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15 février 1710/Naissance de Louis XV

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


  Le 15 février 1710 naît à Versailles Louis XV le Bien-Aimé, roi de France (1715-1774).


PORTRAIT DU ROI PAR MADAME CAMPAN

   J’avais quinze ans lorsque je fus nommée lectrice de Mesdames. Je dirai d’abord ce qu’était la cour à cette époque.
  Marie Leczinska venait de mourir ; la mort du dauphin avait précédé la sienne de trois ans ; les jésuites étaient détruits, et la piété ne se trouvait plus guère à la cour que dans l’intérieur de Mesdames ; le duc de Choiseul régnait.
  Le roi ne pensait qu’au plaisir de la chasse ; on aurait pu croire que les courtisans se permettaient une épigramme, quand on leur entendait dire sérieusement, les jours où Louis XV ne chassait pas : « Le roi ne fait rien aujourd’hui. »
  Les petits voyages étaient aussi une affaire très importante pour le roi. Le premier jour de l’an il marquait sur son almanach les jours de départ pour Compiègne, pour Fontainebleau, pour Choisy, etc. Les plus grandes affaires, les événements les plus importants ne dérangeaient jamais cette distribution du temps.
  L’étiquette existait encore à la cour avec toutes les formes qu’elle avait reçues sous Louis XIV ; il n’y manquait que la dignité ; quant à la gaieté, il n’en était plus question ; de lieu de réunion où l’on vit se déployer l’esprit et la grâce des Français, il n’en fallait point chercher à Versailles. Le foyer de l’esprit et des lumières était à Paris.
  Depuis la mort de la marquise de Pompadour, le roi n’avait pas de maîtresse en titre ; il se contentait des plaisirs que lui offrait son petit sérail du Parc-aux-Cerfs. Séparer Louis de Bourbon du roi de France, était, comme on sait, ce que le monarque trouvait de plus piquant dans sa royale existence. Ils l’ont voulu ainsi ; ils ont pensé que c’était pour le mieux. C’était sa façon de parler quand les opérations des ministres n’avaient pas de succès. Le roi aimait à traiter lui-même la honteuse partie de ses dépenses privées. Il vendit un jour à un premier commis de la guerre une maison où avait logé une de ses maîtresses ; le contrat fut passé au nom de Louis de Bourbon ; l’acquéreur porta lui-même au roi, dans son cabinet particulier, un sac contenant en or le prix de la maison. […]
  Tous les soirs à six heures, Mesdames interrompaient la lecture que je leur faisais, pour se rendre avec les princes chez Louis XV : cette visite s’appelait le débotter du roi et était accompagnée d’une sorte d’étiquette. Les princesses passaient un énorme panier qui soutenait une jupe chamarrée d’or ou de broderie ; elles attachaient autour de leur taille une longue queue et cachaient le négligé du reste de leur habillement par un grand mantelet de taffetas noir qui les enveloppait jusque sous le menton. Les chevaliers d’honneur, les dames, les pages, les écuyers, les huissiers portant de gros flambeaux les accompagnaient chez le roi. En un instant tout le palais habituellement solitaire, se trouvait en mouvement ;le roi baisait chaque princesse au front, et la visite était si courte que la lecture, interrompue par cette histoire, recommençait souvent au bout d’un quart d’heure : Mesdames rentraient chez elles, dénouaient les cordons de leur jupe et de leur queue, reprenaient leur tapisserie, et moi mon livre…

Mémoires de Madame Campan, Première femme de chambre de Marie-Antoinette, Mercure de France, Collection Le temps retrouvé, 1988, pp. 20-24. Édition présentée par Jean Chalon.


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