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La réalité est ailleurs

Publié le 24 juillet 2011 par Vonric Vonric

*Proposition*D’après le quotidien français Les Echos, "la rémunération moyenne des dirigeants des 200 premières entreprises américaines a bondi de 20 % en 2010, pour atteindre 11,6 millions de dollars, le salaire médian s'établissant à 9,6 millions (+ 12 %)".

Le patron le mieux payé des Etats-Unis en 2010 est Philippe Dauman, numéro un de Viacom. Son salaire a fait un bond de 149 % de sa rémunération totale, à 84,5 millions de dollars, devant le patron d'Occidental Petroleum, Ray Irani (76,1 millions de dollars) et celui d'Oracle (70,1 millions de dollars, à 90 % constitué de stock-options).

Le record de hausse est détenu par le patron de Black & Decker, John Lundgren, dont la rémunération a bondi de 253 % (à 32,6 millions), à la suite de la fusion avec Stanley, qui doit se traduire par 4.000 suppressions de postes.

Pour prendre une entreprise emblématique, la rémunération du PDG de Ford, Alan Mulally à augmenté de 48% à 26,5 millions de dollars. Il faut ici rappeler que le fondateur Henry Ford, gagnait dans les années 30 environ 40 fois plus que le salaire le plus faible dans son entreprise. Le PDG actuel de Ford gagne donc - 80 ans plus tard (sans fonder quoi que ce soit ni hériter) - environ 2600 fois plus que le salaire minimum (~$10000). Quand à celui cité plus haut, il empoche 8500 fois plus ! Ou pour comparer autrement il gagne chaque mois le même salaire que 8500 employés ou $30000 chaque heure.

Honnêtement j'aimerai que l'on m'explique en quoi cela est normal ? Quelle peut être la justification de ceci ? La hausse de valeur de l'entreprise ? Mais tout le monde y participe, y compris celui qui nettoie les chiottes, sans qui l'entreprise serait moins accueillante, et les conditions du travail influent sur la performance finale de l'entreprise.

D'où l'idée qui fait du chemin à droite comme à gauche d'un salaire maximum (un genre de "au dessus, 100% d’impôt, je prends tout"

;)
afin de stopper la croissance des inégalités. Il faut d’ailleurs se rappeler que pendant les 30 glorieuses, la tranche supérieure d'imposition était de plus de 70% aux Etats Unis (le taux supérieur a même atteint 91 % entre 1941 et 1964). Ceci permet aussi de noter au passage que l'impôt sur le revenu n'a jamais empêché la croissance. Celle-ci n'a d'ailleurs jamais été aussi forte que quand l'impôt était élevé. Mais bien sur l’impôt ne résout pas tout et en prenant une mesure unilatérale, rien n’empêchera le patron de se relocaliser en Belgique, en Suisse ou dans un ailleurs très proche.

Le PS prévoyait déjà une telle mesure de plafonnement en avril 2010, dans sa « Convention nationale sur le nouveau modèle économique, social et écologique » : « Nous proposons qu'au sein des entreprises qui ont une participation publique dans leur capital, les rémunérations soient comprises dans une échelle de l'ordre de 1 à 20. »

Eco89 a fait le calcul pour savoir quel est le patron français (un pauvre, seulement 8 millions d'euros/an - salaire+stock options+ avantages+retraites), qui a le plus à craindre une victoire du PS en 2012. Et de toute façon, même si on savait comment procéder a se plafonnement dans les entreprises privées, il faudrait ensuite se demander qui devrait profiter cette petite fortune :

  • les actionnaires (en dividendes),
  • le personnel (avec une hausse des salaires),
  • l'entreprise (avec de nouveaux investissements),
  • les clients (en dispensant le groupe d'augmenter ses tarifs) ? 

En tout cas il semblerait que dans les 4 cas, ce soit tout bénef pour l'économie !

France Inter a consacré son émission Ça vous dérange du 11 juillet 2011 à la question Faut-il plafonner les salaires ? Il y avait notamment comme invité Philippe Villemus qui a écrit Le patron, le footballeur et le smicard : Quelle est la juste valeur du travail ? (avec une manchette : Des rémunérations indécentes).

On peut tirer de la discussion une série d'arguments/contre-arguments qui pourra resservir pour alimenter les discussions lors de diners en ville :

Constat:

En France 90% de la population gagne en moyenne 16000€/an (voir aussi mon billet sur les riches ici). 0.01% de la population gagne plus de 1,2 millions/an.

Depuis 1998, le salaire des moins riches a augmenté de 3%, celui des plus riches de 51%.

Selon une enquête de L'INSEE qui porte sur les rémunérations (salaires mais aussi dividendes, jetons de présence, stock options, retraites chapeau, droit à l'image, chauffeur, logement gratuit): en 3 ans les 200 personnes les mieux rémunérées en France ont vu leur pouvoir d'achat augmenter de 40%, alors que les 1,5 millions les moins bien rémunérés en France l'ont vu augmenter de 9%.
Le coefficient de Gini mesurant les inégalités montre que celles-ci ont tendance à diminuer en France depuis les années 80. MAIS il ne prend en compte que le revenu sous forme de salaire, et pas les avantages complémentaires (dividendes, jetons de présence, stock options, retraites chapeau, droit à l'image, chauffeur, logement gratuit) qui ont explosé. Le salaire devient maintenant une part minoritaire chez les très hauts revenus.

Idées reçues, mensonges et mythes:

- Idée que l'imposition plus forte empêche les hauts revenus de venir s'installer, et qu'ils préfèrent rester là où ils payent moins d’impôt même si les conditions de vie sont moins bonnes.
C'est un mythe inventé par les patrons français eux mêmes et par les chasseurs de tête selon lequel il y aurait un marché mondial des patrons français et que s'ils n'étaient pas si bien rémunérés ils partiraient à l’étranger. Les faits montrent que c'est un gros mensonge. Depuis 1986 et la création du CAC40, aucun patron du CAC40 n'a été débauché à l'extérieur. Dire qu'il y a un marché mondial revient à dire qu'il y aurait une pénurie de patrons dans le monde en qu'en ce moment le PDG de Coca Cola est en train d'essayer de débaucher le patron de Suez ou de BNP par exemple. Or c'est faux, car diriger une entreprise cela veut dire maitriser la langue, avoir des réseaux, connaitre le marché du pays ; or comme les patrons français du CAC40 sont majoritairement d'anciens fonctionnaire issus des corps de l'Etat,  ils ne sont pas chassés. Depuis 40 ans, aucun grand patron français n'a été débauché pour prendre la tête de multinationales à l'étranger. De même il n'y a pas de patrons étrangers dans le DAX de Francfort ni à la bourse de Milan. Il n'y a pas de marché mondial des patrons. Les multinationales ne veulent pas d’énarques ou de polytechniciens qui ont souvent été simplement parachutés par le pouvoir politique français.

- Le marché attire les meilleurs patrons qui vont aussi augmenter de manière marginale la valeur de l'entreprise.
C'est aussi faux. Combien de postes de PDG d'entreprise du CAC40 se libère par an? Maximum 1. On a donc uniquement besoin d'une personne, qu'on peut facilement trouver dans les écoles françaises et même dans les numéro 2 ou 3 de ces mêmes entreprises.

- Les grands patrons créent de la richesse.
CAC40=6990 points en 2000, 4300 aujourd'hui. En 10 ans les patrons du CAC40 ont détruit 400 milliards d'euros en richesse nationale. Dans le même temps leur rémunération globale a été multipliée par 250%.

- Les entreprises du CAC40 crée des emplois.
C'est faux. Ce sont les TPE, les PME et les entreprises de moins de 100 salariés. Entre 2000 et 2010 le CAC40 a détruit massivement des emplois dans l’hexagone.

- Ce sont les actionnaires qui décident la rémunération des patrons.
Non, et c'est là le problème. En France (et c'est encore une fois une spécificité française), au sein des conseils d'administration, on a créé des annexes appelés les comités de rémunération qui proposent les rémunérations totales des dirigeants. Et ceci n'est pas soumis au vote des actionnaire mais décidé par les conseils d'administration, constitués par les "meilleurs amis". Il y a un cumul de mandats d'administrateurs (limité à 5 toutefois !) en France qui est unique au monde : le PDG de A est au comité de l'entreprise B et vice-versa. Le capitalisme français est extrêmement consanguin.

Quelques propositions

Attention tout d'abord : on parle ici uniquement des grandes entreprises. Si on se focalise sur les patrons du CAC40, la redistribution de l'ensemble de leur rémunération sur les français ne serait que de quelques euros. Paradoxalement les patrons du MEDEF sont assez favorables à ce plafonnement des ahuts salaires car l'écrasante majorité des 300000 dirigeants d'entreprises en France ne gagne pas ces sommes (en moyenne un patron gagne ~55000€/an) pour un volume de travail au moins équivalent.

De même, il n'y a rien à dire contre les patrons créateurs (Bill Gates, Steve Jobes...etc) qui ont créé leur entreprise, ont pris des risques sur leur patrimoine, ont créé des emplois, de la richesse, de la valeur. Mais dans les 200 plus grosses entreprises françaises, ce sont majoritairement des héliportés fonctionnaires installés par le pouvoir politique.

Les grands patrons français ont vu leur rémunération se déconnecter à la fois de la valeur financière, de l'utilité sociale (création d'emploi) et de la valeur sociétale de ce qu'ils font. Il faut donc raboter les hautes rémunérations, non seulement pour redistribuer mais surtout pour redonner le gout du travail, la juste valeur du travail et rémunérer celui-ci sur utilité éthique et non plus uniquement financière.

Plusieurs moyens d'agir:
- la fiscalité (on peut prévoir des tranches supérieurs d’impôt).
- interdire les parachutes dorés (car c'est une incitation scandaleuse à l'échec).
- interdire les retraites chapeau (pourquoi pérenniser les revenus d'une fonction quand on ne l'exerce plus).
- améliorer la gouvernance des entreprises françaises (les actionnaires pourraient voter et contrôler la rémunération des dirigeants, ce qui n'est pas le cas en France actuellement).
- réintégrer dans la masse imposable tous les avantages des sur-salaires (au dessus, par exemple, de 100 fois le SMIC).
- toutes les fois que les dirigeants sont augmentés, les Capitaux Propres des entreprises pourraient avoir à être augmentés.
- la rémunération des dirigeants pourrait être liée à celle de l'ensemble des salariés (car l'inverse revient a dire au salarié que son travail n'apporte rien a l'entreprise, et que seul le dirigeant compte).


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