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LA NUIT AMERICAINE de FRANCOIS TRUFFAUT

Publié le 15 juillet 2011 par Abarguillet

Swashbuckler Films   VIDEO  

  

En 1973, après Une belle fille comme moi, François Truffaut avait besoin de se ressaisir. Ce dernier film avait été un semi échec et il lui fallait absolument frapper  les esprits par une production forte, une oeuvre magistrale. Ce sera La nuit américaine. Selon moi son plus beau film avec Le dernier métro, celui d'où émane un charme envoûtant et qui a cette particularité d'être sans doute l'oeuvre la mieux construite du cinéaste et celle qui donne étrangement l'impression d'une improvisation permanente. Car qu'est-ce que La nuit américaine, sinon le récit d'un film dans le film, l'immersion dans l'intimité d'un tournage, en quelque sorte un documentaire sur une profession qui suscite curiosité et fascination et, pour finir, une chronique non dénuée d'humour d'une entreprise ensorcelante qui sait mieux qu'aucune autre inspirer petites et grandes passions et se révéler être un jeu de balancier entre fabrication d'un spectacle et confession secrète. 

En effet, La nuit américaine  est une célébration lyrique de la création d'un film et s'élabore à partir de Je vous présente Pamela, astuce habile qui permet à Truffaut de nous instruire sur l'art cinématographique et de nous montrer ce qui sépare la réalité fictive de la réalité vécue et, mieux encore, de nous apprendre comment l'une se nourrit de l'autre, tant la ligne de démarcation entre les deux est peu étanche. Nous sommes ainsi les témoins des constants aléas rencontrés par l'équipe et les situations rocambolesques qui en découlent : caprices de star, retards, contre-temps, surprise après surprise qui se vivent en général dans une louable bonne humeur, un zeste de flegme et de fatalisme, les intervenants étant conscients qu'ils ont embarqué sur le même navire pour se rendre à même destination.
Au coeur de cette équipe domine la star, celle qui est chargée du rôle principal et dont chacun, c'est-à-dire le metteur en scène, les autres comédiens, la scripte, l'habilleuse, le preneur de son, dépendent plus ou moins. Aussi pour tenir tout son monde sous son charme et se faire accepter comme l'incomparable idole, lui faut-il faire preuve de magnétisme et de séduction, d'où ses angoisses perpétuelles. Le monstre sacré de La nuit américaine est Jacqueline Bisset au regard d'émeraude et à la beauté délicate, dont la vulnérabilité est évidente et les caprices fréquents.

Dès l'ouverture, Truffaut dédie le film aux grandes actrices du cinéma muet : Lilian et Dorothy Gish. Plus loin, il rend hommage à une autre grande actrice, française quant à elle, Jeanne Moreau, l'héroïne de Jules et Jim et, ce, au travers d'un jeu radiophonique. On saisit à quel point ce metteur en scène était sans cesse à l'écoute de ses acteurs et la sympathie fondamentale qu'il leur vouait. D'ailleurs Truffaut ne se cachait pas d'avoir réalisé La nuit américaine comme un documentaire. L'origine de ce film remonte à une observation de Hitchcock lors de son interview avec Truffaut : Toute l'action se déroulerait dans un studio, non pas sur le plateau devant la caméra, mais hors du plateau entre les prises de vue ; les vedettes du film seraient des personnages secondaires et les personnages principaux seraient certains figurants. On pourrait faire un contrepoint merveilleux entre l'histoire banale du film que l'on tourne et le drame qui se déroule à côté du travail.
Et Truffaut, des années plus tard, devait se souvenir de cette suggestion géniale du maître du suspense. Je me suis imposé des limites très précises  - avait-il dit à ce propos - j'ai respecté l'unité de lieu, de temps et d'action. (...) Je n'ai pas cherché à détruire la mythologie du cinéma. Le cinéma français étant très peu mythologique, j'ai voulu que ce film porte l'empreinte d'Hollywood.

  

Jean-Pierre Léaud, Jacqueline Bisset et François Truffaut. Swashbuckler Films

  

Il est exact qu'en dehors de l'aspect anecdotique du tournage du film, auquel nous assistons en spectateurs privilégiés qui ont accès aux coulisses fascinantes du 7e Art, le cinéaste s'est surtout intéressé à la psychologie des personnages. Depuis le metteur en scène Ferrand qu'il interprète avec brio, en proie lui aussi à ses doutes et à ses appréhensions, poursuivi par l'image d'un petit garçon descendant une rue déserte, appuyé sur une canne. Il arrive dans un cinéma et vole des photogrpahies publicitaires : ce sont des clichés de Citizen Kane, que Truffaut visionna trente fois et dont il disait que c'était le film qui avait poussé le plus grand nombre de gens à devenir cinéastes. Cette référence oedipienne n'est donc pas anodine et laisse entendre que tous les réalisateurs, un jour ou l'autre, ont volé leur père Orson Welles. Par ailleurs, au cours de cet opus, Truffaut brosse un tableau finement ciselé de la vie privée des uns et des autres en proie à leurs difficultés personnelles, insistant sur la complexité des rapports humains dans une création artistique où chacun a sa pierre à apporter, et pose habilement l'interrogation qui n'a cessé de le tarauder : le cinéma est-il plus important que la vie, rejoignant l'interrogation de Marcel Proust en littérature : le roman est-il plus vrai que la vie ? Ce film est donc rendu plus passionnant qu'il est l'oeuvre d'un passionné, une oeuvre où l'auteur lui-même se met en cause, cherchant des diversions à ses propres phobies. La nuit américaine fut un immense succès et contribua à asseoir la notoriété internationale de Truffaut qui  vit avec bonheur son long métrage couronné de l'Oscar du meilleur film étranger. 

Pour lire mes critiques des films de François Truffaut, cliquer sur leurs titres :

L'histoire d'Adèle H.    Le dernier métro

Pour prendre connaissance de mon article consacré à François Truffaut, cliquer  LA

  

Jean-Pierre Léaud et Dani. Swashbuckler Films

  

 

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