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Dans un ancien chai en bordure du Canal du Midi, un lieu consacré aux arts visuels (photographie, film, vidéo), créé en 2010 par François Molignat, présente sa deuxième exposition estivale.
La transe sert de fil conducteur à cette nouvelle programmation qui comprend deux films documentaires historiques et trois vidéos d’artistes contemporains.
“Dans la transe, les corps agissent : cris, danses, chant, extase. ces actes sont associés à un état de conscience qui est une marque de l’humanité : ne pas vouloir se contenter d’être ce que l’on est, vouloir échapper à sa condition. Depuis la “mania” des Grecs cette pratique s’est étendue autour du bassin méditerranéen, du nord au sud, du monde européen à l’arabo-musulman…” (François Molignat)Dans l’antre de l’immense cave, on assiste à la projection de :
—“La taranta”, film muet de 14 minutes réalisé en 1960 par Gianfranco Mingozzi, avec l’ethnologue Ernesto de Martino. Il montre avec une grande force poétique et plastique les femmes “tarentulées” mimant l’araignée dans certaines églises des Pouilles.
—“Les derviches tourneurs”, un montage de fragments de films provenant du Rumi Institute de l’Université de Nicosie (Chypre), rare témoignage des séances de danse mystique des derviches tourneurs dans les années 1930.
La danse extatique (“samâ”) des derviches tourneurs qui conduit à une “transe ritualisée” est remarquable par son caractère très contenu. Bien que le tournoiement des danseurs ait quelque chose d’hallucinant à voir, le spectacle qu’offre cette danse reste toujours empreint d’un grand calme. Tout y est extrêmement contrôlé, dominé, ordonné, à l’image de la grande mécanique céleste qu’elle symbolise en figurant le mouvement de révolution des planètes (F. Molignat)
— “Le souffle du récitant comme signe”, de Yazid Oulab, vidéo sonore 4’45 en boucle.À son tour Yazid Oulab, artiste musulman et soufi, construit avec beaucoup de délicatesse une oeuvre métaphorique et contemplative qui unit le chant des soufis de Mostaganem récitant la troisième sourate (“Marie”) du Coran, la danse des fumées d’encens et la sonorité d’une cloche tibétaine. Ici aussi l’intention est spirituelle… (F Molignat)
Le chant nous plonge dans une méditation profonde, la fumée quand à elle capture la vision et nous entraîne dans la contemplation de l’insaisissable. (Yazid Oulab)
— “J’enrobe les mains” de Côme Mosta-Heirt, une vidéo qui met en scène l’artiste dans une séquence hystérique inspirée d’un texte de Freud.
Dans un cas que j’ai observé, la malade tient d’une main sa robe serrée contre son corps (en tant que femme) tandis que de l’autre main, elle s’efforce de l’arracher (en tant qu’homme). Cette simultanéité contradictoire conditionne en grande partie ce qu’a d’incompréhensible une situation cependant si “plastiquement” figurée dans l’attaque et se prête donc parfaitement à la dissimulation du fantasme inconscient qui est à l’oeuvre. Sigmund Freud (in “Ce que nous voyons ce qui nous regarde” de Georges Didi-Huberman)
— “Maria Callas” d’Ange Leccia, vidéo couleur, muet, 30’ en boucle. Ange Leccia a ralenti à l’extrême et monté en boucle les mouvements du visage de la Callas avant son entrée en scène. Celui-ci se réduit à un clignement hypnotique, à une pulsation muette et poétique.Le moment porte la tension du chant à venir : la cantatrice se ressource, concentre son énergie et va reprendre un air que nous n’entendrons jamais. (Isabelle Limousin)
Le chanteur d’opéra est le dernier avatar du possédé. Sa « transe de possession lyrique » vise à la réalisation d’un besoin purement esthétique mais témoigne aussi que l’état de transe est un universel des sociétés humaines, quelque soit leur stade d’évolution. (F. Molignat)
Par leur disposition dans l’espace — choix du face-à-face ou, au contraire, de l’isolement singulier (“Marie Callas”) — les œuvres projetées entament avec le spectateur un dialogue à voix multiples dont la quiétude n’est pas la moindre des qualités. Pas de chevauchements intrusifs, en effet, dans le choix des œuvres et de leur disposition, mais un rapport tendu, qui penche davantage vers l’intériorité de la transe soufie que vers l’exhibitionnisme de l’hystérique. On entre en douceur dans la transe et on en ressort riche d’un voyage dans les tréfonds de l’humanité, son corps et sa psychée.
Marie BARDET
La Pépinière, 5 route de Saint-Nazaire, 11120 Ventenac en Minervois : 04 68 43 53 52, tous les jours sauf lundi de 15 h à 19h, jusqu’au 17/09