Eminem et Royce Da 5’9, ça fait depuis 97 qu’ils sont fourrés ensemble. Lorsque Slim Shady LP a éclaté à la face du monde en 1999/2000, Em’ a tendu la perche à son comparse sur le titre « Bad Meets Evil ». L’union des deux assassins verbaux de l’underground de Detroit, Royce le ‘bad’ (mauvais, NdT) et Eminem le ‘evil’ (mal, NdT), était devenue officielle. Elle avait maintenant un nom.
À cette même période, Royce fut présenté à Dr Dre pour qui il a ghostwrité (écrit sous couvert de l’anonymat, NdR) des textes pour 2001. Problème, il n’y avait qu’un seul contrat pour les deux tueurs à gage, et le blond peroxydé était déjà lié à Aftermath Records, le label du docteur. Qu’à cela ne tienne, Eminem a par la suite dirigé Rock City 2.0, le très prometteur premier solo de Royce paru en 2002, mais dont la sortie fut ternie par un contentieux avec les D12… le groupe d’Eminem. La situation est vite parti en sucette, les deux camps se sont opposés pendant une dizaine d’années dans de dangereuses joutes verbales…
… Jusqu’à ce qu’Eminem et Royce décident d’enterrer la hache de guerre en 2010, un acte qui s’est traduit par la signature du super-groupe Slaughterhouse (dont fait partie Royce). Cerise sur le gâteau, cet EP sous leur nom commun de Bad Meets Evil, baptisé Hell: The Sequel. Une surprise puisque rien n’a été prémédité, ni calculé dans cette collaboration fantasmée depuis une décennie. La preuve même Dr Dre est absent de ce projet 9-titres (dans son édition ‘normale’) préparé à l’arrache. On peut compter sur Mr Porter (producteur des D12 et homme de main de Marshall Mathers) pour assurer une partie des productions… qui ressemblent vaguement à des ‘left-off’ (chutes de studio, NdR) du dernier album d’Eminem Recovery, la faute à des refrains pop (le futur hit radio « Lighters » avec le chanteur Bruno Mars, « Above the Law », « Take From Me » et la bonus track « Echo »).
Dommage car les trois premières pistes démarrent sur les chapeaux de roue avec « Welcome to Hell » (co-produite par Havoc des Mobb Deep, le terrible « Fast Lane » et « The Reunion » dont le beat provient aussi du Queens comme le morceau de malvenue. Dans leur compétition amicale, Em se surprend à lâcher des phrases pas gentilles à Nicki Minaj sur « Fast Lane » (il lui mettre un gros machin entre les fesses de la bimbo-rappeuse) et Lady Gaga sur « Kiss ». Il faut attendre ensuite « Loud Noises » réunissant les équarrisseurs de la boucherie-charcuterie Slaughterhouse et « Living Proof » pour ceux qui ont la version deluxe de Hell the Sequel. Quoi qu’il en soit, cette concrétisation a comme un goût d’inachevé, la faute à des instrus repêchés. A mon sens, cet EP aurait mérité d’être plus street, plus hardcore.
Mais bon, peu importe, ce détail stylistique ne devrait pas impacter sur le succès commercial de Bad Meets Evil. Si Eminem a porté une simple mixtape (The Re-Up en 2006) à la certification platine (plus d’un million de copies vendues aux Etats-Unis), nul doute que cet EP aura un destin similaire, une tendance confirmée par son classement de n°1 au Billboard US après une semaine de démarrage.
Enfin, s’il fallait départager Eminem et Royce da 5’9 sur le plan microphonique, mon vote ira à Royce. Pourquoi : bien qu’Eminem soit avantagé par la connaissance du terrain sur lequel il pose son flow et ses rimes, Royce ratisse littéralement les beats, n’importe lesquels. Son instinct de tueur fait la différence.
La note : 6/10