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Eugenio De Signoribus, Ronde des convers

Par Angèle Paoli
Eugenio De Signoribus, Ronde des convers,
Verdier, Terra d’altri, 2007.


   Ronde des convers. Ce titre inattendu convoque immédiatement en moi un souvenir ancien mais toujours extrêmement vivace. Un jour d’hiver dans la Chartreuse. Une visite à l’abbaye, dans le grand silence blanc de la montagne et le froid cinglant de l’hiver. La cloche vient de sonner. Les chartreux sortent, l’un derrière l’autre. Non pas les frères convers, disséminés sur la propriété et occupés à leurs travaux ordinaires. Mais les Pères. Longues silhouettes de bure, déambulant sous les arbres, tête encapuchonnée, mains derrière le dos. Récréation d’un temps immémoriel*. Clôture de l’espace. Ronde sans parole. Rencontre sans regard.
   Ronde des convers ? Un titre onirique inscrit dans la figure du cercle. Figure sacrée mais close sur elle-même. Un titre mystère qui ne laisse rien soupçonner ni transparaître du contenu de l’œuvre poétique présente. Publié chez Garzanti en 2005, le présent ouvrage a été préfacé par Yves Bonnefoy. Il s’accompagne d’une postface et de commentaires de Martin Rueff, qui en est aussi le traducteur.
Une œuvre en écho à l’Enfer de Dante
   De conception apparemment simple et sobre, l’opus poétique d’Eugenio De Signoribus se révèle, de l’intérieur, d’une grande complexité architectonique. Une architecture aux stratifications multiples, jusque dans les moindres détails. Composé de neuf sections (en écho aux neuf cercles de l’Enfer de Dante ?), le recueil poétique s’ouvre sur un diptyque Prémisse/Promesse, et se clôt sur un Congé.
   Au-delà de leur très grande proximité phonique ― paronomase ―, les deux volets du tableau Prémisse/Promess semblent induire, de manière implicite, une démarche proche du syllogisme. En trois temps, trois arguments : Prémisse, argument majeur ; Promesse, argument mineur ; Congé, conclusion.
  Dans Prémisse, le poète, ancré au cœur des pulsations violentes de son temps, oppose sa réserve, son retrait, sa pudeur. À la « parole défilante », par trois fois, il oppose un « cri ». À la « détonation » tonitruante de la « vie manifestante », la seule offrande qui lui semble possible est le gargouillis de ses propres mots. La poésie de De Signoribus se dit et s’écrit dans une éthique de la modestie.
   Dans Promesse, second volet du diptyque, tout en affirmant sa volonté de marcher aux côtés de l’autre ― « je marche à tes côtés » ―, le poète se dit prêt à accueillir sa souffrance, son mal. L’unité de « ce double portique », qui lie le poète à l’autre dans un monde submergé par une perpétuelle tragédie, se lit jusque dans les allitérations en « s » qui courent de quatrains en distiques. De la « viandante sera » jusqu’à « l’intorno sé ».
  Le Congé qui clôt Ronde des convers est l’annonce d’une déviance : « Maintenant je dois te dévier ». Changement de voie (via), la déviance est séparation. Le poète interrompt ici l’espace temporel de l’écriture. Il se sépare d’avec le livre ― objet de désir et luxe. Une séparation nécessaire pour que l’œuvre puisse advenir à elle-même, dans son essentielle « passivité ». Décidé à s’inscrire dans la temporalité ― « maintenant » ― et dans le monde des « actifs », le poète dépose sa langue contemplative. Celle qui a été la sienne jusqu’alors ― « langue de nostalgie/ langue de longue vigie//lingua di nostalgia, lingua di lunga scia.»
   Entre les deux extrêmes d’un recueil qui se révèle être un parcours poétique, sept chapitres numérotés. Aux connotations religieuses de certains titres ― Dits des convers / Tableaux de la pénitence / Stations dans la vie d’une rond ― s’ajoutent les connotations musicales d’autres de ces titres ― Arias du désir / Chorales pour les terres saintes. Au centre du recueil, un « Dialogue » narratif en sept répliques. Un dialogue étrange, tout à la fois familier et onirique, entre deux voix anonymes qui évoquent, tour à tour, nostalgie, amertume et remords. Peut-être ces « dits » sont-ils ceux de deux êtres en dés-équilibre qui cherchent à se rejoindre et à s’entraider. Peut-être s’agit-il des deux voix intérieures du poète à la recherche de la voie de l’écoute et de la rencontre ? « Pendant que tu vas vers cette apparence, moi, fermement, je t’écoute…et, sans peine, je viens vers toi… ».
   Seul le premier titre du recueil, Dans le passage du millénaire, semble se démarquer de l’ensemble et asseoir le recueil sur un axe spatio-temporel différent. Dans les interstices de la modernité. Mais aussi sur un seuil. Un isthme étroit sur lequel se joue le passage. Quelle différence en effet entre l’année qui finit et celle qui commence ? Quelle différence entre les tragédies d’hier et celles d’aujourd’hui ? Les morts ne sont-ils pas « les fondations du vingt-et-unième temps après Jésus-Christ » ?
« Miserere »
   Le mal toujours déploie par le monde son tourbillon de haine, son incontrôlable spirale. En témoignent les images acides de September. Souvenirs télévisuels du 11 septembre 2001. « une étoile filante à laquelle se drape et s’enflamme/un drapeau puissant jadis… » Face à pareille tragédie, que faire sinon implorer la pitié ? « Miserere »! Tel est peut-être le mot clé de l’œuvre poétique de De Signoribus. Un mot qui résume à lui seul le tourment de l’histoire et l’implication des hommes dans ce tourment. Mémoire et responsabilités.
   L’Enfer de Dante est toujours là. «Lac obscur » d’où sourdent « les pleurs universels ». Tragédies collectives ou individuelles de l’humanité guident le poète dans son avancée parmi les trascurati. Comme Dante en son époque troublée de guerres intestines entre Guelfes et Gibelins, le poète d’aujourd’hui dénonce, Dans le passage du millénaire, d’un fragment de prose à l’autre, les mensonges ― « la lingua s’infalsa » ― et les meurtres, les tortures et les supplices du siècle. « Qui pourrai-je remercier d’avoir atteint la fin du 1 ? », interroge le poète. Toujours les mêmes violences s’immiscent dans les interstices du temps. Toujours les mêmes exactions accompagnent les vivants dans « l’ignoble siècle des siècles ». Les ignominies s’accumulent, qui forment « sept strates de symboles et de cadavres.» Et en dépit des « reconstructions magnifiques », nul, jamais, n’aura désormais de lieu où habiter et vivre. « Parce qu’il n’est plus de maison qui puisse véritablement appartenir à quelqu’un ». Pourtant, face à l’impuissance et à l’impossibilité d’éradiquer les maux du siècle, le poète affirme sa volonté d’être autre :
« mais c’est pour la figuration d’une idée que je veux être, pour tous les instants qui précèdent, et qui pourraient être tournés vers le bien. »
  Volonté d’être autre qui passe par la volonté d’énoncer par la parole. Une parole personnelle qui forme avec tant d’autres voix une chaîne de transmission « de lui à toi à moi…en moi ». De l’extérieur vers l’intérieur. Plurielles et changeantes sont les voix qui se font entendre au cours de la section des Dits des convers. Recueil ― polyphonie, jeu ancien de chjami è rispondi. Chaque nouveau « dit » étant le prolongement d’un autre ou au contraire son opposé. Divers sont les « dits » des convers, formes et propos. Récit (au nombre de 3) ― requête-injonction-affirmations-interrogation-négation-supposition-reprises. Le recueil s’ouvre et se clôt sur deux poèmes en italiques. Le poème liminaire évoque l’entrée en scène des Provenants. Le poème final donne la parole à une (Voix hors champ).
« L’innocence ne peut jamais faire l’objet d’un troc »
   D’où proviennent les « provenants » ? Qui sont-ils ? Anonymes et encordés, ils sont ceux dont la venue nous a été promise dès le titre du recueil. Ils sont les « convers », ceux dont l’on attend la conversion prochaine. « Têtes introverties », les convers se réduisent à un cercle qui « fait signe et prononce ». Autour du cercle, quoi de visible sinon le néant ? Un néant qui s’ouvre sur la vision dantesque des Peuples sous le feu, corps fumants et « distordus ». Dans cet univers cauchemardesque où les enfants gisent « parmi les tas de chaux », la promesse du poète semble impossible. « L’âme qui convertit ici est à la lettre consternée. » À supposer que s’invente un temps de trêve, le « tiers temps » imaginé reste ici improbable. La vision qui domine, celle de l’impossibilité-impuissance, est marquée par le martèlement des préfixes privatifs qui s’enchaînent les uns aux autres dans le second quatrain: sterra/sbrulla/slampa/sconscia/snulla // déterre/décalcine/ déclaire/détiffe/dénulle. Porteur de « signe », le poète s’interroge. Hésite peut-être à « débouler dans l’éboulis ». Pourtant, une couture de transition apparaît dans l’économie du recueil. Le poème Et j’ajouterai, qui surenchérit sur le précédent, marque cette transition. Conscient qu’il doit assumer sa part du poids de l’histoire, le poète affirme son « je ». Même si une « plume de plomb » « le retient « au crochet », il rebondit, lui qui se souvient avoir « exposé la loupiotte/pour rappeler le visage en chemin. » À quoi bon « se cantonner au cloître » si c’est pour se replier sur un « non » stérile ? Plutôt choisir de dire « oui » et faire de la mémoire un terreau qui rende possible la conversion. Même si surgissent des obstacles qui viennent embrouiller l’expression ». Car mélancolie et angoisses mettent en péril la parole claire et menacent le « moi ». Qui cherche une issue dans la prière ― « sauve-moi, ô toi, je t’en prie ». En réponse à la voix injonctive de la prière se fait entendre une autre voix, enfantine et joueuse, qui ramène à la mémoire une voix plus lointaine encore. Voix oubliée qui avait « grandi en nous » et qui peut-être « reviendra à l’improviste ». La voix du Christ ? À la voix de l’enfant qui s’échappe du sérieux de son « dit » par une formule ludique « un due tre, stella !... // un deux trois soleil !... (ronde ? marelle ?) répond celle du doyen, qui s’exprime, lui, en son dialecte des Marches. À poursuivre le tête-à-tête, mieux vaut parler pour ne pas mourir. Telle est la requête que le doyen adresse à ses congénères. Elle est celle de l’échange. Le motif de la mort se précise. Elle qui pourrait n’être qu’«une crise de sommeil ». Ou encore la vision que la « ronde est achevée ». Cependant la ronde se poursuit avec trois récits. Récit de la Vision. Récit de la pudeur. Récit de l’avant-poste. À la grandiloquence de l’épopée humaine et guerrière propre à « aveugler la foule spectaculaire », le poète répond par la révolte : « mais pour penser la vie rêvée / récupérons l’âme dispersée !... » Puis il reconnaît ses écueils ― « prigioniero del dolo », ses doutes, ses efforts ― « unghio sgratto l’imposta » // « j’ongle je gratte l’impôt ». Et, en définitive, énonce son éthique personnelle, « cire contre les maux / qu’un ego timide et fier » lui a mis « dans la peau en guise de protection ». Mais le « je » qui dit ici sa tragédie n’est en rien un « je » narcissique. C’est un « je » présent ― « mais je suis là » ―, un « je » dénudé, « smanto », « dépouillé de son manteau », qui revendique son lien avec la dimension tragique des temps. La nudité du poète lui confère sa valeur de témoin.
  Dernier récit de la section, Récit de l’avant-poste évoque le motif de la frontière. Prise entre « deux déserts », la terre des confins et des limites est une terre menacée. Des périls « invisibles » pèsent « par-dessus les toits et les palmiers ».
   La dernière voix qui prend la parole dans le Dit des convers est une (Voix hors champ). C’est une voix de l’invective ― qui s’appuie sur des accumulations de privatifs : « sconfinate, svolgente, scorrente, scorso // déroulant, s’écoulant, écoulé ». Cette voix interpelle un « vous » que l’on suppose être celui des convers ; à qui elle reproche leur malaise, leur inconfort, leur « non puissance »; leur incapacité à accepter « la mort immortelle ». La valeur défendue ici est celle de l’innocence « qui ne peut jamais faire l’objet d’un troc // che mai può essere un baratto ».
Polvere
   Les Tableaux de la pénitence, quatorze au total, succèdent aux Dits des convers. Comment comprendre la « pénitence » ? Quel sens donner à ce mot ? Celle du pénitencier ? Celle du Catenacciu ? Celle de l’humilité religieuse ? Les trois sans doute. Le poème liminaire de la troisième section ― «Da dove// D’où » ― pose en un sizain un décor intérieur « nocturne » qui donne sa tonalité à l’ensemble du recueil. Tout y est évoqué de manière privative ― « inflessibile, invisibile, ignorati, scansato//inflexible, invisible, ignorés, écarté ». Curieusement et paradoxalement la question de la provenance ne se pose pas explicitement. Seule est évoquée la ligne de fuite vers un au-delà du décor, « dans le possible » que suggèrent les « cloisons coulissantes ». C’est peut-être de là que s’invente le tableau à venir, au-delà des points de suspension qui ponctuent trois de ces vers.
Tout au long du recueil surgissent des paysages ravagés, porteurs d’âpres douleurs, « récoltes en cendres », « limbes caverneux couleur de plomb fondu », « ventres d’entailles et de pailles ». Des univers concentrationnaires où « ne sont requis » « ni merci ni pardon ». Et le présent, l’«unique présent embouteillé » n’est que poussière ». « Polvere ». L’expiation semble impossible tant est vaste la douleur. Aux prises avec cette désolation, le poète continue pourtant d’affirmer la nécessité de témoigner par la parole : « la parole est en celui qui demeure/dans l’ère en cours ». Une parole fondatrice de l’échange : « de lui à toi à moi…en moi...»
Vers une langue salvatrice ?
   5e recueil de la Ronde des convers, Stations dans la vie d’une ronde évoque le temps de formation du poète. Un temps difficile à cerner qui commence avant la naissance ― « avant l’alphabet », « avant la vérité ». Ce recueil est aussi le seul à ne pas commencer par un poème en italiques. Italiques qui confèrent à chacune des sections leur tonalité propre. Sans doute parce que ce temps consacré à la formation du poète est un moment à part dans l’ensemble de la Ronde des convers. En 14 poèmes ― les quatorze stations du chemin de croix ? ―, le poète évoque les différentes étapes de sa vie. Depuis leur origine Di Qua/Par Là jusqu’à « un point vers où porter son pas », évoqué dans Oltre/Outre. L’heure du bilan est proche : « il ne reste plus que le début/entre des joncs touffus et des ombres peut-être humaines ». Entre ces deux extrêmes surgissent parfums et images de l’enfance, billes et œil de verre de la grand-mère, idylles et rêves, rites religieux et jeux de spadassin. Puis vient le temps de la formation intellectuelle tout aussi difficile à déchiffrer ― « Par où le lieu de la formation ? » ― et le temps des engagements politiques ― « intransparence » et « gratuité des gestes ». Tout un « théâtre éteint » d’où émane « une âcre odeur verbale de peaux en mauvais état ». Le recueil se clôt sur une Invocation lyrique. Adressée aux inconnus ― « ô les uns, et vous les autres inconnus » ―, cette invocation en italiques préside sans doute à l’ouverture des deux derniers recueils. Dans ce poème de clôture, le poète émet le vœu que survienne une langue salvatrice. Peut-être la réponse sera-t-elle donnée dans les deux derniers recueils.
   Le sixième recueil, Arias du désir, compte sept arias. Arias dans lesquels le poète exprime personnellement et explicitement ses désirs. Vorrei//Je voudrais. Le premier désir qui s’exprime est que le « rimaire », c'est-à-dire le recueil de paroles mises en rimes ici ― ABBAC ― franchisse les montagnes et renouvèle la volonté des « vers pèlerins ».
   Se déclinent ainsi l’aria du rêve, riche de possibilités, l’aria du temps ― l’insaisissable, le muet, l’illimité ― qui résiste aux injonctions du poète, l’aria des temps factices, « propice aux sourdes cérémonies ». Et temps que tout oppose à celui de la pudeur. Mais aussi l’aria d’ore et d’abord. Avec sa charge d’utopie qui dort. Le poète en appelle au désir de la promesse partagée avec d’autres, désir d’aller au-delà de l’ici. Après avoir souhaité longue vie à ses « frères de courant », le poète clôt ce recueil par des Spietarelle, paroles sans pitié qui s’opposent à « la noble lumière//l’alma lumiera ».
Le poète, « nouvel Abel » ?
  Le septième et dernier recueil, Chorales pour les Terres saintes, offre une structure en contrepoint, scandée par l’alternance des terres et des chœurs. Aux voix plurielles, désorganisées et affligées des chœurs (6) ― dont le titre italien, Accorale, donne la tonalité ― répondent les terres plurielles (5), elles-mêmes annoncées par un poème de la douleur. Terres saintes où s’amorce le voyage spirituel et sapientiel du poète qui erre « parmi les pénitents / de l’humanité ruineuse » ou parmi « les abrités » qui sortent des refuges. Terres basses où s’effectue la descente dantesque ; terres brûlées où le « corps écrit » de la poésie n’a pas sa place ; terres hautes où le poète fait étape parmi les rescapés du naufrage humain ; terres du milieu, terres de bilan poétique et de désillusion. Las des violences qui relient les hommes à Dieu, las des faux prêcheurs et des fanatismes, las de « l’hyperfoi » des « visages innombrables encordés », le poète, Nouvel Abel, en appelle à des formes nouvelles d’écriture : « ô lettre nouvelle ô nouveau testament ». Figure inversée de l’Abel biblique, le Nouvel Abel, marqué d’un « signe que nul ne voit », refuse la violence. Et s’il doit souffrir, autant qu’il tienne sa souffrance au-dessus de son « sable verbal ».
  Parvenu au bout de son périple poétique, le poète s’interroge. « Qui sait si après une ascension tortueuse on parvient / à un point dégagé d’où la vue peut percevoir un lieu pour une étape claire ». Un tel lieu où faire halte en ce monde existe-t-il ?
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


IL NUOVO ABELE
il salvato dall’uomo violento
che alfine dell’orrore approda
alla terra che riconsoce sua
tira su, pregando, la sua casa
appena fuori il confine del corpo
l’invocato signore ringraziando
l’esule di ceneri cosparso
dei fratelli nell’opera interrotti
bruciati nel gelo del cammino…
egli viene dal volto aguzzino
a una terra che può dire sua
e impasta la sua calce di pietà
ma il respiro non s’accasa nella polvere
delle macerie che dintorno crescono
nel fertile sangue di Caino
né vuole più vedere l’empietà
né i figli del nemico più vicino
levati e poi sbatutti sulla pietra…
egli è più pio di quell’armato dio
tirato qua e là dal suo soldato
che offende le altrui case e non arretra…
il suo atto è allora il rimanente :
demolire pregando la sua casa
e offrirsi a una patria differente…
e raccogliendo va nella sua sosta
lo sguardo di quell’uno e di quell’altro
pensando in quella posta a nuova gente
(non vanno un soffio nel vivente genere
un segno lascia che nessuno vede…
resiste così il nuovo umano…)
Eugenio De Signoribus, Ronda dei conversi, Garzanti, 2006.


LE NOUVEL ABEL
qui s’est sauvé de l’homme violent
et parvient au terme de l’horreur
à la terre qu’il prend pour sienne
construit sa maison en priant
juste après les confins du corps
remerciant le Dieu qu’il invoque
l’exilé couvert des cendres
des frères à l’œuvre interrompus
brûlés au gel du chemin…
il vient avec son visage perçant
vers une terre qu’il peut dire sienne
et mélange sa chaux avec la piété
mais son souffle ne se loge pas dans la poussière
des décombres qui croissent tout autour
dans le sang fertile de Caïn
il ne veut plus voir l’impiété
ni les fils de l’ennemi le plus proche
levés puis frappés contre la pierre…
il est plus pieux que ce dieu en armes
baladé ça et là par son soldat
qui offense la maison d’autrui et ne recule pas…
tel est l’acte qui lui est imparti :
démolir en priant sa maison
et s’offrir à une nouvelle patrie…
et il va vers sa nouvelle étape recueillant
le regard de l’un et celui de l’autre
pensant dans cet endroit à de nouvelles personnes
(vain non, un souffle dans le genre vivant
il laisse un signe que nul ne voit…
ainsi résiste le nouvel humain…)
Eugenio De Signoribus, Ronde des convers 1999-2004, Verdier, Collection « Terra d’altri », 2007, pp.109-111. Traduit de l’italien par Martin Rueff.
* Euphoniquement, le néologisme *immémoriel, par sa suffixation féminine et fluide, me convient mieux. Moins figé dans le marbre et le tombeau qu’immémorial. Tant pis pour l’étymologie.


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