Les enfants soldats sont une réalité qui prolonge une barbarie dont on aurait pu espérer qu'elle était d'une autre époque. Des romanciers africains avaient déjà affronté ce sujet difficile: Ahmadou Kourouma, en 2000, avec Allah n'est pas obligé, puis Emmanuel Dongala, deux ans plus tard, avec Johnny Chien Méchant. Kourouma n'avait pas l'intention d'abandonner Birahima, le dernier de ses héros. Sa mort ne lui a pas permis de terminer Quand on refuse on dit non, paru néanmoins inachevé.
L'écrivain français Jean-Claude Derey se place lui aussi sur le terrain de cette violence avec Les anges cannibales. La Côte d'Ivoire pour Kourouma, la Sierra Leone pour Derey. Et la même terrible description de mécanismes parfaitement rodés pour apprendre à tuer.
Jean-Claude Derey est allé sur le terrain où il s'est trouvé face à l'horreur.
Alors, il raconte. Et il raconte bien. Yondo, l'adolescent qui se retrouve seul après l'attaque de sa maison par Mosquito et ses hommes. Son père, journaliste qui dénonçait les exactions du chef de guerre, a été tué, comme sa mère. Sa sœur et son frère ont disparu. Partout où il cherche du secours, les portes se ferment. L'errance commence.
L'ironie qui préside parfois aux destins va bousculer Yondo jusqu'à le faire entrer dans l'armée du même Mosquito par qui son malheur est arrivé. Deviendra- t-il lui aussi un tueur? C'est la question que pose le livre. Savoir si l'on peut résister à une machine de guerre quand elle a décidé de vous emporter dans sa folie.
La langue de l'écrivain s'emballe en même temps que les événements, sur un rythme de tirs de kalach. Certaines scènes sont insupportables. Mais les personnages les vivent, et il faut donc bien les inscrire dans la continuité du récit. Qui dénonce avec d'autant plus de force qu'il se contente de montrer. La meilleure manière, sans doute, de nous ouvrir les yeux sur le drame des enfants soldats. La lecture de ce formidable récit est aussi une prise de conscience.