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Dans la tanière du loup

Publié le 28 juin 2011 par Dalyna

Il y a quelques temps, j’ai livré ici un post désabusé concernant la politique, suite à la montée de la France bleu Marine. J’étais exaspérée au point de dire qu’ils donnent le pouvoir à ce parti dont ils rêvent tant. Moi je m’en fichais, déçue. Je ne suis pas déçue du FN, mais déçue des français qui semblent de plus en plus nombreux à le soutenir, à le déclamer haut et fort. Eh bien, mes chers compatriotes, comme Sarkozy veut nous le faire croire, « j’ai changé ».

De l’eau a coulé sous les ponts. Ma déception s’est transformée en rage et en combattivité. J’ai pris ma carte au parti socialiste, et j’ai décidé de voter aux primaires et de m’investir. Non, je ne leur laisserais pas la place, la France ne leur appartiens pas. Oui, il y a des critiques à faire à gauche, mais selon moi, rien de commun avec celles que l’on peut et doit faire à droite qui a saccagé la France et a contribué à créer ce climat détestable.
A l’origine de mon réveil aussi, un livre. Il m’a beaucoup remué et je pense qu’on devrait le faire étudier aux élèves de collège tant il nous renvoie vraiment à nous-mêmes, notre place dans la cité. Il s’agit du livre de Traudl Junge « Dans la tanière du loup ». Traudl, c’est la secrétaire de la chancellerie du Reich à partir de 1942, puis secrétaire personnelle d’Adolf Hitler de 1943 à la fin de la guerre. Alors qu’elle rêve d’une carrière de danseuse, pendant la guerre, elle est contrainte de mettre ses espoirs entre parenthèses et par un jeu de relation, ce poste de secrétaire se présente à elle. Elle passe un entretien accompagnée de cinq autres filles. Ce sera elle qui sera retenue. Après la guerre, elle est capturée par les soviétiques, et dès qu’elle recouvre la liberté, en 1947, elle se met à écrire ce livre quasiment d’une traite. C’est ce qui est très intéressant d’ailleurs, car elle écrit son expérience à un moment où Hitler n’est pas encore diabolisé comme il l’est aujourd’hui. Cela rend son témoignage plus authentique et fidèle à son expérience.

Dans la tanière du loup

Elle raconte son quotidien de secrétaire, la personnalité charmante d’Hitler lorsqu’il est dans un cadre mondain, sa bienveillance vis à vis d’elle, mais aussi sa mégalomanie. Par exemple, elle rapporte que Hitler dit un jour à table « Je n’ai pas envie d’avoir un enfant, car il est très difficile d’être un enfant de génie ». Elle parle de son rôle, administratif, mais qui consiste surtout à distraire le Führer qu’elle ne voit donc que dans un cadre privé : pour un thé, pour partager ses repas accompagnée d’autres femmes et hommes de maison, notamment d’Eva Braun, la compagne d’Adolf Hitler, pour une promenade.
Elle le trouve charmant, charismatique, et l’admire. Mais elle ne sait rien de sa politique. Lors de leurs moments de détente, il n’est jamais question de politique. Les convives, qu’il s’agisse de Goebbels ou Himmler, ne parle jamais des camps ou de la guerre dans ces circonstances.

Dans la tanière du loup

Eva Braun et Adolf Hitler

Elle a eu honte de son récit toute sa vie. Est-elle innocente car elle ne savait pas, ou est-elle coupable de n’avoir pas su ? On la voit également au début et à la fin du film « La Chute », sorti en 2004 et largement inspiré du témoignage de la secrétaire concernant la vie dans le bunker et les derniers jours d’Hitler. Certains historiens ont apparemment jugé peu crédible le fait qu’elle ne savait rien de la solution finale, mais personnellement je la crois sincère. Premièrement car les nazis n’ont jamais communiqué officiellement sur les camps de concentration et encore moins les camps d’extermination. La Solution finale est une formule trouvée dans le peu de documents nazis demeurant après la guerre, et jugée par les historiens des dizaines d’années plus tard comme une désignation du projet d’extermination des juifs, tziganes, homosexuels, communistes et handicapés, mais en 1940, si quelqu’un disait « La solution finale », personne n’aurait pu y prêter attention. Ce serait comme dire « Le projet final » aujourd’hui.

Dans la tanière du loup
Dans la tanière du loup

Ce livre m’a plu car il m’a déstabilisé et fait réfléchir. Je me suis mise à la place de la secrétaire, et je ne la considère pas comme un bourreau, mais pas comme une victime non plus. C’est très compliqué. Parfois, en lisant ce qu’elle écrivait, j’avais envie de la secouer, et je me disais « mais comment peut-elle être si endormie ! ». Et puis, je ne pouvais m’empêcher, quelques lignes plus tard, de me dire qu’elle n’avait que 22 ans au moment où elle accepte ce poste, et que c’est trop facile de juger, des dizaines d’années plus tard. Je trouve aussi son témoignage courageux. Toute sa vie, elle n’a eu de cesse de donner des interviews, certes pour raconter un autre Hitler qui tranche avec l’imagerie du Führer excité en plein meeting politique, mais pour dire aux générations futures de se méfier. Elle, ne connaissait que le Führer drôle, charmant. Elle s’y fiait complètement et ne savait pas quel bourreau, meurtrier de masse se cachait derrière ces sourires, cette bienveillance. Quand j’ai acheté ce livre sur un site de ventes d’occasions, je lisais les commentaires de certains internautes. Il y en avait qui trouvait que c’était du voyeurisme, d’autres confiaient se sentir un peu « honteux » de le lire. Personnellement, je suis très contente de l’avoir lu. Je n’ai ni honte de l’avoir lu, ni honte d’avoir vu « La Chute ». Il y a encore trop de tabous lié à cette période de l’Histoire qu’on a sanctifié à cause des horreurs. Hitler est qualifié de démon. Pourtant, c’est un humain. Lorsque le film « La Chute » est sorti, des journalistes critiquaient même le fait qu’il « humanisait » Hitler ! Pourtant, c’est un humain. Ca fait mal à nos idéaux, ça fait mal à notre égo d’animal civilisé, ça fait mal aux religions, ça fait mal, et pourtant, c’est un humain qui a fait ça, il n’y a qu’un humain pour pouvoir faire ça, qu’on se le dise, et qu’on en soit plus vigilant à l’avenir. Je reprends donc à présent ma combativité car je ne veux pas vivre comme Traudl Junge jusqu’à la fin de ma vie, avec ce sentiment de culpabilité terrible de n’avoir pas su, pas agi. Hitler a été élu démocratiquement. Même si les lois antisémites se multipliaient, il n’avait pas dit la vérité sur ce qu’il ferait. C’est à nous d’agir. Non, la France ne sera pas bleu Marine en 2012. Et si elle devait malgré tout le devenir, ma fleur rose luttera tout de même jusqu’au bout.

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