UNE PASSION
Ronaldi, un capitaine
Qui n’aimait pas les mondaines.
Évitait de rencontrer
Madame Sampret.
Or un soir, chez des amis
Il se trouva assis
A côté de cette femme.
Non seulement la dame
Le regardait sans cesse,
Mais sa main vint effleurer
La sienne avec délicatesse.
Les doigts se sont serrés.
Il espérait bien en rester là.
Mais, à minuit, elle s’écroula
Dans les bras. Il se sentit vénéré
Il se laissa adorer.
Ainsi débuta cette liaison.
Malgré lui, Ronaldi la revit donc
Et fut contraint d’être son amant.
Elle l’aimait d’un amour haletant.
Elle perdait sa réputation sociale,
Et sa situation familiale.
Après six jours, il commençait
A en avoir assez.
Sans se soucier d’être vue,
Comprise et perdue,
Dans ses bras, elle se blottissait
Et mille tendres baisers déversait.
Lui s’ennuyait horriblement.
Il demanda à son ami d’Harman :
-« Que me conseilles-tu ? »
-« Romps, bien entendu ! »
Le capitaine haussa les épaules :
« Que tu es drôle !
Comment rompre avec une maîtresse
Qui vous persécute de tendresse ? »
Deux semaines après seulement
On apprenait que son régiment
Allait changer de garnison.
Son vœu s’exauçait. Finie, la liaison !
Le lendemain Mme Sampret
Arrivait chez Ronaldi exprès,
Excitée, ensorcelée,
«J’ai appris…Tu vas t’en aller.
Je t’apporte, mon chéri,
La preuve de mon amour.
J’abandonne enfants et mari
Et je pars avec toi pour toujours.»
Léger froid dans le dos de Ronaldi !
Puis sa rage grandit.
Et d’un ton déterminé,
Il tâcha de la raisonner.
-«Songes-tu à mon sacrifice ?
Ce n’est pas un caprice. »
Ronaldi ne fut pas impressionné.
-«Mais je ne veux pas t’emmener. »
Suffoquée, elle retourna
Chez elle et s’empoisonna.
Pendant huit jours, on la crut perdue.
Pourtant une femme qui se tue
N’est pour ainsi dire plus adultère.
Elle n’eut aucune visite du militaire.
Etait-il depuis un mois à Metz
Que la sœur de son ex-maitresse
Vint lui annoncer
Qu’avant de trépasser.
Elle voulait le revoir.
Contrarié par cette histoire,
Il prit le train pour Toulouse.
Il posa une lèvre douce
Sur la joue de Mme Sampret
Et balbutia empourpré :
-«Non, tu ne va pas mourir ;
Tu verras, tu vas guérir.
Je t’aime. »
-«Vrai, tu m’aimes ? »
Il regagna sa garnison vite.
La susdite
Le rejoignit toute enamourée
Huit jours après.
Un an se passa en vie sereine
Lorsqu’on remit au capitaine
La carte du mari séparé
De Madame Sampret.
Il n’avait jamais rien dit.
Que voulait-il à Ronaldi ?
-«Je ne viens pas vous déranger,
Mais la situation vient de changer.
J’ai deux filles, monsieur. L’ainée
Aime un jeune homme. Elle en est aimée.
Or la famille de ce garçon
S’oppose à leur union
Tant que la mère de ma fille
Ne reviendra pas à mon domicile,
Chez elle…chez moi.»
Ronaldi fut inondé de joie.
Il gravit l’escalier en bondissant :
« S’il te plait, descends ! »
Ronaldi s’assit un moment.
Et attendit le dénouement.
Mme Sampret restait debout.
Son mari répétait hardiment :
-«Vous causez la perte de nos enfants.»
-« Je ne rentrerai pas chez vous.»
Ranoldi se leva, plaida la cause
Des filles, celle du mari et la sienne…
Mme Sampret, les yeux pleins de haine
Les enveloppa tous deux
D’un regard méprisant, furieux.
Elle jeta : « Misérables, que vous êtes ! »
Et remonta à l’étage, satisfaite.
M. Sampret prit son chapeau, salua :
-« Nous sommes bien malheureux,
Mon cher monsieur. »
Et il s’éloigna.