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Lire a formose

Publié le 27 juin 2011 par Abarguillet

LIRE A FORMOSE

Lectures de Formose

Quittant le Japon, nous faisons escale sur une autre des grandes îles du continent asiatique, Taiwan, à quelques encablures de la côte chinoise. En effet, cette étape s’impose car, même si cette île appartient à la sphère culturelle chinoise, elle a développé une culture, et notamment une littérature, propre, qui plonge ses racines dans la tradition ancestrale mais qui s’est imprégnée de la problématique insulaire de la vie sur cette île toujours sous la menace de la grande puissance de l’ex-mère patrie et qui a trouvé son moyen d’existence dans un fort essor économique réussi au prix d’une politique sociale exigeante pour la population. Nous rencontrerons donc des écrivains nés en Chine ayant migré vers Taiwan et des écrivains, plus jeunes, nés sur l’île. Wang Wenxing, le plus âgé, nous conduira ainsi à la rencontre de Bai Xyanyong, Huang Fan et Li Ang.

Processus familial  de Wang Wenxing  (1939 - ….)

Quand le Dragon, né de la côte de Chine, s’éveille, une nouvelle littérature apparaît. Wang Wenxing (né en 1939) est avec Bai Xyanyong (cf. ci-dessous) le chef de file de cette littérature taïwanaise des années soixante-dix qui, paradoxalement, a su, mieux que cinquante ans d’ostracisme communiste, « conserver et transmettre la culture chinoise traditionnelle et son art de l’écriture ».

« Processus familial » retrace le cheminement qui conduit le narrateur depuis l’enfance et l’adoration du père jusqu’à l’âge adulte et au rejet de ce dernier. » Le roman débute par la disparition du père qui sera l’objet de toute l’histoire avec les recherches entreprises par Fan Yé, le fils, qui a osé rejeter le père. Pour conduire son récit Wang a construit un plan articulé autour de deux séries de chapitres qui s’entremêlent : une série qui raconte la recherche du père et une autre de 157 chapitres qui, comme les pièces d’un puzzle, reconstituent la relation des deux protagonistes principaux du roman au sein de leur famille. Au cours de ces 157 chapitres souvent très courts, de quelques mots à quelques pages en passant par quelques lignes, Wang retrace la vie de ces Chinois du continent imbus de leur statut familial antérieur à travers les scènes de la vie quotidienne, les images, les sons et les souvenirs des événements marquants de la vie d’un enfant.

Tout au long de sa quête du père disparu, Fan Yé se remémore ce père qu’il a admiré dans sa prime enfance et dont peu à peu il s’éloigne jusqu’à le rejeter totalement et même le haïr. Entre un père irrésolu, poltron et puéril, dominé par une mère querelleuse, jalouse et menteuse, le fils puîné, la promiscuité aidant, voit les tares de ses parents prendre une importance de plus en rédhibitoire jusqu’à ce qu’il ne puisse plus les supporter.

Lors de son édition, ce livre scandalisa la critique, il incarne la révolte contre la piété filiale, véritable loi sacrée que nul ne doit transgresser dans la Chine traditionnelle et symbolise la révolte contre les régimes dictatoriaux qui se succèdent à cette époque sur l’île. C’est toute la tradition familiale du confucianisme qui est remise en question par cette nouvelle littérature née d’une Chine capitaliste et pragmatique dont les succès dans le domaine économique lui vaudront le surnom de « Dragon ». C’est la rupture entre la Chine millénaire et la Chine de Taiwan et la naissance d’une nouvelle société avec toutes les douleurs que cela implique.

Ce livre est aussi une véritable leçon d’écriture, tout ce qui est écrit est nécessaire, rien ne manque, rien n’est inutile et tout est juste. Une référence pour ceux qui meublent, croyant faire suffisant !

Garçons de cristal  de Bai Xyanyong  ( 1937 - ... )

Ces garçons de cristal ce sont ces jeunes adolescents qui se regroupent dans le parc central de la capitale taïwanaise pour se sentir moins seuls car leur famille ne veut plus les recevoir. Ils ont l’immense défaut d’être homosexuels, ce qui est une tare inacceptable dans cette société conquérante sur le terrain économique mais encore tellement marquée par la culture chinoise ancestrale. Et pour survivre, ils s’adonnent au commerce du sexe même si l’auteur, avec une très grande pudeur et une tout aussi grande délicatesse, n’évoque ces relations que par des allusions cependant suffisamment explicites pour qu’on comprenne bien le désespoir de ces gamins qui n’ont guère que leur corps pour vivre.

Un livre plein de douceur et de tendresse, d’une grand délicatesse, mais qui traite tout de même d’un sujet grave et même parfois dramatique. Il n’y a pas que les trottoirs de Manille…

Le goût de la charité  de Huang Fan  ( 1950 - ... )

Avec dix-sept autres locataires, un jeune Taïwanais habite chez une vieille dame qui le dorlote jusqu’au jour où elle décède laissant, à leur grande surprise, cette maison en héritage à ces joyeux drilles. Mais ce cadeau se transforme vite en cadeau empoisonné car il devient le révélateur de tous le travers réunis dans cette petite société où les appétits, les ambitions, la cupidité se révèlent brusquement. La charité de la vieille dame laisse un goût bien amer dans la bouche de ce jeune homme qui découvre, à travers cet épisode, une bonne partie des vices qui affectent l’humanité.

Un livre d’une grande finesse qui sonde avec précision la nature humaine et tous ses travers.

La femme du boucher  de Li Ang  ( 1952 - ... )

Mariée contre son gré à un boucher lubrique et volage, cette femme se venge en le tuant et en dépeçant son corps. En installant cette violence brutale dans son roman, l’auteur veut montrer que le traitement infligé aux femmes est à la hauteur de cette vengeance. La réplique de la femme du boucher se situe, pour l’auteur qui est une militante pour les droits de la femme taïwanaise encore largement bafoués, sur le même plan que ce que son mari lui a fait subir.

Cette femme est la seule femme taïwanaise a écrire en chinois, c’est une grande figure de la dissidence taïwanaise par ses prises de position en faveur de l’indépendance du pays et de la libération sexuelle.

Denis BILLAMBOZ  ( alias DEBEZED )

Pour prendre connaissance des autres articles de Débézed, cliquer  ICI

 

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