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Markus ZUSAK - La Voleuse de livres : 9/10

Par Eden2010
Markus ZUSAK - La Voleuse de livres : 9/10

Markus Zusak - La voleuse de livres : 9/10

Un livre dramatique, un livre poétique. Un livre pour les adultes, un livre pour les adolescents. Un livre qui nous laisse muets. Un destin similaire à un millier d’autres, et pourtant un destin unique.

Oui, j’ai adoré ce roman. Ce n'est pas tant l’histoire que la manière de la présenter, à travers une perspective étonnante qui jette une ombre sur l’ensemble. Surtout, le roman est porté par une écriture merveilleuse.

L’histoire, elle, est relativement simple - et pourtant terrible.

C’est d’ailleurs à travers l’intrigue même que nous sentons qu’il peut s’agir, ou non, d’un livre pour adolescents, puisque ce qui transpire ici c’est un peu d’Anne Franck, un peu de Friedrich, un peu de tous ces livres jeunesse écrits pour que les adolescents grandissent en comprenant que la Seconde Guerre Mondiale, ce n’est pas seulement de l’Histoire, mais surtout des destins individuels détruits.

Alors, de quoi s’agit-il ?

« La voleuse de livres », c’est le destin tragique de Liesel Meminger. Liesel est une petite fille d'une dizaine d'années qui se rend en compagnie de sa mère et de son petit frère Werner dans une famille d’accueil parce que les temps sont durs, surtout pour les communistes,un mot que Liesel ne comprend pas mais qu’elle sait lourd de conséquences.

Or, pendant le voyage, Werner meurt devant ses yeux et sera enterré dans la neige. Une image qui ne la lâchera jamais.

Et c’est alors qu’elle devient une voleuse de livres. Elle vole des livres avant même de savoir les lire, et encore moins les comprendre. Son premier vol sera commis dans la neige, près de la tombe de son petit frère.

Les livres auront toujours une signification très particulière pour la petite fille.

Liesel arrive donc seule à Molchin, petite ville près de Munich, où elle est accueillie par Hans et Rosa Hubermann. C’est dans cette famille d’accueil qui lui ouvre son cœur qu’elle assistera à la guerre.

Petite fille de dix ans, elle découvre la montée du nazisme, la haine à l’encontre des juifs, elle assistera, sans comprendre, à la pression grandissante de la NSDAP, elle fera tout naturellement partie du Bund Deutscher Mädchen, la jeunesse hitlerienne, comme tous les enfants de sa rue, la rue Himmel.

A travers les destins des habitants de cette rue si joliment nommée et qui croiseront la route de Liesel, nous vivons la seconde guerre mondiale dans les yeux d’une enfant, nous comprenons la peur qui étreignait alors le cœur de tous, quel danger pouvait avoir un simple geste d’amitié envers un homme ou une femme de confession juïve.

La famille Hubermann faisait partie de ceux qui restent dans l’ombre, et pourtant, ils acceptent de cacher dans leur sous-sol un juïf, Max. Cet homme se liera d’amitié avec la jeune Liesel.

J’imagine que vous avez lu, dans votre jeunesse et même plus tard, plusieurs livres du même type. Moi, j’ai grandi en Allemagne, ce type de livre a donc bercé ma jeunesse dès le primaire.

Ce n’est dès lors pas l’intrigue même qui m’a surprise, elle n'est pas différente des autres romans de ce type. D’ailleurs, aucune surprise ne nous attend vraiment puisque l’auteur nous dévoile toujours à l’avance l’issue des petites histoires, on sait qui mourra comment bien des chapitres à l'avance.

Non, ce qui rend ce roman assez unique, c’est d’abord la perspective à travers laquelle nous abordons le roman :

Dès les premières pages, une ombre étrange est projetée sur ce roman, puisque l’histoire de la voleuse de livres nous est conté non pas par Liesel, ni par un tiers, mais par la Mort.

Oui, la Mort elle-même, qui, en ramassant les âmes croisera Liesel à plusieurs reprises.

Ensuite, dès les premières lignes on est assommé par une écriture d’une poésie incroyable.

Chaque phrase est douce, et c’est presque avec tendresse que la Mort nous fait vivre les situations les plus terrifiantes de cette sombre époque.

Sans insister véritablement, nous vivons tout, les lois contre les juifs, la nuit de cristal, la hargne du Führer, et rapidement l’impossibilité de s’opposer au parti nazi sans risquer des conséquences dramatiques.

L’écriture colorée et vivante m’a vraiment impressionnée, elle parait si facile, si simple, mais il est rare qu’une simple phrase prenne vie à ce point. Et cette poésie, car je ne trouve pas d’autre mot, traverse l’ensemble du roman.

Impossible de donner des exemples, sortis du contexte les mots perdent leur magie. Me vient à l’esprit la scène danbs laquelle quelques garçons scolarisés sont examinés par les médecins pour évaluer s’ils pourraient rejoindre l’élite et qui doivent se déshabiller et se retrouvent donc en sous-vêtements devant l’infirmière et le médecin qui leur demandent de baisser leur culotte – jusqu’à ce qu’ils se retrouvent ainsi, nus, « avec leur amour-propre autour des chevilles ». Une image se dresse devant notre œil intérieur.

Oui, hors du livre cela n’a pas autant d’ampleur, mais je peux vous dire que la lecture est tout simplement un bonheur.

Les images livrées sont si vivantes à chaque pas qu’on a l’impression de voir les mots prendre vie, de s’habiller des couleurs les plus divers.

Le troisième aspect qui m'a touché est la cruauté habillé de couleurs pastel. Parfois c’est un mot lancé qui nous fait trembler, cela peut être une expression simpliste lancée au bon moment, comme par exemple dans le rêve que fait Max, le juif clandestin : il se voit alors dans un ring de boxe face au Führer, et l’arbitre annonce les règles - très en faveur d’Adolf Hitler. Puis il demande aux deux boxeurs « C’est clair ? », et le Führer prononce alors ces mots : « Comme du cristal ».

Peu auparavant avait lieu la nuit de Cristal, et ce rêve fait résonner la terreur qu’éprouve Max au point qu’en lisant ces trois mots, si simples, si courants, on ne peut faire autrement que frissonner, ces trois mots prennent une telle ampleur dans la bouche du Führer que c’en est effrayant.

Alors, livre pour adolescents ou pour adultes ?

Les adolescents apprécieront plus l’histoire, dont certains chapitres sont légers et qui reste malgré tout le récit d'une petite fille, les adultes apprécieront plus la plume, mais tous, j’en suis certaine, sortiront muets de la lecture.

Pour terminer je tiens à souligner l’excellence de la traduction. Je n’ai pas lu la version originale (The Book Thief), mais uniquement la version française qui véhicule toute cette poésie. Je n’ai donc pas comparé directement, mais le roman en VF est tout simplement excellent, chaque ligne est réfléchie et magnifiée, à aucun moment je n’ai été gênée par des mots hors propos qui seraient dus à une traduction aléatoire ; je félicite donc Marie-France Girod qui a réalisé cette traduction.

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