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Cher monsieur «Elvis» Laguë

Publié le 21 juillet 2011 par Jlaberge
Comme je le mentionne dans le fil de discussion au sujet de ma lettre 100 000 Elvis Gratton, il s’agit d’un coup de gueule, où je concède qu’il y a là exagération – comme dans tout coup de gueule. Cependant, le sens de ma lettre visait principalement à interroger la dimension politique de notre appui massif, manifeste cet été au Québec pour la musique populaire anglophone. Je tiens à redire que je n’ai, personnellement, rien contre la musique du groupe Metallica en particulier, bien je n’en sois pas amateur. Comprenons-nous bien : je n’attaque pas les amateurs d’un genre musical ; ce n’est pas une question d’appréciation esthétique sur lequel porte notre différend mais une question d’appréciation politique. À cet égard, nos niveaux d’analyses divergent. Vous et mes critiques (qui sont, je l’avoue, légion), vous vous placez systématiquement au niveau du «je», de ses préférences, de ses goûts, et vous dites en somme : ne touchez pas! D’accord. Moi, je ne me positionne pas au plan de la première personne, mais à celle de la troisième, le «il», le collectif. Ce qui offre une autre perspective d’analyse, et donc d’évaluation. Du point de vue du «je», les choix musicaux, c’est bien connu, ne se discutent pas. Elvis Gratton se passionnait pour les chansons d’Elvis. Aucun problème sur ce plan. Toutefois, si une vaste majorité de Québécois faisait le même choix que lui, là, la perspective change, et cette préférence toute individuelle prend alors, qu'on le veuille ou non, une autre dimension – une dimension politique. Ainsi, un choix individuel peut devenir un choix collectif lequel devient alors politique. La question politique est alors la suivante : l’État doit-il subventionné un festival faisant la promotion de la musique d’Elvis Presley ? Plus réalistement: l’État doit-il subventionner le Festival d'été de Québec qui fait la promotion de la musique anglophone des grosses pointures: les MaCartney, Black Eyed Peas, Elton John, Metallica... ?. Comme le remarquait un de vos courriéristes (Henri Marineau, Lettre, mercredi 20 juillet), sur un ton beaucoup plus nuancé que le mien : «…qu’est-ce que les jeunes vont retenir : Metallica ou Jean-Pierre Ferland ?» Poser la question, c’est y répondre. Qu’on le veuille ou non, un choix individuel est aussi un choix politique. Pour paraphraser l'ouvrage de Laure Waridel, écoutez, c'est voter.
Cette prémisse étant posée, si nos choix sont en somme collectifs, une image collective se dégage du type de personne opérant ces choix collectifs. En contexte québécois, c’est celui qui dénigre systématiquement ce qui est québécois parce que c’est petit et minable comparativement à tout ce qui est anglophone - les «Amaricains» comme dirait si savoureusement Elvis Gratton. C’est la thèse du dénigrement de soi de Falardeau-Poulin que je reprends à mon compte ici et dans ma lettre. Nous passons ici, pour ainsi dire, à un troisième niveau d’analyse où nous tentons d’identifier cette fois-ci ce personnage québécois typique – qui n’existe pas, je le concède au plan individuel, mais seulement au plan collectif. Elvis Gratton est un «mythe» au sens où il est le modèle, le prototype du Québécois – considéré, je le répète, au plan collectif. Ce mythe parle de nous, de notre ADN, pour ainsi dire, national. La question politique devient celle de la question identitaire si aiguë au Québec. Gratton patine su la bottine lorsqu'on lui demande de décliner son identité. Tous les Québécois sont devant la même perplexité. On peut ou non souscrire à la thèse Falardeau-Poulin, la contester ou l’infirmer. Pour ma part, il m’a semblé que des événements musicaux comme ceux auxquels nous venons d'assister, avec la messe papale de Metallica, donnent de l’eau au moulin à la thèse de Falardeau-Poulin. Si c’est le cas, alors effectivement il y avait bel et bien 100 000 Elvis Gratton et plus encore qui exultaient en transe sur les volutes musicales de Metallica.
Cela dit, cher ami, malgré tout ce que je viens de dire, continuez à manifester votre passion pour le rock anglophone. Mais n'oubliez pas, comme le chante Charlebois, qu'ici au Québec tout commence par un Q et finit par un bec. C'est la condition de l'Homo Quebecus. En d'autres termes, comme disait l'autre, y'en aura pas de facile! Peut-être qu'un jour on sera si tanné de cet état qu'on s'assimilera tout bêtement et tout rentrera dans l'ordre. Mais d'ici là, il y en a aura toujours un qui, tel le sphinx qui guettait aux portes de Thèbes en qu'interrogeant les passants de son énigme «Qui es-tu?», s'acharnera à nous déranger à propos de notre identitié.

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