Kelly Reichardt est la première femme réalisatrice à s'attaquer au genre du western. C'est une réussite. Le film traduit le quotidien de trois familles de colons qui ont engagé un guide pour les mener vers l'Ouest. Ils se retrouvent perdus dans des contrées désertiques et doivent se démener pour trouver un point d'eau. Mais les indiens rôdent. La crainte qu'ils inspirent est démesurée et entretenue par le guide, trappeur raciste et aussi paumé que ses clients.
Le rythme est lent, il nous permet de bien sentir l'angoisse qui monte parmi ces voyageurs. Le film est conçu comme un huis clos ayant pour cadre les immensités de l'Ouest sauvage. La capture d'un indien va exacerber les tensions, mais contribuer à la survie du groupe.
Kelly Reichardt tord le cou aux poncifs du genre. Nous sommes devant l'évocation la plus pertinente de ce qu'à pu être le quotidien des colons en 1845 dans le territoire du futur État de l'Oregon. La crasse, la fatigue, la folie, les aléas de la vie quotidienne (monter le campement tous les soirs, chercher du bois, faire le feu, préparer à manger...) sont abordés au plus près de la réalité. L'ambiance de ces micros sociétés est aussi explorée : surveiller, s'entraider, choisir collectivement quel chemin prendre, remettre en question les choix du guide, prendre des initiatives osées (la capture de l'indien), tout cela est mis en scène sans fard, sans vanité, sans grandiloquence. Les héros n'en sont pas... ni bons, ni mauvais, seulement complexes, humains... et finalement si courageux.
La fin ouverte est à l'image du film. Ce choix permet au spectateur de construire les multiples possibilités offerte par la conquête de l'Ouest. Réussite ou échec, peu importe dans le cas présent puisque c'est le cheminement qui est essentiel, tant dans l’œuvre de la réalisatrice que dans la destinée de ces colons.
Loin de l'apologie de la Conquête, on retrouve dans ce film une volonté presque documentaire de montrer ce qu'elle a été. Kelly Reichardt s'approche ainsi des démarches de certains autres réalisateurs, comme Nicholas Echevarria pour son film Cabeza de Vaca.
Lire les billets de PC sur idrann et de Cyrille Falisse sur Le passeur critique.
La dernière piste
Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood... 2011, USA.