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Presse et sport dans la France nazie

Publié le 21 juillet 2011 par Fmariet

Jacques Seray, La presse et le sport sous l'Occupation, Paris, 2011, Editions Le Pas d'Oiseau, 285 pages, Bibliogr., Index, Documents annexes. Préface de Pierre Albert.
On ne dira jamais assez la contribution constante et exemplaire des organisations sportives à l'établissement et au maintien des régimes fascistes et autres dictatures en tout genre (nations soviétisées, Espagne franquiste, Allemagne nazie, Italie mussolinienne, etc.). Le sport, olympisme compris, a les mains sales.
Cet ouvrage raconte, plus qu'il n'analyse, la contribution du sport et de sa presse à la collaboration avec les nazis et le pétainisme en France. Bien documenté, bien informé, l'auteur détaille, parfois avec un humour féroce, les compétitions, leur évolution, leurs relations avec la presse sportive. Alors que l'on impose le port de l'étoile jaune, que l'on déporte et assassine, l'essentiel  pour la population française reste l'organisation de sa vie quotidienne : faire comme si rien n'avait changé. C'est l'objectif assigné à la collaboration par les nazis : que le front Ouest reste calme. Courses cyclistes, championnats de football y contribuent. Le Maréchal veut une jeunesse saine et musclée. "Serment de l'athlète", carte du sportif, Vichy a même une politique du sport à laquelle contribuent, avec dynamisme, de nombreux champions (Jean Borotra, etc.) et la presse !
La course Paris-Roubaix peut avoir lieu pendant l'armée nazie, énervée, assassine à deux pas (cf. p. 216). Emblématique. Boxe, rugby tout va bien : alors que les troupes américaines et anglaises ont déjà débarqué, la France s'enthousiasme avec la "presse traduite" pour les grandes compétitions sportives. Seules la radio (Londres) et la presse clandestine, résistante informent...
La collaboration est populaire, et pourtant il suffira de quelques semaines pour que s'effectue un revirement complet. Discret opportunisme et intérêts bien compris : une phrase clé citée par Jacques Seray énonce le principe qui permettra d'excuser la collaboration de la presse : "ainsi certains rongeaient leur frein dans une presse qui n'était pour eux que nourricière" (p. 234). D'autant plus convaincant que ce n'est pas son objet premier, Le livre en dit long sur l'intrication des mécaniques complexes de la vie publique, des intérêts égoïstes et de la morale personnelle. L'auteur rend compte subtilement, par touches, plutôt que par démonstration, de l'acceptation quotidienne de la domination nazie. La plupart des collabos seront graciés et reprendront leurs activités : en fait, la collaboration n'est pas un crime quand elle est raisonnable et pas trop visible ! Le changement de politique, après la victoire des Américains et des Anglais, se fera souvent avec les mêmes personnes. On mettra l'oubli au programme des gouvernements, on en fera une vertu. Ainsi, par exemple, un certain Jean Dauven, journaliste à Tous les Sports, s'illustre par des écrits antisémites "nauséabonds" sur "les Juifs et le sport" (cf. Annexe 9, p. 265) ; en 1966, il publiera chez Larousse une Encyclopédie du sports. Comme dit Jacques Seray, "l'homme traversa aisément le miroir, nullement en butte à des vicissitudes" (p. 180).
Dès 1945-46, la presse sportive s'épanouit à nouveau. Tout quotidien publie son supplément sportif. L'Equipe remplace L'Auto, qui avait bien traversé la période. Et revient le Tour de France, avec beaucoup des mêmes journalistes et organisateurs.

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