulière pareille à elle-même à travers l’écoulement du temps et la diversité des situations, mais elle comporte également différents aspects, représentations et sentiments relatifs à la catégorisation sociale de l’individu qui marquent certaines zones de la conscience de soi.

C’est pour cela qu’il s’avère plus juste d’associer la dimension individualiste singulière à celle sociale plurale pour rejoindre la définition de P. Tap qui énonce :

« Mon identité, c’est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres, c’est ce par quoi je me sens exister en tant que personne et en tant que personnage social (rôles, fonctions et relations), c’est ce par quoi je me définis et me connais, me sens accepté et reconnu, ou rejeté et méconnu par autrui, par mes groupes ou ma culture d’appartenance. »[15]

La notion de culture

« Culture is one of the two or three most complicated words in the English language »[16]

En effet, se demander « qu’est-ce que la culture? » relève du principe de l’interrogation socratique qui se base sur le fait de poser une question d’une simplicité trompeuse sur un sujet qui est du ressort de l’évidence mais auquel il nous est ardu d’y répondre qu’après mure réflexion.

Il existe, en fait, autant de définitions du terme que d’auteurs qui se sont penchés sur la question chacun en fonction de sa propre discipline. Seulement la finalité de notre étude n’est pas de traiter la notion de culture dans une recherche approfondie mais de présenter, non exhaustivement, une série de définitions en forme de panorama glanées au gré de plusieurs lectures. Ce dénombrement nous permettra, plus tard, de mieux servir notre problématique : notre démarche suivra une méthodologie classique allant de l’étude étymologique du terme vers les avis des différentes autres sciences notamment l’anthropologie.

Le terme « culture » recouvre trois groupes de sens : du latin « colere », il signifie à la fois cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir et préserver. Il fait référence primitivement à la production agricole. Continuateur de la « paideia » des Grecs et de la « cultura anima » ou la « excolere aimum » des Romains, le sens du mot a été repris métaphoriquement et a été appliqué pour désigner la culture de l’esprit et la pédagogie de l’âme dans la mesure où il instruit ou encore forme le jugement et la sensibilité de l’âme. Il emporte l’idée de la formation du savoir et de l’élévation de l’esprit et de son ouverture au monde.[17] En d’autres termes, la culture est ce processus de construction intellectuelle et morale que l’être humain acquiert. C’est aussi le contenu de cette acquisition élaborée à partir de connaissances et d’expériences assimilées.

Ces deux acceptions ne nous intéressent pas pour autant dans notre étude dans la mesure où elles ne peuvent présenter aucun apport considérable dans le contexte de notre problématique. Ce qui nous importe, c’est le troisième sens du mot « culture ». Celui-ci désigne

l’« ensemble des acquis littéraires, artistiques, artisanaux, techniques, scientifiques, des mœurs, des lois, des institutions, des coutumes, des traditions, des modes de pensée et de vie, des comportements et usages de toute nature, des rites, des mythes et des croyances qui constituent le patrimoine collectif et la personnalité d’un pays, d’un peuple ou d’un groupe de peuples, d’une nation »[18]

C’est à dire l’« ensemble des valeurs, des références intellectuelles et artistiques communes à un groupe donné; état de civilisation d’un groupe humain »[19].

Dominique Wolton reprend la définition du terme et s’est permis de considérer la culture comme une qualité. Il a écrit :

« Le plus large est le sens anglais, anthropologique, qui intègre les œuvres et les manières de vivre, les styles, les savoir-faire; Le sens allemand est plus proche de l’idée de civilisation; Le sens français, plus limité, renvoie à l’idée de création, d’œuvres, de patrimoine, et à l’existence de critères capables de distinguer, dans ce qui se produit et s’échange, ce qui relève de la culture. »[20]

Le sociologue Edgar Morin réduit les sens du terme à deux:

« Dans son acception générale, il désigne tout ce qui n'est pas la nature, tout ce qui est appris, le savoir, le savoir-faire, les mythes, etc., tout ce qui est transmis de génération en génération. Dans un sens plus restrictif, il désigne les diverses cultures, leurs formes singulières, chacune avec ses rites, sa technique, etc. Mais, en réalité, la culture n'existe qu'à travers les cultures. La culture en soi, séparée des cultures qui se manifestent diversement, n'existe pas. Ajoutons que la culture est un ingrédient de la notion de patrie. »[21]

Plus simplement, le terme « culture » « renvoie à tous les modes de vie d'une société, et non pas seulement à ceux d'entre eux que la société regarde comme plus, ou hautement désirables. […]. Une culture est la configuration des comportements appris et des résultats de comportement dont les éléments composants sont reçus et transmis par les membres d'une société particulière. »[22] Ceci est appuyé par Manuel Montalbán qui a avancé

qu’ « en tant que patrimoine, la culture est ce long fleuve qui mène à une génération déterminée d’êtres humains, qui leur transmet des valeurs morales et esthétiques, des idéologies, l’histoire, des codes et des symboles... C’est-à-dire tout un riche patrimoine élaboré par les aînés et que les générations nouvelles reçoivent lorsqu’il existe un point de rencontre possible entre cet apport et le récepteur de cette formidable offrande. »[23]

Nietzsche, quant à lui, énonce dans des termes simplistes que « la culture consiste en ce que les moments les plus sublimes de chaque génération composent une chaîne continue à l'intérieur de laquelle on peut vivre. »[24]

Ce prédicat est exprimé par le parlement du Canada qui a définit la culture comme étant « le visage et l’âme d’un pays, car elle reflète la pensée et la façon d’agir des êtres qui l’habitent. Elle est, dans son sens le plus large, l’ensemble des connaissances, de l’expérience, des croyances, des valeurs, des coutumes, des traditions et des institutions distinctives d’une communauté. »[25]

Ou encore par la Déclaration de Fribourg qui a avancé que « le terme «culture» recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement. »[26]

En somme, ce que nous pouvons retenir de toutes ces différentes définitions, c’est que la culture désigne l’ensemble des façons de penser et d’agir propre à un groupe social. Elle régit chaque aspect de la vie même si nous sommes généralement inconscients de son influence sur la façon dont nous percevons le monde et dont nous y interagissons, et cimente une société dans la mesure où elle permet aux hommes de vivre ensemble étant donné qu’elle favorise la communication à ceux qui partagent une culture semblable. Elle se traduit par les valeurs et les manières de se comporter et de réfléchir communes et se construit dans une société au fur et à mesure de la progression de l’histoire et du contact avec les autres cultures.

Dans cette optique, toute culture se caractérise par une diversité interne ou plutôt par une diversité socioculturelle, car en fonction de chaque caractéristique sociale (sexe, âge, profession, classe sociale, etc.) la représentation des choses ne se fait pas de la même façon et chaque individu ne peut pas être considéré comme un représentant typique de sa culture car tout être humain est « créature, créateur, manipulateur et médiateur de culture. Fortement imprégné, à travers la famille notamment, par sa culture d’origine, il la transforme au fil des rencontres et des situations nouvelles auxquelles il est confronté. »[27]

Ainsi, dans cette perspective inconstante et évolutive de la notion de culture, nous allons aborder, dans ce qui suit, les concepts d’identité culturelle et de diversité culturelle.

Identité et diversité culturelle

« L’identité culturelle, base de la vie des peuples, jaillit de leur passé et se projette dans l’avenir de sorte qu’elle n’est jamais statique mais à la fois historique et prospective, étant toujours en marche vers son amélioration et son renouvellement. »[28]

Ainsi, l’identité culturelle est une synthèse de sources multiples et diverses, réalisée au cours des siècles constituant une histoire commune, un héritage à partager. Elle constitue l’une des pierres angulaires d’une société donnée et s’érige en foyer de ressources pour toute étude psychosociale. Très présente sur la scène anthropologique, elle alimente fréquemment les débats médiatique en tant qu’idéologie et non pas comme concept scientifique.[29] Elle renvoie à une modalité de catégorisation des personnes ou des groupes, et de distinction entre « nous » et « eux » en fonction de la culture et de la différence culturelle. Elle n’est pas considérée comme une entité stable léguée une fois pour toute en raison d’appartenances patrimoniales, mais, plutôt comme un phénomène complexe, dynamique, non statique et évolutif ancré dans l’histoire des groupes sociaux sans y être enfermé dans la masure où il se construit, se déconstruit et se reconstruit à chaque interaction entre groupes.

En effet, selon des analyses de chercheurs en psychologie interculturelle, l’identité culturelle agit, d’une part, pour affirmer l’identité propre et maintenir les particularités au sein d’un groupe, c'est-à-dire l’affirmation de la singularité de l’individu, et réagit, d’autre part, pour assurer l’intégration de cet individu et générer une certaine stratégie de partage et d’échange instaurée par les formules culturelles diverses qui favorise son adaptation au monde.

« La dynamique psychosociale en jeu dans la rencontre entre les acteurs sociaux porteurs de cultures distinctes s’accompagne d’un incessant réaménagement des systèmes symboliques en présence. Le bouleversement des objectifs des individus qui se rencontrent ébranle ces systèmes et les mobilise de manière inédite. […]. Il s’agit de constructions sans cesse recommencées, permettant à la fois l’adaptation du sujet au monde et l’attribution d’un sens à son être et à sa pratique. »[30]

Ainsi, l’identité culturelle est une dynamique de construction et de reconstruction des appartenances culturelles qui émane de différentes interactions externes vu qu’elle n’est pas « qu’un produit de l’auto organisation mais une production qui se réalise dans l’altérité. »[31]

Cette réaction renforcée du désir de l’identité culturelle est entraînée, en fait, par une hétérogénéité culturelle et un déploiement de rencontres interculturelles. « Lestraits et les codes culturels étant imbriqués et ancrés symboliquement dans l’identitédu sujet, la rencontre de traits et de codes étrangers alerte sa conscience. »[32]

Par ailleurs, depuis plusieurs décennies, la mondialisation accélérée et le développement de la société de l’information et de la communication foisonnent occasionnellement l’apparition de cette dynamique culturelle remettant en question la statique identitaire après avoir été entraîné dans une dialectique interculturelle car, en fait,

« nul n’est enfermé dans une position statique et nul ne demeure identique à lui-même après avoir été entraîné dans les turbulences du mouvement interculturel. Les séries de normes qui servaient la cohésion et l’harmonie du fonctionnement des groupes pris dans la rencontre interculturelle se désarticulent, pour se recomposer ensuite en de nouvelles formations, irréductibles à une simple juxtaposition ou à des arrangements éclectiques. Car de nouvelles normes sont créées, formant de nouveaux systèmes de significations mobilisables au cours des négociations identitaires qui se font jour.»[33]

C’est dans cette perspective que s’inscrit la notion de diversité culturelle. Celle-ci est un fait qu’il est aisé de constater dans la mesure où l’anthropologie montre de nombreuses sociétés de cultures fondamentalement différentes. Elle favorise la multiplication des échanges et l’ouverture au monde tout en imposant une certaine « tolérance » à l’égard des autres cultures mais elle peut également exercer une sorte d’hégémonie sur l’identité culturelle propre du moment où elle peut l’entraîner à se détourner vers d’autres cultures « modernes » et se détacher progressivement de la sienne.

« Les matériaux culturels convoqués, parfois inventés, pour répondre aux exigences situationnelles fournissent d’inégales ressources, perçues de manière hétérogène par les uns et les autres. Les tactiques déployées peuvent être fructueuses, autorisant l’intégration du sujet dans la société d’accueil sans pour autant l’exclure de sa communauté culturelle d’origine. Mais les dysfonctionnements sont fréquents, bannissant parfois l’individu de l’un des groupes, voire des deux à la fois, pour peu que les conflits s’avèrent particulièrement sévères. »[34]

Cependant, certaines politiques notamment celle de l’UNESCO incitent à la diversité culturelle et réclament son importance pour assurer l’interaction harmonieuse et le vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes ayant des identités culturelles plurielles, variées et dynamiques,[35] vu que « la diversité culturelle élargit les possibilités de choix offertes à chacun; elle est l'une des sources du développement, entendu non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle satisfaisante. »[36]



[1]J.-P. Codol et P. Tap, Revue internationale de psychologie sociale, n° 2, 1988, p. 169.

[2] Des points de vue qui relèvent de la psychologie génétique et différentielle s’inscrivant dans une démarche cliniques, ou de la psychologie sociale, de la psychanalyse et de l’anthropologie culturelle qui ont des approches phénoménologiques ou expérimentales.

[3] J. Erikson, Adolescence et Crise. La Quête de l’Identité, Flammarion, Paris : 1972, pp. 83-85

[4] E. Jacobson, Le Soi et le Monde Objectal, PUF, Paris : 1975. In : E. Marc, Psychologie de l’identité : Soi et le Groupe, Dunod, Paris : 2005, pp. 28-29

[5] G.-H. Mead, L’Esprit, le Soi et la Société, PUF, Paris : 1934, Traduction Française : 1963. In : Ibid, p.33

[6]E. Marc, op. cit. pp. 69-70

[7] La notion d'identité personnelle chez Locke, Essais sur l'entendement humain, Ch. 27, Livre II, 1690. In : http://www.philocours.com/cours/cours-soimemelockeidperso.html

[8] Ibid, §2

[9] Ibid, §3 et 4

[10] Ibid, §6

[11] Ibid, §8

[12] D'après un cours de Gabriel Gay-Para, La conscience comme principe de l’identité personnelle. In : http://philosophe.fr/index.php?id=27

[13] J. Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, Ch 27, Livre II, 1690, p. 264. In : http://dialog.ac-reims.fr/wphilo/philoreims/articles7950.html?lng=fr&pg=166

[14] Idem

[15] P. Tap, La Société Pygmalion ?, Dunod, Paris : 1988, p. 69. In : E. Marc, op. cit. p. 123

[16] R. Williams, KeywordsA Vocabulary of Culture and Society, Revue et Corrigée, Oxford University Press, New York: 1985, p. 87. In: http://www.institut-culture.org/index.php/fr/ressources/dossiers-juridiques/258-quest-ce-que-la-culture

[17]H. Arendt, La Crise de la culture, trad. P. Lévy et alii, Gallimard, Paris: 1992, p. 271. In : http://www.babelio.com/livres/Arendt-La-Crise-de-la-culture

[18] Dictionnaire de l’Académie Française, Tom 1, Fayard, 9e édition, Paris : 2001

[19] Idem

[20] D. Wolton, L'Identité Culturelle Française Face à la Mondialisation de la Communication, Communication à l'Académie des Sciences Morales et Politiques, 28 mai 2001, p.2.

In : http://www.asmp.fr/travaux/communications/2001/wolton.htm

[21] E. Morin, Le Monde Comme Notion Sociologique. In D. Mercure, Une Société-Monde? Les Dynamiques Sociales de la Mondialisation, Presses de l'Université Laval, De Boeck : 2001, p. 195.

In : http://agora.qc.ca/dossiers/Culture

[22]R. Linton, Le Fondement Culturel de la Personnalité, traduit de l'américain par A. Lyotard, Dunod, Paris :1986, nouvelle traduction 1999. In : www.philo52.com/articles

[23] M. Vázquez Montalbán, La Gauche et la CultureLe Monde diplomatique, janvier 2004, p. 32. In: http://www.institut-culture.org, op. cit.

[24] F. Nietzsche, fragment daté de 1872 (In Texto). In : http://intexto.org/sententia/culture-chaine-continue-linterieur-laquelle-peut-vivre-nietzsche

[25] Parlement du Canada, Bibliothèque du Parlement, Direction de la recherche parlementaire, Division des affaires politiques et sociales, Les arts et la politique culturelle canadienne, doc. 93-3F (décembre 1993, révisé le 15 octobre 1999), p. 2. In : http://www.institut-culture.org, op. cit.

[26] Université de Fribourg (Fribourg), Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme, Observatoire de la diversité et des droits culturel, Déclaration de Fribourg (7 mai 2007), art. 2 a). In : Idem

[27] G. Devereux. In : www.grainesdethno.com

[28] O.-D. Lara, L’histoire et l’élaboration de l’identité culturelle, Histoire et diversité des cultures, Editions de l’UNESCO, Paris : 1984, p.309. — La déclaration de Bogotá est le document final adopté par les Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, présents à la conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles, tenue à Bogotá en janvier 1978.

[29] G. Vinsonneau, Le Développement des Notions de Culture et d’Identité : un Itinéraire Ambigu, Carrefours de l’éducation, 2002/2, n° 14, p.4

[30] Ibid, p. 14

[31] S. Belkhamsa, B. Darras, Culture Matérielle et Construction de l'Identité Culturelle. Discours, Représentations et Rapports de Pouvoir. In B. Darras (Dir.) Etudes Culturelles & Cultural Studies, Harmattan, Paris : 2006, p.202

[32] G. Vinsonneau, op. cit. p.17

[33] Ibid, p.18

[34] Ibid, pp.17-18

[35] Déclaration universelle de l’UNESCO sur la Diversité Culturelle, 2001, Article 2

[36] Ibid, Article 3.


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