En cette période estivale, on travaille moins, on écrit moins sur son blog et on voyage…
Voici justement un très bel article paru dans le journal suisse Le Nouvelliste. Il propose le portrait d’une interprète non pas en langue des signes française (LSF) mais en langue des signes suisse-romande (je rappelle pour les quelques lecteurs et lectrices distraits que la langue des signes n’est pas universelle) qui témoigne sur son métier, sur ses joies, ses difficultés…
Quand les mots se font gestes
La langue des signes permet aux personnes sourdes d’entrer
dans le monde des entendants. Un langage tout en mouvement et en images.
« Ah, il faut que je traduise à Laetitia que votre téléphone portable a sonné. Le rôle de l’interprète est de rendre tous les bruits ambiants, en plus des paroles ». Ce matin-là, dans un café sédunois, Florence Treuthardt, interprète professionnelle en langue des signes, raconte son métier, en présence de Laetitia Rossini, une trentenaire sourde depuis la naissance.
Les deux jeunes femmes évoquent avec passion ce langage imagé permettant aux personnes souffrant de surdité de faire partie du monde. « C’est grâce à la langue des signes que j’ai pu devenir laborantine médicale », souligne Laetitia Rossini via des gestes traduits par Florence Treuthardt.
L’interprète exprime tout ce que veut dire sa cliente du jour. Avec précision. C’est sa mission. « Les trois mots-clés de notre code de déontologie sont fidélité au message, neutralité et secret professionnel ».
Ainsi Florence Treuthardt n’hésite-t-elle pas à redemander le message à la personne sourde en cas de doute. Une démarche appréciée par son interlocutrice. « Je préfère que l’interprète me fasse répéter plusieurs fois plutôt qu’elle traduise mal ma pensée », confirme Laetitia Rossini.
Ce matin-là, entre l’interprète et sa cliente, la complicité est évidente. « On se connaît un petit peu, car nous nous sommes déjà rencontrées pour des missions de traduction, mais je peux être amenée à traduire pour des personnes que je ne connais pas du tout », souligne Florence Treuthardt.
L’interprète reçoit ses missions de Procom, la Fondation d’aide à la communication pour sourds. « On m’indique alors le lieu, l’heure et le nom de la personne pour laquelle je vais devoir faire une traduction.
Si on me demande pour une conférence, je m’informe avant sur le thème de la discussion. Il y a un grand travail de préparation à faire afin de ne pas être prise au dépourvu pour la traduction », ajoute Florence Treuthardt.
Les missions ne sont pas toujours faciles. Il arrive qu’une interprète soit appelée pour des enterrements ou des situations médicales délicates. « Parfois, cela peut être lourd émotionnellement. Mais mon premier métier d’éducatrice spécialisée m’a permis de prendre de la distance au niveau émotionnel ».
Si le milieu scolaire reste le lieu où les demandes d’interprètes sont les plus nombreuses, Florence Treuthardt souligne également avoir déjà eu toutes sortes de mandats, pour des baptêmes, des cours de préparation à l’accouchement ou encore pour des cours d’auto-école. « Mon plus beau souvenir d’interprétariat était la traduction d’un cours d’avalanches en montagne ».
Quand Florence Treuthardt parle du langage des signes, la passion est omniprésente. « J’ai toujours été attirée par ce langage très visuel. Comme éducatrice spécialisée, j’ai côtoyé des enfants autistes ne s’exprimant que par gestes. Certainement que cela m’a donné envie d’en savoir plus sur la langue des signes ».
Elle a donc suivi des cours de langue des signes, puis a effectué des stages avec des personnes sourdes. « J’ai réalisé que j’avais un bon niveau, mais mes cours n’étaient pas reconnus officiellement, comme l’est un diplôme d’interprète ». Florence Treuthardt décide alors de suivre la formation d’interprète à l’Ecole de traduction et d’interprète (ETI) à Genève, pendant deux ans.
Aujourd’hui, Florence Treuthardt travaille à 80% comme interprète et à 20% comme éducatrice dans le centre des Marmettes pour les sourds et malentendants à Monthey. « Interpréter la langue des signes est très enrichissant, car c’est une langue vivante, mais en même temps cela fatigue beaucoup. C’est très physique. J’ai fait ce métier pendant quelques mois à 100%, mais j’étais épuisée ».
Après plusieurs traductions, la jeune femme dit ressentir des douleurs physiques. « Cette langue est essentiellement constituée de petits mouvements qui créent des micro-traumatismes. Nous nous faisons souvent masser pour éviter les maux ». La concentration est également à son paroxysme lors d’une traduction. « Il faut être attentif à tout ».
Comme pour donner davantage de poids à ses mots, un avion passe dans le ciel sédunois. Immédiatement, Florence Treuthardt l’indique, en langage des signes, à Laetitia Rossini. « Oui, l’aéroport n’est pas loin », ajoute l’interprète.
Christine SAVIOZ
Et pour prolonger votre découverte de la langue des signes suisse-romande je vous conseille ces deux sites :
http://www.tsr.ch/emissions/signes/1090682-une-langue-des-signes-suisse-romande.html