Magazine Afrique

Allocodrome de Cocody : LE “PARADIS” DES VICES DES ÉTUDIANTS ET ÉLÈVES MINEURS

Publié le 08 juillet 2011 par Africahit

Vendredi 1er juillet 2011. 17h30. Allocodrome de Cocody. Par vagues successives, des jeunes gens, qui en uniformes scolaires, qui en tenues de ville branchées, investissent cet espace gastronomique mythique. A quelques 300 mètres de là, on entend une musique stridente entrecoupée d’éloges (Atalaku) de quelques clients. Sur le parking, des curieux s’affairent autour d’un bolide. «C’est sûrement une star du foot ou un artiste», lâche notre photo reporter. Que non! C’est une jeune fille, non une fillette de 16 ans, qui nous situe sur l’identité de la star:  

«C’est Baradji, le mystique. On est dans la même école». Casquette Louis Vuitton vissée sur la tête, chemise près le corps, sandales Prada, il lâche quelques billets à ses admirateurs. Dès qu’il accède à l’intérieur, c’est carrément l’hystérie.  Dj Vétcho Bijou redouble d’atalaku. Pendant que la plupart des élèves multiplient les commandes de casiers de bières ; Baradji, lui, passe sa commande de kir Muscador: «50 bouteilles, s’il vous plaît».  La réplique est immédiate et elle vient de celui qui se fait appeler Cheick Le chéquier. Billy Dollar lui emboîte le pas. C’est la folie. C’est le moment que choisit «Président Ntic» pour faire le boucan. Lui, décide d’offrir à boire à tout L’Allocodrome.

Convaincus que ces noceurs prématurés allaient nous faire des difficultés pour être pris en photo ou parler de leur mode et train de vie, nous voulions passer incognito. Manque de pot: El Balla, le manager, nous reconnaît et invite Dj Vétcho Bijou à annoncer notre présence. Il n’en fallait pas plus pour que des minettes ajustent leur maquillage, esquissent de larges sourires et posent pour une éventuelle photo. Idem pour les noceurs.

Top départ 8h30…

El Balla, le manager, précise que l’espace ouvre, tous les jours, à partir de 8h30. Encadrant les rôtisseurs et autres vendeuses d’alloco, poulets, croupions de dinde, d’attiéké (semoule de manioc) et de poisson, les quatre maquis du bled rivalisent, dès 12h,  de décibels pour attirer la jeune clientèle. Mais la palme revient au maquis coaché par El Balla et Dj Vétcho Bijou. La programmation: «Tous les jours, en semaine, nous jouons la musique à faible intensité et le maquis reste ouvert jusqu’à 22h ; mais les vendredis, nous montons en puissance sonore de 14h à 21h et les samedis, de 17h à 2h du matin», explique Dj Vétcho Bijou.

Pendant ce temps, la jeune clientèle continue d’arriver. Tout d’un coup: patatras! Une bagarre éclate à quelques centimètres de nous. Sans comprendre ce qui s’est réellement passé, nous nous tenons à carreau pour éviter les bris de bouteilles de bière qui sont cassées. El Balla monte au créneau et tente de calmer les protagonistes qu’il semble connaître. Puis de calmer l’un d’entre eux en ces termes: «Président Ntic, je t’offre moi-même un casier de bières, calmes-toi».

Sur ces faits, nous décidons de faire un tour dehors pour voir comment gagner la confiance des jeunes «showfers» comme ils aiment se faire appeler. C’est à ce moment qu’une altercation entre Baradji et des éléments des Frci survient. Un vrai désordre. Cap sur le quartier Val Doyen. Là, un bar et un maquis, côte à côte, ont fait le plein de pensionnaires de l’Université catholique de l’Afrique de l’ouest (Ucao). Ils sont reconnaissables à leur uniforme. Causette avec trois jeunes étudiantes: M. C. K., B. O. et G. E. Au menu, une célèbre bière brune. Qui coule à flots. En fait, elles attendent des ami(e)s qui viennent d’Agitel à la Riviera palmeraie et de l’Université de l’Atlantique pour faire mouvement vers L’Allocodrome. B. O., entre deux conversations téléphoniques laisse entendre que son mec, S. B., n’a pas pu louer le véhicule qu’il avait promis à la bande. La raison: «Il n’a pas pu faire mal à son vieux, car celui-ci a changé le code de son coffre-fort». Traduction: «Il n’a pas pu soutirer de l’argent du coffre-fort de son père». «Ah bon ?», demandons-nous lui. «Oui, il zaille trop, je vais damer sur lui oh». Entre-temps, la bande est au complet. Direction Allocodrome. Chemin faisant, au détour d’un couloir, l’une des jeunes filles ne se gêne même pas pour allumer un «pétard», un joint de cannabis. Avant d’en proposer à tout le monde. M. C. K. s’emporte: «Toi-là, quand est-ce que tu vas arrêter tes conneries ? Tu ne vois pas qu’on est avec des vié pères journalistes ? Quand ils vont mettre ça dans le journal…». «Non, tu ne vois pas qu’ils sont trop cool», rétorque la fumeuse de pétard. Qui embraye sur un autre sujet: «D’ailleurs, moi-même je suis en forme, je n’ai pas besoin qu’on attende vos gars moisis, c’est moi qui gère le show». Et comment ? Dès que l’Allocodrome est atteint, elle se déchaîne. Il n’y a plus de places assises. N’empêche, nos compagnes font du charme et obtiennent qu’on s’installe dans le salon d’un jeune «Boucantier», élève au Collège Namanko des Deux-Plateaux. En moins de deux heures, ces jeunes gens, ces «enfants», ont ingurgité pas moins de 8 casiers. Et le comble, c’est qu’ils ne daignent même pas manger un  bout. Dehors, des coups de klaxons attirent l’attention. C’est un cortège de véhicules de type 4X4, loués par quatre mineurs, au volant et accompagnés chacun de trois filles du même âge environ. Ils en descendent. Dès qu’ils font leur entrée, une certaine clameur se fait entendre: «Encore, eux, Les Matadors, ils aiment trop ça, ces petits brouteurs». Les «brouteurs», en langage ivoirien, sont des arnaqueurs sur Internet. Ne pouvant confirmer ce statut que leurs amis leur donnent, le niveau de leurs commandes et les montants (environ 300 mille francs Cfa, en coupures de 5000) de leur «travaillement» (pratique héritée des griots qui consiste à arroser de billets de banques les Dj qui font des éloges), en dit long.

Minijupes, décolletés, alcool, drague et drogue

Fait marquant dans ces shows puérils de Cocody: les filles portent toutes des tenues très osées. Des minijupes, culottes ras-les-fesses, body et autres corsages décolletés. Au point que nous avons cédé à la tentation de demander à une des gamines à quel moment s’était-elle changée en quittant l’école. Réponse: «Il y a des jours, où on met nos tenues de rechange dans nos sacs. La plupart du temps, on ne va pas à l’école les vendredis, mais on prend le soin de garder d’autres tenues moins osées chez des copines qui ont des parents pas trop sévères».

M. C. K. est plus explicite: «Actuellement, c’est le moment de vivre notre adolescence. Donc on fait nos 400 coups, on boit ; d’autres fument un peu de joint, on «s’enjaillent» avec nos petits gars. Mais, de temps en temps, si on tombe sur un adulte cool qui peut nous dépanner, on ne se fait pas prier».  Georges Eric Doffo (Communicateur), un ami d’enfance, me fait remarquer, que parfois, c’est en compagnie de leurs profs et éducateurs que ces élèves et étudiants s’adonnent à leurs parties de beuverie. Il en profite pour me présenter l’un d’entre eux. «Frère, on ne peut rien faire pour ces enfants qui, paradoxalement, ont des parents bien. Regardez ceux qui sont assis là-bas, j’avais cours avec eux de 12h à 17h, ils ont décidé de venir boire. Donc, j’ai fait le cours avec 7 étudiants sur un effectif de 25. C’est après mon cours que je suis venu me désaltérer», confie Aly Diarra, enseignant. A peine a-t-il sorti ces mots, qu’il fait signe de regarder dans le fond. Une fillette d’à peine 16 ans, en étreinte plus qu’osée, quasi-pornographique avec un jeune garçon. Un autre couple leur emboîte le pas. Voyant ostensiblement la gêne des adultes qui se sont hasardés à être là,  l’une des étudiantes de M. Diarra, au passage, lui offre à boire, avant de lui dire: «c’est un coin de chocos (branchés), vous vous êtes trompé d’endroit pour prendre votre verre». Une plaisanterie, visiblement familière entre eux. D’autant qu’elle n’hésite pas à lui lancer que son ami (enseignant aussi) est «mignon».

La fatigue commence à se faire sentir. Il est plus de 20h30. En sortant de L’Allocodrome, d’autres amis d’enfance, des confrères et connaissances rencontrées se disent dépassés par ce phénomène de dépravation voyante. Démission des parents ? «Non! Autres temps, autres mœurs», affirme Didier Kélétigui, informaticien. Didier Koré, journaliste, pense que «c’est une façon de dissiper les traumatismes divers provoqués par la crise». En marchant dans les allées du quartier, non loin de l’église Saint-Jean, nous reconnaissons les silhouettes de deux jeunes gens. Nous nous en approchons pour savoir si le show est terminé. Mais l’odeur de chanvre indien qui empeste de leur direction nous en dissuade. Plus loin, assis sur un banc de jardin public, un couple d’élèves du Lycée classique de Cocody se fait un baiser d’adieu digne d’une télénovelas brésilienne. Toussaint Vako, propriétaire d’un maquis non loin de l’hôtel Ivoire que nous rencontrons, nous invite à retourner à L’Allocodrome pour constater que «comme par enchantement, à partir de 22h, tous ces élèves disparaissent des lieux». Plus personne! Pendant qu’il range son matériel de sonorisation, Dj Vétcho Bijou nous donne rendez-vous pour le lendemain, samedi, de 17h à 2h. Rendez-vous qui ne sera pas honoré.

Rémi Coulibaly


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Africahit 4465 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog