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Lire au vietnam

Publié le 06 juillet 2011 par Abarguillet

LIRE AU VIETNAM

Lire entre Hanoï et Saigon

Initialement j’avais dédié cette étape à ce qui était, avant, l’Indochine, mais comme je n’ai fait que des lectures vietnamiennes pour illustrer ce séjour littéraire, je ne vous présenterai que des auteurs vietnamiens, tous très marqués par l’horrible conflit qui a sévi dans ce pays pendant de longues années et  a laissé d’innombrables stigmates dans les paysages, dans les infrastructures, mais surtout dans les populations et à l’intérieur même des êtres, dans les cœurs comme dans les têtes, dans les corps et dans les chairs. C’est donc avec Nguyên Quang Thiêu qui ne peut même plus parler de l’horreur de la guerre, que nous rencontrerons, Bao Ninh, Dugong Thu Huong et Vân Mai qui évoquent tous les trois la guerre mais surtout comment ils sont sortis de la guerre et comment ils vivent après cette incroyable épreuve, toute la souffrance qu’ils ne pourront jamais évacuer et qu’il leur faudra porter comme une croix tout au long de leur vie. Et si la guerre a laissé son lot de douleurs, les lettres françaises ont, elles aussi laissé, une trace dans la littérature vietnamienne malgré tout ce qui a séparé les deux pays pendant une certaine période.

La petite marchande de vermicelles

Nguyên Quang Thiêu (1957 - ….)

  

  

-   …  Thiêu ! Hep, Thiêu !

-   Pourquoi tu ne viens plus jamais m’acheter des vermicelles ? Tu ne les aimes plus ? Ils ne sont plus bons ? 

L’auteur se met ainsi en scène dans cette nouvelle introductive de ce recueil qui raconte la vie de son village, à quelques kilomètres d’Hanoï, qu’il n’a jamais quitté car un devin lui a dit un jour que s’il quittait son village, il deviendrait un riche mandarin mais qu’il perdrait son talent littéraire. Il vit donc toujours sur les bords du grand fleuve Day qui sert de fil rouge entre les diverses nouvelles rassemblées dans cet opuscule. Le fleuve Day parcourt une campagne tranquille que l’auteur raconte comme il raconte ses habitants, leur vie simple et paisible, leurs malheurs petits et grands mais naturels, des malheurs qui arrivent dans toutes les populations où la mort n’est souvent que le tribut à payer pour que surgisse une nouvelle vie.

Il raconte aussi les mœurs de cette micro société où les pères font déjà partie des ancêtres qu’on vénère et qui règnent en maîtres absolus sur leur famille notamment sur les femmes qui font l’objet de la plupart des nouvelles, car les hommes ne sont plus très nombreux, ils sont partis lors du grand combat pour la liberté. L’auteur ne parle pas de cette guerre sauf pour dire qu’une bombe, qui n’a pas explosée, reste fichée au milieu du village comme un monument à la mémoire de ceux qui ne sont plus et ont donné leur vie pour la liberté du peuple vietnamien.

Dans un style doux, clair, qui coule paisiblement comme le grand fleuve Day, charriant tendresse, fraîcheur et émotion, l’auteur cherche un asile de paix mais on ne peut s’empêcher, du moins en ce qui me concerne, de penser que cette quiétude n’est que le verso d’une vie beaucoup plus violente que l’auteur a connue dans son enfance quand le Vietnam vivait une guerre effroyable pour gagner sa liberté et son indépendance. Toute cette quiétude, cette simplicité, cette fraîcheur ne sont en fait que la partie émergée d’un iceberg qui cache des plaies mal cicatrisées, des souvenirs pénibles, des douleurs rémanentes et tout ce qu’une guerre aussi brutale peut laisser dans une population. Mais, comme le phénix le peuple vietnamien essaie de renaître de ses cendres pour vivre une nouvelle ère de paix et de quiétude.

 Le chagrin de la guerre - Bao Ninh  ( 1952 - ... )

Ce roman est le seul écrit par ce Vietnamien, né près de Hanoï, qui a fait la guerre contre les Américains dès son plus jeune âge (17 ans environ), jusqu’à la victoire finale. Ce roman raconte le retour au pays d’un jeune soldat nord-vietnamien, après la défaite des occupants, relate comment il a perdu son innocence et ce qu’il a vécu sous le feu de l’ennemi, ce qu’il a appris et éprouvé, notamment son fort attachement à sa patrie. Ce livre a connu un grand succès au Vietnam et dans le monde entier mais il a été tout de même interdit par les autorités communistes au pouvoir dans ce pays.

Au-delà des illusions - Duong Thu Huong (1947 - ….)

A Hanoï, après la révolution, une jeune femme ne supporte plus de vivre avec un mari servile qui ne pense qu’à courtiser les puissants au pouvoir. Elle le quitte et assume son indépendance avec sa fille malgré les difficultés que cela comporte. Derrière ce qui ne pourrait être qu’un fait divers familial, ce roman cache, en fait, une satire acerbe du pouvoir vietnamien après la révolution qui a chassé l’envahisseur. Les vainqueurs sont devenus des maîtres à qui tout est dû et qui ont tout oublié des idéaux qui justifiaient leur lutte.

Personnellement j’ai beaucoup aimé ce roman parce qu’il est, à mon souvenir qui est déjà lointain, très bien écrit. L’auteur a une écriture fluide et précise qui est un vrai plaisir à lire. Un critique parlait d’un style proche de l’oralité, moi, j’ai plus ressenti une qualité littéraire et beaucoup d’émotion.

Gens du saule - Vân Mai (1954 - ….)

Maman Nymphéa a perdu tous ses enfants dans la terrible guerre contre la grande puissance sauf la petite dernière qui se jette, à son tour, à corps perdu dans le combat en prenant les risques les plus fous, comme de se mettre au service d’ennemis pour mieux les espionner et les détruire. La mort ne l’impressionne pas, elle n’attend plus rien de la vie, sauf que l’amour, au détour d’un combat, peut aussi surgir. Elle doit alors conjuguer l’amour et la haine jusqu’à ce que l’ennemi s’avoue vaincu.

Ce livre est plein de sensibilité malgré la violence qu’il comporte et c’est très dommage que la chute ne soit vraiment pas à la hauteur de ce qui précède, cela dévalorise réellement ce roman qui, avec une autre fin, aurait été, à mon goût, remarquable.

Denis BILLAMBOZ  ( alias DEBEZED )

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