Aujourd’hui, sera votée au Sénat une proposition de loi sur les certificats d'obtention végétale . Il s’agit de discuter du droit des agriculteurs à ressemer leurs récoltes. L'association France nature Environnement réagit pour défendre ce droit fondamental des agriculteurs.
Moins d’espèces et de races, c’est moins de sécurité alimentaire
Depuis la nuit des temps, les agriculteurs du monde entier produisent, échangent, ressèment leurs semences et multiplient leurs plants. A partir des plantes sauvages, les agriculteurs et les jardiniers ont sélectionné en 10 000 ans un nombre considérable d’espèces et de variétés. Des générations d’agriculteurs ont reproduit et amélioré les espèces présentes dans leur milieu pour produire des aliments pour se nourrir, des fibres pour se vêtir, et même des plantes médicinales pour se guérir. Des échanges de semences entre agriculteurs, entre villages et tribus ont permis aux espèces cultivées ou élevées d’évoluer en s’adaptant aux innombrables milieux. Des centaines de races et variétés locales caractérisaient ainsi chacune un terroir et valorisaient leurs milieux avec leurs caractéristiques et contraintes spécifiques.
Depuis un siècle, les règles ont changé. Le terroir importe peu et seule la productivité à l’hectare compte, quitte à compenser les effets du milieu en irriguant à outrance ou en utilisant massivement engrais et pesticides. Des variétés modernes, beaucoup plus productives en sont ressorties, éliminant progressivement les variétés locales. En un petit siècle, pour les seules espèces cultivées, nous avons perdu de 75 à 95 % de notre diversité domestique mondiale (FAO 1996).
Progressivement, la base génétique sur laquelle repose toute l’agriculture et sa fonction nourricière s’est donc retrouvée limitée et concentrée entre les mains de quelques grands sélectionneurs et autres groupes semenciers internationaux. Ils se sont approprié l’exclusivité de la reproduction des espèces cultivées, interdisant unilatéralement par voie génétique mais aussi réglementaire, le droit immémorial des agriculteurs à ressemer une partie de leur récolte. Cette concentration se traduit aussi par une une standardisation des cultures car les mêmes espèces et les mêmes variétés sont aujourd’hui cultivées sur des millions d'hectares dans le monde. La conséquence principale de cette confiscation du vivant est une réduction considérable de la diversité génétique des plantes sur lesquelles repose notre alimentation. Cette faible diversité génétique constitue une menace et un risque très important en cas d'épidémie virulente ou de changement climatique.
Une loi qui restreint encore plus les droits des agriculteurs
Cette proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale propose de restreindre le droit des agriculteurs à ressemer, en ne l’autorisant sous forme dérogatoire que pour un nombre limité d’espèces listées par décret. Cette approche est contradictoire avec la Convention sur la Diversité Biologique de 1992 . L’agriculture durable, l’agriculture biologique, l’agriculture de haute valeur environnementale ont besoin de variétés radicalement différentes des variétés hautement productives proposées par la sélection moderne. Ce droit d’expérimenter et de sélectionner localement, dans les milieux les plus divers des variétés locales adaptées, doit être inscrit explicitement dans la réglementation française pour se mettre en accord avec nos engagements internationaux.
Jean-Claude Bévillard, pilote du réseau agriculture de FNE, précise « Nous reconnaissons la nécessité d’une juste rémunération du travail de sélection, de création de nouvelles ressources génétiques réalisé par des entreprises ou des organismes de recherche mais nous affirmons le droit des agriculteurs à produire et multiplier leurs semences. Ce droit doit être reconnu sans que les agriculteurs aient à payer pour exercer ce droit.»
Pour France nature Environnement, le droit de ressemer une partie de ses récoltes est un droit immémorial et fondamental des agriculteurs.
Contacts :
Lionel Vilain, conseiller technique, 06 12 85 87 71
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