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Les enfants du paradis : le ballet

Publié le 14 juillet 2011 par Ladrevert

Margot Capelier, l’assistante de Prévert sur l’écriture, raconte : « Ce film a été un miracle, on manquait de tout.. il y a eu un ensemble d’énergies motivées autour des Enfants du Paradis en réaction aussi contre l’ambiance de ce temps-là. »

Hmmmmm… les Enfants du Paradis est pour moi le summum du cinéma français. Marcel Carné au summum de son Art, dans une collaboration avec Jacques Prévert qui donne les dialogues les plus truculents qu’il soit, le tout porté par des acteurs d’exception : Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Marcel Herrand, pour un film gigantesque réalisé dans les heures troubles… concernant l’histoire du film je vous invite à lire la genèse sur le site de Marcel Carné. Quant à ce qu’il se passe dans le film, on se retrouve transporté dans le XXème, dans un mélange bigarré de de personnages existants comme le mime Baptiste Debureau, l’acteur Frédérick le Maitre sur lequel la trame du film se déroule, des personnes existantes idéalisées comme Pierre François Lacenaire (Prévert aurait dit : « On ne me permettra pas de faire un film sur Lacenaire mais je peux mettre Lacenaire dans un film sur Debureau» ), une étude récente disait de Lacenaire : un criminel raté, un poète moyen mais un brillant condamné à mort. Les éditions du boucher ont numérisé ses mémoires sur leur site si vous désirez le lire. Les autres sont des personnages inventés ou de littérature…

Lacenaire : -Non mon ange, voyez : aucune trace de sang, seulement quelques tâches d’encre. Mais rassurez vous je prépare quelque chose d’extraordinaire. Vous avez tort de sourire Garance, je vous assure. Je ne suis pas un homme comme les autres, mon cœur ne bat pas comme le leur. Vous entendez ? Absolument pas. Avez-vous déjà été humiliée Garance ? Garance : -Non, jamais. Lacenaire : -Moi non plus. Mais ils ont essayé, c’est déjà trop pour un homme comme moi. Quand j’étais enfant, j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres… « Ils » ne me l’ont pas pardonné, ils voulaient que je sois comme eux, que je dise comme eux. Levez la tête Pierre-François… regardez-moi… baissez les yeux… Et ils m’ont meublé l’esprit de force, avec des livres… de vieux livres… Tant de poussière dans une tête d’enfant ? Belle jeunesse, vraiment ! Ma mère, ma digne mère, qui préférait mon imbécile de frère et mon directeur de conscience qui me répétait sans cesse : « Vous êtes trop fier, Pierre-François, il faut rentrer en vous-même ! Alors je suis rentré en moi-même… je n’ai jamais pu en sortir ! Les imprudents ! Me laisser tout seul avec moi-même… et ils me défendaient les mauvaises fréquentations… Quelle inconséquence ! Mais quelle prodigieuse destinée ! N’aimer personne, n’être aimé de personne, être libre. C’est vrai que je n’aime personne, pas même vous Garance. Et pourtant, mon ange, vous êtes la seule femme que je n’ai jamais approchée sans haine ni mépris.

Concernant le film, j’avais acquis à sa sortie l’édition Criterion qui a toujours fait un travail de qualité et fait la part belle au cinéma français, j’ai ouïe dire que pour la fin de l’année nous aurions droit à une édition d’exception

Et donc L’Opéra Garnier. Je gardais un mauvais souvenir de Bastille et je n’étais jamais allé à Garnier à Paris. Lundi soir direction la billeterie, les billets n’ont pas la même tronche qu’au splendide et fort peu dispendieux opéra de Budapest où j’ai pu admiré le ballet Gisèle ils y a quelques mois :

Les enfants du paradis : le ballet

Donc très bel opéra, j’avais une place  l’orchestre et non pas au paradis :

Les enfants du paradis : le ballet

Les enfants du paradis : le ballet

Les enfants du paradis : le ballet

Comment adapter en ballet une oeuvre où le verbe est haut et où ce verbe définit des personnes comme Pierre François Lacenaire ? Et Garance, comment comprendre ce personnage sublimé par Arletty ? dans le ballet, Garance est très bien portée par la danseuse mais son personnage est moins complexe et éclatant, même si de nombreux efforts ont été fait notamment dans l’histoire pour en faire une femme libre. Notons sa robe blanche avec comme larmes de sang et de manière générale : et les décors et les costumes étaient tout simplement somptueux, tout comme la mise en scène, et le jeu intelligent sur les décors et la pièce de théâtre dans le théâtre, tant par les faux théâtre sur scène offrant une première mise en abîme permettant de voir ce qui se passe dans les « coulisses », que l’utilisation des loges de l’empereur à Garnier où tant le compte qu’en deuxième partie Garance viendront les utiliser pour assister au spectacle… donc vraiment une mise en scène intelligente.

en plus de Garance simplifiée, Pierre-François est très bien porté mais son personnage a rétréci au passage en ballet : on ne peut comprendre son homosexualité, et il n’est plus responsable du crime dont garance sera accusée et qui fera qu’elle liera sa vie au compte et en deuxième partie il n’est plus le meurtrier du compte. Le tragique disparait, même si il y a beaucoup de mélancolie dans le ballet, du mime Baptiste, on aurait pu se croire dans le film parfois, et grâce aux couleurs, à la musique, dans l’orchestre ou dans la pièce et les effets où toute la foule sur scène ralentit ou s’arrête.

Entracte incroyable : du plafond vole quelques feuillets :

Les enfants du paradis : le balletLemaître dans le grand escalier de l’Opéra donne Othello avec Desdemone et un violoniste, autant dire que c’est enchanteur !

Les enfants du paradis : le ballet

Remarquons le fétichisme des visiteurs de l’Opéra sur ce pied lustré à la main :

Les enfants du paradis : le ballet

Je me suis retrouvé à expliquer l’histoire à l’entracte comme un ptit gars de neuilly ou du 16ème racontait n’importe quoi à une étrangère. Et globalement j’étais surpris que personne n’ait vu le film ou ne se soit intéressé à l’histoire pour venir à ce ballet… et contrairement à Budapest où les personnes s’habillent, il n’y avait pas vraiment de classe.

Enfin, la musique sert bien l’histoire telle qu’elle est racontée, sans être exceptionnelle et s’inspirant parfois de classique comme pour raviver une mémoire avant de diverger pour ne pas avoir de problème de copyright, donc non, je me souviendrai de la danse, de la mise en scène, des décors et costumes.

Les enfants du paradis : le ballet

En conclusion une soirée magique, un excellent ballet, tant pour la danse, le mime, le rayonnement de certains danseurs et danseuses, la mise en scène intelligente, une bonne adaptation compte tenu de la difficulté d’adapter une telle oeuvre, des costumes et décors époustouflants, une grande troupe vivante, divers effets de scène très plaisants pour des plaisirs diversifiés,  et donc je recommande chaudement!

Concernant le film, si j’ai bien compris une édition de référence devrait sortir pour décembre 2011, pour ma part en attendant je reste sur mon édition criterion, une édition Pathé est fortement recommandée également. N’hésitez pas à vous faire plaisir ou à faire plaisir si l’occasion se présente.

Lacenaire :
-Vous avez tort de sourire Garance, je vous assure. Je ne suis pas un homme comme les autres, mon cœur ne bat pas comme le leur.

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