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L'histoire de l'hôpital

Par Carrosalva

L'hôpital au Moyen Age

 

Chez les Chrétiens, l'hôpital fut d'abord un lieu d'accueil des voyageurs, des pèlerins et, surtout, des miséreux et ce n'est que par voie de conséquence, et très lentement, qu'il devint un établissement de soins. 

 

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A l'origine, l'hôpital est sans rapport direct avec la santé, mais en relation directe avec la charité chrétienne. Le principe étant que tout établissement ou toute fonction ecclésiastique devait consacrer le quart de ses revenus aux pauvres. Avant l'urbanisation du XIIe siècle, les monastères inscrivaient leurs pauvres sur un registre une (matricule) et les pauvres "immatriculés" venaient recevoir régulièrement leurs secours.

Deux facteurs expliquent l'apparition de l'hôpital : les voyages et les villes.

Les voyages

A la fin du XIe siècle, l'Occident bouge, du fait du commerce, des Croisades et des pèlerinages. Ce fut la grande période d'ordres religieux (en fait connus depuis le VIIIe siècle) constructeurs d'établissements accueillant les voyageurs, et aussi guerriers et affairistes. Ce furent les ordres hospitaliers, à savoir les Hospitaliers de Jérusalem (qui détenaient l'impressionnante forteresse du Crack des chevaliers, en Syrie), et aussi ces très célèbres institutions que furent l'Ordre du Temple et les Chevaliers Teutoniques, ordres dont l'ambiguïté s'illustre dans le fait qu'ils furent à la fois à l'origine des congrégations hospitalières soignantes et des armées permanentes. On comprend ainsi que l'extermination de l'Ordre du Temple par Philippe le Bel (l'un des plus grands rois de France, entre autres pour avoir établi l'indépendance du pouvoir laïc contre le totalitarisme de Rome) ne fut pas un caprice de despote.

C'est dans ces circonstances qu'apparurent sur les grandes routes des établissements appelés hôpitaux ou hospices (malgré la volonté tardive de réserver le premier titre aux établissements de soins, les deux termes restèrent en pratique des synonymes), et dont la vocation première était l'hébergement et la restauration des voyageurs qui, en temps ordinaire, n'étaient pas dans le besoin. L'actuel hospice du Grand Saint Bernard est l'héritier de cette antique optique hospitalière.

Un homme affamé et sans toit devient vite malade. C'est donc très naturellement que les ordres hospitaliers devinrent des ordres soignants et, en tenant compte de la traditionnelle vocation thérapeutique de la femme, féminins. Les premiers ordres hospitaliers perdirent leur contact avec l'hospitalité, les nouveaux, essentiellement d'accueil, furent (à l'exception de l'ordre de Saint Jean de Dieu) féminins et soignants.

Les villes

L'urbanisation concentra nécessairement les pauvres dans les villes. C'est ainsi que la majorité des hôpitaux cessèrent d'être principalement des lieux d'hospitalité (avec cette séquelle jusqu'au XIXe siècle de l'existence de chambres pour voyageurs) pour devenir des lieux d'accueil de la misère et de soutien aux faibles (orphelins, femmes et enfants abandonnés, vieillards). De plus en plus, le traitement de la maladie fut lié au soulagement de la pauvreté, d'abord parce qu'on ne meurt pas de faim mais par une maladie causée par la faim, ensuite parce que seuls les malades pauvres se faisaient admettre par les hôpitaux. La charité chrétienne étant l'élément dominant, l'admission se faisait par la chapelle, avec la confession et d'autres cérémonies et sacrement. Ensuite, les soins du corps relevaient de la qualification obtenue au sein des ordres religieux et aussi à la collaboration de quelques chirurgiens : jusqu'au XVIIIe siècle, la médecine, censée résider dans la faculté de médecine, resta étrangère au monde hospitalier.

Le problème essentiel était celui de la subsistance matérielle. La charité ecclésiastique était renforcée par la charité des fidèles. De nombreux dons et legs enrichirent les hôpitaux. Ceux-ci, en tant qu'établissements ecclésiastiques, disposaient ainsi de biens considérables formant ce qu'on appelait un bénéfice, ce qui ne signifiait pas des revenus mais un capital (du latin beneficium : le cadeau ou bienfait). Un prince pouvait même s'offrir le luxe de fonder un hôpital ; c'est ce que fit Saint Louis en créant l'Hôpital des 15-20 pour les aveugles (hôpital des 15 fois 20 lits : donc de 300 places). On voit ainsi se définir le lit (meuble + entretien du résident, malade ou non) comme unité de compte de la gestion hospitalière. C'est ainsi que débuta la fondation de lit, composée d'un achat de mobilier et d'une rente pour entretenir celui qui occupe le lit, technique qui fut utilisée tant par la charité privée que pour l'ébauche d'un système d'assurances sociales (fondations de lits par les corporations pour les malades de la profession). Malheureusement, les effets pervers de l'ensemble du système bénéficial affectèrent aussi les hôpitaux : les titulaires des bénéfices accaparèrent souvent les revenus et laissèrent les établissements dans le dénuement.

Signalons le cas particulier des léproseries. Bien qu'ayant été créées pour héberger les individus porteurs d'une pathologie particulière, les léproseries (dites aussi maladreries ou maladrières, termes étant à l'origine de nombreux toponymes d'aujourd'hui) ne furent pas des établissements de soins, mais des lieux de réclusion des malades. D'ailleurs, l'entrée en léproserie était considérée comme une espèce de mort. En de nombreux lieux, elle s'accompagnait d'une cérémonie funéraire et d'une ouverture de la succession. La lèpre, qui survivra ensuite comme une curiosité médicale en Occident, cessa d'être digne de figurer dans les statistiques de la morbidité européenne après le XVe siècle. Tout indique que la population des lépreux fut exterminée en Europe parla Peste noire du XIVe siècle, laquelle, détruisant entre la moitié et les deux tiers de la population européenne, fut particulièrement exterminatrice dans les léproseries.

 

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L'hôpital, du XVIe siècle à la Révolution

Au sortir du Moyen Age, la situation n'était guère brillante. Les circonstances économiques, militaires et aussi les erreurs et abus administratifs avaient ruiné les hôpitaux ; il arrivait réellement qu'on y meure de faim. En outre le recrutement du personnel hospitalier s'était considérablement dégradé, tant sous l'angle des compétences que sous celui de la moralité.

On comprend alors pourquoi les autorités laïques de divers pays, et particulièrement en France de l'administration royale, durent intervenir. Le Grand aumônier du roi qui, jusqu'au XVIe siècle, administrait les hôpitaux créés par le prince, obtint un droit de regard - nous dirions aujourd'hui une tutelle administrative - sur l'ensemble des hôpitaux du royaume. Un autre pas vers une gestion hospitalière relevant de l'administration publique fut le fait que, à partir de 1543, la gestion épiscopale fut remplacée par celle d'officiers royaux.

L'emprise étatique explique d'abord que les hôpitaux aient été systématiquement utilisés, notamment avec la création, au XVIIe siècle par Louis XIV, des hôpitaux généraux (à Paris La Salpêtrière pour les femmes et Bicêtre pour les hommes), aient été utilisés, disions-nous, comme des lieux d'enfermement des asociaux. Il semblerait que le même Louis XIV, en créant l'hôpital Sainte Anne et l'hôpital Saint Louis, destinés aux pestiférés, ait parallèlement inauguré une politique hospitalière orientée vers la distribution de soins. En fait, il s'agissait surtout, comme pour les anciennes léproseries et les nouveaux asiles de fous, de lieux de réclusion de certaines catégories de malades : les pestiférés qui survivaient après avoir refusé d'être hospitalisés faisaient l'objet de poursuites pénales.

A la veille de la Révolution, l'image première qu'évoquait l'hôpital n'était certainement pas celle d'un centre de soins. Sur 105 000 hospitalisés, on ne comptait en France que 25 000 malades ; on devrait d'ailleurs dire des pauvres qui étaient en outre malades; On y comptait en outre 40 000 enfants trouvés et autant de vieillards sans ressources.

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Notons que l'importance de la richesse de certains particuliers pouvait encore permettre à des individus, au XVIIIe siècle, de fonder un hôpital : Necker (célèbre financier et homme politique), Beaujon (fermier général), Cochin (riche curé).
Le sujet incite d'abord à s'interroger sur la folie. Si la maladie mentale se présente comme une évidence face à certains délires ou/et comportements dangereux, force est de constater que, culturellement, et parfois politiquement, la notion de folie est loin de faire l'unanimité. Pour le gestionnaire, le prodigue est fou alors que pour telle religion c'est un saint, ainsi que d'autres mystiques exaltés. Au Moyen Age, un impie ou un athée était considéré comme fou. Du XVIe au XVIIIe siècle un fou était celui qui sortait de la normalité bourgeoise : trop féodal (Don Quichotte), trop mystique, trop intellectuel (assimilation du génie au fou). En outre cette assimilation pouvait inciter à feindre la folie pour faire croire à son génie (bohème littéraire ou artistique). Quant à la folie politique, la psychiatrie soviétique est allée jusqu'au bout de sa logique en décrivant, dans les manuels des futurs psychiatres, la dissidence politique comme une forme particulière de paranoïa. On comprend dès lors l'importance de la question psychiatrique, bien au-delà de l'histoire administrative. On ne s'étonnera donc pas que l'histoire des institutions psychiatriques trouve dans la Révolution un moment suffisamment fort pour faire le partage du temps, en distinguant le lieu d'asile de la procédure d'internement.

Les asiles d'aliénés

L'asile

Nous savons que les hôpitaux généraux servirent, entre autres, de lieux de renfermement des fous. Mais rien n'était plus étranger à l'idée d'asile (accueil pour protéger l'individu) ; il s'agissait en fait de mettre à l'écart pour protéger la société.

L'idée de protéger le fou dans un asile vint en 1409 à un religieux espagnol, Juan Gilaberto Jofré lorsque, selon le récit traditionnel, il vit au cours d'un sermon des enfants persécuter un fou. Il fonda alors l'ordre de Saint Jean de Dieu, la seule congrégation soignante masculine, ordre utilisé aujourd'hui à d'autres tâches hospitalières, mais qui fut longtemps l'institution qui parsema l'Europe d'établissements accueillant les fous. En France, leur fondation la plus notable fut l'hôpital de Charenton, au XVIIe siècle (moment important dans l'histoire de l'hospitalisation des gens riches : ceux-ci devaient y payer une pension entre 600 et 4000 livres).

Malgré la générosité de l'intention, le fonctionnement était loin d'être parfait. Ne voyait-on pas des familles parisiennes "aller voir les fous" le dimanche et soudoyer le gardien pour qu'il les agite un peu grâce à quelques coups de fouet?

L'internement

Celui-ci pouvait être judiciaire, si la folie était constatée à l'audience.

Il pouvait être aussi administratif, souvent à l'initiative de la famille et du voisinage (lorsqu'il ne s'agissait pas d'un placement d'urgence). Par l'intermédiaire de l'intendant ou, à Paris, du lieutenant général de police, on demandait du Roi une lettre de cachet (procédure dont était en fait chargé le Secrétaire d'Etat à la maison du roi). La lettre de cachet (mesure individuelle non soumise, comme la lettre patente, à l'enregistrement des parlements) permettait trop souvent à des familles de régler des comptes parmi les moins avouables. Elles symbolisent beaucoup plus l'arbitraire des familles que celui du roi.

Source : Vous trouverez l'article ici: ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/01/58/35/l--hopital-au-moyen-age.doc

 


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