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Premier essai de leurs auteurs Pascal Sid et Julien Lacombe et première œuvre en 3D du cinéma français (hors animation), Derrière les murs est un film ambitieux. Déjà, parce qu’il ose s’attaquer à du lourd (le film de genre), en convoquant des références majeures, littéraires et cinématographiques. Au travers leur Suzanne, romancière libre et indépendante des années 20, qui, en plein deuil de sa fille, sombre peu à peu dans la folie, ils font appel au meilleur du fantastique: formellement, ils se réclament cousins de leurs modèles ibériques (de L’Orphelinat à Les Autres), dans le fond, de l’univers sombre de la littérature française du 19ème siècle (thèmes favoris de Maupassant, héroïne sous absinthe, chat nommé Zola). Le résultat, pourtant, est complètement à côté de la plaque, plus proche de la nullité d’un Saint-Ange que des prouesses des récentes réussites espagnoles.
Déjà, pourquoi cette inutile 3D ? Passés les quelques plans sur une nature à la profondeur de champ inédite en France, l’espace n’est pas du tout exploité. Cette pièce singulière dans laquelle l’écrivaine s’exclut pour écrire, ou les recoins sombres de la demeure, laissaient place à de multiples pistes visuelles- abandonnées au profit du récit. Et … pas facile d’aborder des motifs complexes tels que le deuil, le glissement vers la folie, le face à face tendu entre obsessions et chagrin ! Surtout lorsque tout repose sur l’actrice principale, qui doit, muette, suggérer les délires intérieurs, les peines qui assaillent, les souvenirs qui dévorent. Laetitia Casta est belle, impliquée, sincère. Mais cela ne suffit jamais. Trop lisse, trop dans l’incarnation, trop dans le travail du phrasé (à l’instar d’une Audrey Tautou dans Coco avant Chanel), elle n’insuffle aucune profondeur, aucune douleur à son personnage dévasté, sur le déclin, alcoolique et perdu. Hormis quelques séquences qui flirtent parfois avec une épouvante subtile et bien sentie (on pense souvent à The Ring, et toute la vague de films japonais avec petites filles vengeresses), Derrière les murs, à trop intellectualiser les traumas de son héroïne, finit par sombrer dans la non action la plus plate, et la plus ennuyeuse, qui soit.