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Les trois amis

Par Mafalda

Autrefois, il y eut, dans l'Inde entière, une grande sécheresse. Un jeune chien errait de tous côtés, cherchant de l'eau pour calmer sa soif. En passant près d'une caverne, il entendit le bruit d'une source, et entra. Un serpent et un homme firent comme lui.
Comme aucun des trois ne pouvait compter sur un allié pour tuer l'autre, ils prirent le parti de se supporter mutuellement, et même ils devinrent bons amis et demeurèrent ensemble dans la caverne.
Un brahmane de Bénarès, qui se rendait dans son pays, les aperçut, et il eut pitié d'eux ; il déposa devant l'entrée de la caverne une corbeille contenant diverses provisions.
L'homme dit au brahmane :
- Tu nous as sauvé la vie, car nous allions mourir de faim. Quand nous serons rentrés chacun dans notre patrie, reviens nous rendre visite, et nous te prouverons notre reconnaissance.
Le chien dit alors :
- Seigneur, à Bénarès, près de la porte du Sud, il y a un figuier ; je demeure sous cet arbre ; si jamais tu as besoin de moi, viens m'y trouver ; je me nomme Danjâ.
Puis ce fut le tour du serpent :
- Seigneur, non loin de ce même figuier, il y a un tertre bâti par des fourmis. C'est là que je demeure ; quand tu auras besoin de moi, viens près de ce tertre et appelle-moi par mon nom qui est Dignâ.
L'homme enfin dit au brahmane :
- Je demeure à Bénarès, dans la rue qui s'appelle Azuka, et ma maison porte aussi ce nom. S'il t'arrive quelque malheur ou quelque accident, aie recours à moi. Je me nomme Agdin.
Le brahmane, les ayant remerciés, se remit en route.
Quelques temps après, un malheur lui arriva en effet : alors il songea aux promesses que lui avaient faites les trois habitants de la caverne ; il alla donc près du figuie, vers la porte méridionale de Bénarès, et cria :
- Danjâ !
Le chien apparut aussitôt :
- Quelle est la cause qui t'a fait venir ? lui demanda-t-il ?
- Seigneur Danjâ, lui répondit le brahmane, je sens que la mort s'approche de moi. Or, j'ai un petit enfant, et je n'ai aucun parent à qui je puisse le confier. Voilà pourquoi je suis venu te trouver.
- Tu as bien fait, dit le chien ; tu nous as sauvé la vie, et il est juste que tu comptes sur moi pour veiller sur ton enfant. Reste ici, je vais chercher un moyen pour qu'il ne lui manque rien.
Et aussitôt il courut à la forêt.
Le roi venait de se baigner dans un lac situé au milieu de cette forêt. Il avait laissé par mégarde tomber un ornement en perles dans les roseaux, et il tenait beaucoup à ce bijou. Le chien le trouva et le donna à un de ses amis en lui disant :
- Va-t'en à la ville de Bénarès, tu trouveras auprès du figuier, vers la porte du Sud, un brahmane, et tu lui remettras cet ornement en lui disant : "C'est le bijou que le roi a perdu."
Le roi avait fait annoncer par toute la ville qu'il promettait une grande récompense à celui qui rapporterait l'objet précieux.
L'homme à qui cette commission avait été confiée s'en acquitta fidèlement, et le brahmane se dit :
- Pourquoi ne rendrais-je pas moi-même le bijou du roi ? J'aurai ainsi la récompense promise ?
Il fit comme il avait dit. Étant allé trouver les serviteurs du roi, il leur déclara qu'il avait ramassé l'ornement. Mais le roi crut que cet homme n'était qu'un voleur, et il ordonna de planter un poteau près de la porte méridionale de Bénarès, pour y brûler le brahmane.
Celui-ci, conduit au lieu du supplice, vit le figuier et le tertre bâti par les fourmis ; alors il se rappela que le serpent habitait à cet endroit. Il cria aussitôt :
- Dignâ !
Le serpent, ayant pris la forme humaine, se présenta aux exécuteurs et leur dit :
- Attendez un moment avant de faire de qu'on vous a ordonné.
Puis il s'approcha du brahmane, et le rassura par ces paroles :
- Quand tu entendras la proclamation du roi annonçant qu'on demande un habile médecin pour guérir la reine, déclare que tu es médecin toi-même, et que tu es sûr du succès.
Puis, reprenant la figure d'un serpent, il alla au palais et mordit la reine de telle sorte qu'elle tomba dans un sommeil léthargique.
Le roi fit aussitôt chercher un médecin. Le brahmane, qui était attaché au poteau, fit ce que le serpent lui avait recommandé, il se rendit au palais, et jeta quelques gouttes de l'eau du Ganges sur la reine qui se réveilla en parfaite santé.
Pour récompenser le brahmane, le roi lui offrit de l'or, de l'argent et une riche demeure, et le saint homme vécut en paix.
Le roi lui ayant demandé comment il avait trouvé le joyau, le brahmane lui dit :
- Au temps de la grande famine, j'ai rencontré un jour dans une caverne un homme, un serpent et un chien, et je leur ai donné à mangé. Le chien a trouvé le bijou, l'homme me l'a apporté ; le serpent m'a appris le moyen de guérir la reine ; et vous-même, seigneur, vous m'avez récompensé par les richesses dont je jouis maintenant.

Charles GILES


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