Jean-Auguste-Dominique Ingres
(1780-1867) a légué à Montauban, sa ville natale, un corpus de centaines de ses dessins que le musée de cette ville complète d'autres acquisitions, conserve et étudie … recherches qui
permettent non seulement d'avoir connaissance des techniques employées par l'artiste mais aussi d'appréhender la conservation d'un papier qui se transforme beaucoup dans la première moitié du
XIXe siècle, se fragilisant du fait des nouveaux procédés de fabrication utilisés pour une diffusion à plus grande échelle et à moindre coût. L'exposition Ingres / Secrets de dessins, qui se déroule jusqu'au 6 novembre au
musée Ingres de Montauban (voir la vidéo ici), témoigne du type de recherches que l'on peut faire
afin de mieux connaître l'oeuvre d'un artiste ; et offre des clés utiles d'expertise pour les collectionneurs et les professionnels tout en éduquant les néophytes. Et puis cette exposition nous
rappelle qu'Ingres est un témoin important de la vie de son époque comme le montre cette série de portraits d'hommes : un
inconnu (vers 1797) - Jean-François
Gilibert (vers 1804/05) - François-Marius Granet (en 1807) - Edme
Bochet - Jean-Pierre
Cortot (sculpteur) ; et de portraits de femmes : les deux
soeurs Harvey (vers 1804) - Mademoiselle
Caroline Rivière - Marie-Louise
Bénard (en 1819) - Louise de Broglie (contesse d'Haussonvilleen, en 1845) - princesse de
Broglie (vers 1851-1853).
Photographie 1 : Portrait de Madeleine Chapelle : la première femme de l'artiste. Celle-ci
est habillée à la mode de vers 1813 : la capote a une haute calotte alors que la visière se rétrécit par rapport à précédemment (voir à ce sujet l'article intitulé La petite maîtresse
invisible) ; la robe garde la forme de la tunique 'à l'antique' avec une taille très haute (en dessous des seins), mais la poitrine est entièrement couverte, et une fraise autour
du cou rigidifie un peu plus la silhouette plus libre avant (poitrine et cou découverts) ; mais le corset n'est toujours pas de rigueur. Le papier utilisé pour ce dessin paraît assez moderne pour l'époque. Il ne semble pas être vergé et sa qualité assez
médiocre comme le prouvent les nombreuses taches dont les origines peuvent être multiples : comme le contact avec un verre ou un carton de mauvaise qualité, mais qui sont souvent dues en
particulier à la qualité du papier employé. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle le papier est fabriqué à partir de chiffons.
Il est dit 'vergé' car laissant apercevoir en transparence les lignes formées au contact des vergeures (horizontales) et des chaînettes (verticales)
qui composent le tamis avec lequel est fabriqué le papier. Puis de nouvelles techniques apparaissent qui vont beaucoup évoluer au XIXe siècle. Non seulement la matière du papier change avec
l'utilisation de fibres végétales comme le bois et de nouvelles colles mais aussi sa fabrication à partir de machines de plus en plus sophistiquées. © Photographie Musée Ingres de
Montauban.
Photographie 2 : Image en transparence d'un papier chiffon utilisé par l'artiste, avec les
caractéristiques du papier vergé que j'ai évoquées dans la description de la première photographie, et le filigrane. Les filigranes sont rendus
obligatoires en France dès la fin du XIVe siècle et au début du XVe. Le papetier forme avec du fil de laiton sur le tamis le dessin de sa 'maison'. La feuille produite (dont la grandeur fait
généralement un double in-folio) est ensuite découpée selon les usages. Le papier d'une gravure ne contient donc pas obligatoirement de filigrane. Chaque papeterie ayant sa 'marque' qui
évolue avec le temps : le filigrane devient un élément important de datation d'un papier et par là d'un dessin ou d'une gravure. Mis en juxtaposition avec toutes les autres données il peut
permettre une expertise précise. © Photographie Musée Ingres de Montauban.
© Article LM