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Anthologie permanente : Nikolaï Zabolotski

Par Florence Trocmé

Poezibao a publié récemment un entretien avec Jean-Baptiste Para à propos du poète russe Zabolotski.  
André Markowicz traduit également ce poète majeur. Poezibao propose ici une de ses traductions inédites.  
 
 
L’automne 
 
Dès que la fin du jour façonne 
Un éclairage induit par la saison, 
Les grandes constructions des bois d’automne 
Fondent sur l’air les plans de leurs maisons ; 
Les éperviers s’y voient, les freux y dorment, 
Les cumuls sont devenus informes. 
 
Le fond des feuilles s’est décalcifié, 
Il couvre tout le sol. Pesante et sage, 
Une ample créature à quatre pieds 
Fend le brouillard jusqu’au prochain village. 
Bœuf ! Bœuf ! Ton règne est en sommeil. 
L’ambre et l’érable imitent le soleil. 
 
Esprit d’Automne, inspire mon stylo ! 
Le diamant est diffus dans le dessin de l’air. 
Le bœuf tourne au coin du silo 
Et le cercle solaire 
Est suspendu sur un terrain bossu 
Dont il rougit la frange du dessus. 
 
Écarquillant les globes de ses yeux, 
Un grand oiseau vole à hauteur moyenne. 
Un cœur humain vit au milieu 
De cet oiseau — on veut qu’il s’y maintienne 
En germe, et cependant, je ne sais quoi l’empêche. 
Le scarabée sort de sa hutte en feuilles sèches. 
 
Architecture de l’Automne. La répartition 
De l’espace aérien, du bois, de la rivière. 
Répartition de la population 
Humaine et animale, et la lumière 
Où tant de feuilles font des friselis —  
Mille autres signes que l’Automne lie. 
 
Le scarabée sort de sa hutte en feuilles sèches. 
Cornes pointées, coupant sans bruit 
Ses brins, ses bribes d’herbes qu’il ébrèche 
Pour faire un tas plus grand que lui, 
Et puis, il sonne dans son petit cor 
Et disparaît — un petit dieu en or. 
 
Et puis, le vent surgit. Ce qui était limpide, 
Spacieux et propre et parfumé 
Devient désagréable, informe et vide, 
Inextricable. Un vent repousse la fumée, 
Agite l’air, fait un festin de feuilles, 
Ricoche à la surface qui l’accueille. 
 
Et puis, la glace est stable. 
Le cuivre de l’érable 
Tinte, et, cognant sur un petit rameau, 
Devient un signe ou un début de mot 
Que la nature a découvert 
Pour nous montrer qu’elle entre dans l’hiver. 
 
  1932. 
 
Nikolaï Zabolotski (traduction inédite d’André Markowicz). Le poème est tiré du Deuxième livre de Nikolaï Zabolotski (c'est le nom du recueil, et, de fait, c'était son deuxième livre), publié en 1937 — mais il date de 1932, pp. 20-22. 
André Markowicz a consacré un texte à Zabolotski dans ses Figures ("Il suivait le combat de l'herbe...") 
 
Nikolaï Zabolotski dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extraits 1, entretien avec Jean-Baptiste Para 
 
 
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