Katharina Hagena
Éditions Anne Carrière
267 pages
Résumé:
À la mort de Bertha, ses trois filles, Inga, Harriet et Christa, et sa petite-fille, Iris, la narratrice, se retrouvent dans leur maison de famille, à Bootshaven, dans le nord de l’Allemagne, pour la lecture du testament. A sa grande surprise, Iris hérite de la maison et doit décider en quelques jours de ce qu’elle va en faire. Bibliothécaire à Fribourg, elle n’envisage pas, dans un premier temps, de la conserver. Mais, à mesure qu’elle redécouvre chaque pièce, chaque parcelle du merveilleux jardin qui l’entoure, ses souvenirs se réveillent, reconstituant l’histoire émouvante, parfois rocambolesque, mais essentiellement tragique, de trois générations de femmes.
Mon commentaire:
Le goût des pépins de pomme est un roman de grande qualité, à l'écriture délicate. C'est une histoire pleine de beauté, dont certains passages sont sublimes. Une histoire où l'atmosphère est particulière. Les pages fleurent bon l'odeur des pommes et des chaudes journées d'été. J'ai entamé ma lecture une journée de canicule. Il faisait un soleil radieux, une petite brise entrait par la fenêtre et venait chatouiller les pages. Tout de suite, je faisais partie de l'histoire.
Ce roman raconte des souvenirs de famille. Iris, dont la grand-mère vient de mourir, hérite de la maison. Une vieille maison où les femmes de la famille ont vécu de grands moments de leur vie: naissances, amours, déceptions, tristesse, amitié, tragédie et petits bonheurs. Pour Iris, c'était la maison de l'été, la maison où elle passait ses grandes vacances. Il y avait sa cousine Rosemarie décédée trop jeune, Mira une amie toute en noire, les tantes, les grands-parents. Peu d'hommes, sauf le grand-père, un voisin et le petit Max, devenu maintenant l'avoué du village...
Les souvenirs d'Iris nous sont livrés par bribes, alors que la jeune femme revient dans la maison après la lecture du testament. Elle ne sait pas encore ce qu'elle en fera et se donne quelques jours pour y réfléchir. Elle erre d'une pièce à l'autre en nous racontant différentes anecdotes qui construisent lentement le portrait familial. À travers ses promenades dans le jardin, ses baignades au bord de l'eau, ses petites expéditions à vélo ou ses escapades pour se procurer à manger, elle raconte la vie des femmes de la famille. Comment le décès d'un parent, la maladie d'un autre, les jalousies, le passé, les amitiés qui s'effilochent, l'amour, peuvent changer la dynamique familiale.
La maison ici joue un rôle essentiel. C'est pratiquement un personnage du roman tant tout tourne autour d'elle. Chaque pièce est décrite et doucement revisitée. Les odeurs, les couleurs, les matériaux sont importants. Les livres aussi ont une grande place, car Iris travaille dans une grande bibliothèque. Les pièces débordent des reliques d'antan, quand la maison était toujours habitée. On ressent l'esprit de cette maison. On imagine très bien comment s'y déroulait la vie quotidienne, entre les pâturages, les herbes hautes, le jardin d'hiver, le verger gorgé de fruits. On sent les beaux jours qu'a connu cette maison et ses habitants, les souvenirs qui sont reliés à un endroit qui a compté dans l'enfance et auquel on revient à l'âge adulte. Rien n'est plus tout à fait pareil lorsque l'on vieillit...
Le goût des pépins de pomme est un roman livré avec pudeur, dont l'histoire s'installe tout doucement. Ce n'est qu'à la toute fin que l'histoire est complète, que l'on referme l'album de famille. C'est aussi l'instant où Iris sait ce qu'elle fera et où ses choix comptent plus que jamais. J'ai aimé l'épilogue à la fin, qui donne un aperçu de ce que deviennent les personnages. On ne délaisse pas si facilement les traditions familiales...
Si vous cherchez un roman à lire pendant vos vacances, c'est celui-ci qu'il vous faut. C'est un roman magnifique, qu'il faut découvrir assurément.
À noter la magnifique couverture (qui est beaucoup plus belle en vrai qu'en image) et qui reproduit une gravure coloriée de Friedrich Guimpel.
Quelques extraits:
"Après que Bertha fut elle-même tombée du pommier à soixante-trois ans et qu'à la suite de cet accident, les souvenirs commencèrent à se détacher d'elle, à tomber autour d'elle les uns après les autres, elle accepta la désagrégation sans combattre, tristement. Depuis toujours, dans notre famille comme ailleurs, le destin se manifeste en premier lieu sous la forme d'une chute. Et d'une pomme." p.73
"J'aimais lire et manger en même temps. Une tartine après l'autre, un gâteau après l'autre, sucré et salé en continuelle alternance. C'était merveilleux: les histoires d'amour avec une portion de gouda, les récits d'aventures avec du chocolat aux noisettes, les drames familiaux avec du muesli, les contes de fées avec des caramels mous, les romans de chevalerie avec des cookies. Dans beaucoup de livre, on passait à table quand le suspense était à son comble." p.163
"Le lendemain matin, ce devait être mardi, je courus nu-pieds jusqu'à la grande armoire et je l'ouvris toute grande. Cela sentait la laine, le bois, le camphre et aussi, mais imperceptiblement, l'eau de toilette de mon grand-père. Après un bref moment d'hésitation, j'en retirai une robe blanche à pois gris clair. Ç'avait été autrefois la robe de bal d'Inga, une robe fine et légère car la vague de chaleur persistait. Une tasse de thé à la main, je m'installai sur les marches du perron; on sentait que l'été était là pour de bon." p.179