Ecrite en 1670, cette comédie-ballet provoque toujours autant le rire en 2011 tant sa force comique est intacte. On ne se lasse pas d’admirer le génie de Molière, son talent immense à saisir les travers de ses contemporains qu’il croque en quelques formules concises et bien senties. Lieu commun que d’affirmer que son génie est inégalable ? Certes ! Mais il nous semble nécessaire de redire avec force combien nous l’admirons, combien il nous enchante et que les relectures successives de son œuvre n’entament en rien, n’émoussent pas une seconde notre plaisir. Le rire est le même d’un siècle à l’autre, joyeux, franc et... admiratif.
Mr Jourdain est un bourgeois naïf qui veut devenir noble. Il y a du parvenu dans l’air. Bête, il est la dupe d’un comte désargenté, Dorante, qui profite de sa marotte pour lui soutirer, avec force cajoleries, de l’argent et des diamants qu’il offre à Dorimène, une marquise qu’il veut épouser. Profiteur, comme tous ceux qui entourent le maître de maison excepté l’épouse, il joue un double jeu avec Mr Jourdain qui ne voit rien, n’entend rien, ne veut surtout rien entendre des mises en garde de Mme Jourdain, lassée de ses chimères. Elle n’est pas dupe, elle, et voit bien le manège du comte qu’elle rabroue vertement. À ces folies qui sont la trame principale et qui donnent lieu à un festival de scènes toutes plus drôles les unes que les autres (le comique de gestes est tout aussi efficace que le comique de mots) s’ajoutent les amours contrariées. En effet, Cléonte est amoureux de Lucile, fille de Mr Jourdain. Or, ce dernier veut à tout prix qu’elle fasse un bon mariage, c’est-à-dire qu’elle s’unisse à un homme appartenant à la noblesse. Covielle, dans la traditionnelle relation maître-valet, vient au secours de son maître dont il est le double comique. La scène 9 de l’acte III est un moment de pur comique tant les répliques de Covielle singent de manière burlesque celles de Cléonte.
[...] CLÉONTE. - « Après tant de sacrifices ardents, de soupirs et de vœux que j’ai faits à ses charmes !
COVIELLE. - Après tant d’assidus hommages, de soins et de services que je lui ai rendus dans sa cuisine !
CLÉONTE.- Tant de larmes que j’ai versées à ses genoux !
COVIELLE.- Tant de seaux d’eau que j’ai tirés au puits pour elle !
CLÉONTE.- Tant d’ardeur que j’ai fait paraître à la chérir plus que moi-même !
COVIELLE.- Tant de chaleur que j’ai soufferte à tourner la broche à sa place !
CLÉONTE.- Elle me fuit avec mépris ! »
COVIELLE.- Elle me tourne le dos avec effronterie !
CLÉONTE.- C’est une perfidie digne des plus grands châtiments.
COVIELLE.- C’est une trahison à mériter mille soufflets. »
La pièce va crescendo dans le délire comique avec les « turqueries » finales. Les barrières cèdent et lorsque Mr Jourdain apprend que sa fille va épouser le fils du Grand Turc, qui n’est autre que Cléonte, l’on pourrait reprendre les vers de La Fontaine pour évoquer le personnage principal « À ces mots il (c’est nous qui modifions) il ne se sent pas de joie. » Le Corbeau et le Renard.
Tout est bien qui finit bien.