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La gauche et la « justice sociale »

Publié le 29 juillet 2011 par Copeau @Contrepoints

Par Lucien Oulahbib
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La gauche et la « justice sociale »
La gauche n’a déjà pas le monopole du cœur on le sait: l’égoïsme négatif est en effet la chose au monde la mieux partagée, en particulier en France où l’inégalité entre les sexes et les origines ethniques est criante (combien de députés de la « diversité » au Parti socialiste ? Chez les « Verts » ?…). Les augmentations de salaire n’ont pas attendu la gauche pour exister. Le fordisme (et ce qui a suivi) ne sont pas des théories économiques de gauche (ni de droite d’ailleurs…). Et les ouvriers américains de l’automobile à l’époque de sa gloire avaient des salaires et une mutuelle de santé à faire pâlir le plus endurci des syndicalistes français.

C’est qu’en France l’on confond (toujours) lutte syndicale et lutte politique : il n’est en effet pas rare en France de voir un dirigeant politique se prendre pour un syndicaliste en allant stigmatiser telle ou telle entreprise alors que la mauvaise gestion de celle-ci n’est pas due à toutes les autres entreprises. Remarquons que c’est plutôt dans les entreprises ayant une mauvaise organisation, un marché à risque ou obsolète, des dirigeants corrompus, que les problèmes d’extorsion se posent ; dans ce cas l’entreprise coule à terme sans que cela n’entame la force du marché libre qui n’a jamais été un poulailler où loups et renards peuvent faire ce qu’ils veulent puisque même les poules sont protégées par les lois de l’État de droit.

Il est vrai qu’en France la théorie marxiste de la plus value est toujours au fondement de la pensée économique de gauche, de Poutou à Hollande, c’est-à-dire qu’il est toujours considéré que la production du bénéfice est uniquement basée sur l’extorsion des salariés, au sens où ils ne seraient pas payés en fonction de la valeur – marchande – de leur travail, mais uniquement à partir de critères iniques, ceux de la « domination ». Supprimez celle-ci et vous aurez un accroissement et de la richesse et de sa redistribution. Cette suppression s’est ainsi effectuée dans les pays du socialisme réel (dont la Chine), de l’économie auto-centrée (Brésil, Inde, Égypte, Algérie…), de la social démocratie scandinave (Suède…), et enfin du socialisme mitterrandien, le tout avec le succès que l’on sait. L’économie administrée a créé plus de bureaucratie, plus d’inégalités, une misère bien plus grande également, malgré les fenêtres de propagande fabriquées à la hâte tels les fameux taux d’alphabétisation, de production industrielle, de mortalité et de natalité, taux qui ne disent déjà pas en eux-mêmes qu’ils sont dû à la planification puisque, si ces pays avaient normalement continué leur évolution démocratique, il n’est pas sûr qu’ils n’auraient pas atteint ces taux. En tout cas, ils s’en seraient servis plus efficacement puisqu’il ne sert à rien de produire des tonnes de fer si l’on n’a pas d’industrie légère (les PMI-PME) pour les transformer en produits à la fois attrayants et bon marché.

Aron, encore lui, expliquait que la Russie d’avant 17 était en train de rattraper son retard industriel, et que la durée horaire n’avait cessé de chuter depuis la fin du 19ème siècle passant de 15 à 8 heures dans les années 20 sans que les partis de gauche en soient la cause… Il est vrai que les congés payés sont apparus comme une conquête, mais au détriment du reste : valait-il mieux comme les ouvriers américains des Trente Glorieuses (qui ont eu le week-end bien avant les ouvriers français) gagner trois à quatre fois plus et aller moins en vacances que le contraire ?…

En fait la suppression de la « domination capitaliste » a fabriqué une « domination » bien plus hypocrite. En effet, hormis les pays à tradition démocratique qui ont pu résister (et encore si mal, on le voit bien encore en France), les nouvelles élites au pouvoir dans tous ces pays « libérés du joug du capital » ont été pis que celles qu’elles avaient remplacées, plus brutales aussi, puisque l’absolutisme (« la dictature du prolétariat » en attendant la dictature de l’État total des fascistes et des nazis) permettait de supprimer jusqu’au syndicalisme si prisé par Marx pourtant. On le voit encore en Chine, en Russie, et sa répression dans tous les pays d’Afrique du Nord, du Proche et Moyen Orient, répression passée sous silence (surtout lorsqu’elle est justifiée par l’islam)…

La théorie marxiste est encore en vigueur en France puisque la notion actuelle de domination en fait en réalité partie, ou la fameuse domination de classe comme rapport social surdéterminant les rapports de production. En fait pour cette théorie, une personne faisant le ménage devrait être payée sinon autant qu’un ouvrier qualifié ou un ingénieur, du moins bien plus qu’actuellement, deux à trois plus, alors qu’il vaudrait mieux l’inciter à se former à autre chose de plus gratifiant. Mais, là aussi, la gauche a besoin d’un clientélisme qui s’appuie sur les écarts de salaires, par exemple avec les dirigeants du Cac 40, alors qu’il n’est pas vrai que cela se joue à 200 fois le Smic dans toutes les entreprises. Si l’on entre dans les détails, cela voudrait dire que le salaire du personnel de ménage qui revient, charges sociales comprises, à une fois et demi le smic sinon plus, soit 1800 euros, rapporterait en réalité bien plus alors qu’elle ne produit rien, même si elle maintient en état. De plus, on ne sait pas combien elle apporte en plus de ce qu’elle coûte en tout. Raymond Aron avait déjà remarqué que personne à gauche n’avait su calculer le quantum exact de « plus-value » pour chaque unité produite (alors que la théorie marginale sait calculer le point d’équilibre et la baisse de rentabilité). Où sont les calculs de la « plus value » en effet sinon dans le seul fait de montrer du doigt les écarts de salaires, les dividendes et les stocks options alors que ceux-ci se justifient souvent par la valeur de la compétence, le droit de propriété, et la prise de risque.

En réalité, faire le ménage est une charge, négative pour l’entreprise, compensée par la vente bénéficiaire de marchandises produites par des salariés non pas extorqués mais payés au prix du marché, c’est-à-dire en fonction, répétons-le, de ce que vaut réellement leur compétence. Or, c’est celle-ci du fait de sa rareté et de sa diversité, ajoutée aux coûts matériels de production, aux allocations diverses (investissements, dividendes), qui constituent le prix de revient ; et celui-ci ne se réalise qu’à la vente et non pas avant celle-ci comme le croit encore la pensée de gauche.

Au fond l’hypocrisie de la gauche se mesure à trois faux semblants : elle fait croire que la justice sociale se résume à l’âge de la retraite, aux congés payés, et à la hausse sans fin des bas salaires. Sauf qu’il ne s’agit pas de justice mais de démagogie car la vraie justice sociale, c’est autre chose.

– 1°) La vraie justice sociale, c’est le droit de travailler comme l’on veut le temps que l’on veut et jusqu’à l’âge que l’on veut. Et il est évident que si l’on fait un travail pénible on pourrait, grâce à la capitalisation, se retirer bien plus tôt (des travaux sont à disposition qui montrent qu’une capitalisation même modique peut être attrayante). Aussi l’idée de refiscaliser les heures supplémentaires pour payer mieux et plus le spectacle vivant comme le clame Aubry, c’est aller à l’encontre du monde ouvrier, mais cela correspond aux thèses de Terra Nova qui veut changer de base sociale en laissant les ouvriers aux souverainistes. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas de règles et surtout la possibilité, comme dans les entreprises américaines, d’évoluer via la formation permanente au bout de six mois de présence dans l’entreprise. Remplir des emplois sans qualification devrait être temporaire et laissés plutôt aux gens dans le besoin ou fragiles psychiquement.

– 2°) La vraie justice sociale, c’est le droit de demander tout son salaire, le salaire complet, c’est-à-dire avec la part que le patron verse pour la protection sociale afin que l’on puisse soi-même choisir l’assurance et la mutuelle, quitte à se regrouper par entreprise, à diminuer aussi la part patronale en échange d’une participation accrue aux dividendes…

– 3°) La vraie justice sociale, c’est l’impôt solidaire de la justice distributive et non pas l’impôt progressif de la justice « sociale » si vague (si étatiste en réalité), injuste et idéologique, puisque si les plus hauts revenus sont en effet à même de plus contribuer afin de consolider et affiner l’État de droit, ils ne peuvent l’être que de l’ordre de 25 à 30% sans être spoliés, eux vraiment, le reste de la solidarité étant basé sur le volontariat via des fondations. La solidarité partage, soulage, encourage mais n’assiste pas : car il vaut mieux apprendre à pêcher qu’attendre la distribution du poisson. Ce qui implique que même l’État de droit se doit d’être irréprochable avec des contre-pouvoirs et des services publics pouvant être associés ou délégués au privé puisque le fondement du bien commun c’est le mieux être du public et non pas le fait de s’y substituer en son nom, ce qui est un détournement de fonction, une captation inique de l’essence démocratique qu’est le représentatif.

On le voit, la fameuse justice sociale a été accaparée par la gauche pour en faire une machine injuste et inefficace économiquement, à la base de son étatisme fondamental en réalité, qui pousse les mauvaises entreprises à la faute en tentant par exemple de pallier leur cash flow en péril par la spéculation. C’est aussi à cause d’une protection sociale et d’une organisation fiscale mal ficelées, clientélistes (avec certaines niches fiscales), que certains détenteurs de capitaux sont incités à spéculer et non à investir. Or, plutôt que de s’en prendre « aux banques », il conviendrait de comprendre comment le mode de production étatique a incité la mauvaise spéculation au détriment de l’investissement, de la dette utile.

Il est dommage que, à droite et au centre, on ait récupéré un langage inégalitaire et injuste au possible, sous les apparences de « justice sociale », alors qu’il s’agit d’un simulacre de justice qui renforce plutôt les étatistes de tous bords, cette nouvelle classe parasitaire qui s’appuie toujours sur des parts de vérité de l’humanité débridée dont elle s’acharne à en faire des stigmates et des reliques. Mais il est vrai que la droite et la gauche forment les angles d’un triangle qui se rapprochent en fait bien souvent du fait de leur étatisme commun alors que les libéraux forment le troisième angle qui tente de contrecarrer la poussée des deux premiers comme le disait Hayek, ce troisième angle étant le véritable socle de l’affinement démocratique toujours à (re)construire. Et en France tout est à refaire puisque l’étatisme est dominant au moment même de sa crise finale. L’étatisme a poussé l’hypocrisie jusqu’à faire croire qu’il a été le pompier de la crise financière de 2008 alors qu’il en fut le pyromane bien en amont, les subprimes étant par exemple une création d’État.

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