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Yaoundé: Sur les hauteurs du Palais des Congrès

Publié le 02 août 2011 par 237online @237online


A 820 m de la surface plane, le site est délabré depuis quelques années. En juin dernier, la Communauté urbaine a entrepris des travaux de réhabilitation de l'espace.
Sur les hauteurs de la ville de Yaoundé, au quartier Tsinga, se dresse le Palais des Congrès. Un édifice construit par la Chine et inauguré le 12 mai 1982, sept ans après la pose de la première pierre.
Ce Palais des Congrès est l'une des œuvres de la coopération sino-camerounaise, qui date de 1971. L'ouvrage n'a pas seulement été conçu pour abriter les événements d'envergure, mais aussi pour être un lieu de detente. Autour du bâtiment qui abrite notamment les bureaux du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) ou encore de la Commission nationale anti-corruption (Conac), s'étend sur plus de 23 ha, un espace vert, plus vert à cause de hautes herbes que grâce à ses beaux jardins.

D'un œil attentif, Antoine Onguene regarde circuler les engins de l'entreprise chargée de l'aménagement du site de la foire Promote qui aura lieu à la fin de cette année. Le 22 juin dernier, la Communauté urbaine de Yaoundé a signé une convention de prêt avec une banque de la place. D'un montant de 2,5 milliards de F cfa, ce prêt est destiné aux travaux de réhabilitation du Palais des Congrès de Yaoundé. « L'opération s'inscrit dans le cadre de l'embellissement de la ville de Yaoundé. Le beau et le bien doivent être présents pour l'événement de décembre prochain. Les Yaoundéens trouveront leur ville plus belle et plus utile au plan économique», avait déclaré Gilbert Tsimi Evouna, délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé.

Antoine Onguene veut bien croire à ce discours. Le chantier est une note d'espoir pour le quinquagénaire, l'espoir de voir revivre le Palais des Congrès de Yaoundé. Aujourd'hui, le Palais des congrès n'est plus que l'ombre de lui-même. Illustrations : les jets d'eau ont tari, ils ont été transformés en dépotoir, on y déverse toute sorte d'ordures ; la mauvaise herbe a envahi les jardins fleuris et tondus d'antan, les poteaux d'éclairage public ont été vandalisés, plongeant les lieux dans les ténèbres, une fois la nuit tombée. Le Palais des Congrès a perdu de sa superbe.

En voyant ce qu'est devenu cet espace jadis convivial, Antoine Onguene pousse volontiers la porte de ses souvenirs, pour parler de la belle époque : on se situe-là, dans les années 1980. «Le Palais des congrès était le lieu de détente par excellence. On venait en semaine pour étudier et, pendant le week-end pour des balades en famille. Il y avait une certaine affluence parce qu'il était agréable», se remémore Antoine Onguene, lui qui vit dans les environs du Palais des Congrès depuis 1972. Il regrette le manque d'entretien ayant conduit à l'état dans lequel se trouvent les alentours de l'édifice en ce moment. Un lieu où il est de moins en moins commode de draguer. A ses jeunes années, reconnaît-t-il, Antoine et ses copains venaient aussi conter fleurette aux filles ici, leur dire les mots de tous les jours et leur faire voir la vie en rose, comme dit la chanson. Oui parce que, les samedi et dimanche, de jeunes gens venaient y faire des rencontres ou alors passer du temps en amoureux. Le coin se prêtait à la romance.

L'amour est aveugle
Mais au fait, pourquoi conjuguer ce temps-là au passé ? Bertrand et Pangrasse sont bien là ce samedi 30 juillet 2011, 13h23m. Ils sont « plus » qu'amoureux...Heureux, heureux. C'est ici qu'ils viennent lorsqu'ils veulent être seuls, au moins une fois par semaine. « Ça nous fait du bien d'être ici. On peut discuter sans être dérangés », déclare Bertrand, en adressant un tendre regard à sa dulcinée. Tout ce qui manque au décor pour faire du Palais des congrès un jardin d'amour, ce sont quelques fleurs et ces doux airs musicaux qui caractérisent les séries sud-américaines. On pourrait se contenter du simple gazouillis d'oiseaux, mais non. Les moteurs des engins de terrassement du site Promote 2011 entonnent leur « hymne à l'amour » : Vrom, Vrom...Passons. En plus, ajoute Pangrasse, « le milieu n'est pas propre, mais on fait avec ». Juste le temps de s'accommoder, et l'amour fait le reste.

Bertrand et Pangrasse ne sont pas seuls. Un autre couple converse. Contrairement à eux, ils ne s'enlacent pas. Ils ont l'air d'aborder une « discussion sérieuse ». Le monsieur parle en faisant de grands gestes, tandis que son interlocutrice l'écoute religieusement. Au risque de déranger, nous les approchons. Bonjour.... et toutes les politesses qui vont avec. Ils acceptent de répondre. Issa et Aïssatou sont là depuis une heure. Pour échapper au vacarme des vacanciers de la maison, monsieur et madame ont décidé de se retirer dans les hauteurs du Palais des Congrès pour discuter des problèmes conjugaux et familiaux, dans le calme. Là, ça devient privé, n'entrons pas dans les détails...Le regard d'Aïssatou en dit long : « Laisse-nous tranquille ». C'est compris !

Hop ! C'est parti pour dix minutes de marche. Gravir la colline qui mène au sommet n'est pas une partie de plaisir. Sur le trajet, des voitures sont garées au bord de l'axe qui mène au « paradis ». Les chauffeurs de taxi, pour la plupart, viennent profiter de l'ombre des Acacias pour se reposer, loin des klaxons assourdissants de leurs collègues.

Au bout de cinq minutes de marche, une mélodie s'entend au loin. Une musique religieuse. Les membres de la chorale « Soa Pres Singers » sont en train de répéter les chorégraphies du clip qu'ils vont tourner dans quelques heures. C'est son président, Sube Philips, qui a choisi le lieu de répétition. Il explique son choix : « Il n'y avait pas de salle disponible pour l'entraînement, alors j'ai suggéré qu'on vienne ici. J'ai grandi dans le coin, donc, je connais le bien que ça peut faire de venir ici. En plus, l'environnement est en communion avec notre musique».

Encore quelques mètres à pied avant d'atteindre le sommet. En chemin, nous rencontrons Doriane, une jument. Accompagnée d'Ibrahim, elle broute de l'herbe. L'animal attire l'attention d'un autre couple qui passe. Monsieur et madame veulent profiter de la vue : Yaoundé qui s'étale à leurs pieds. Idéal pour lui crier « Je t'aaiiime ! ». Le jeune homme ne s'est pas gêné. Mais bon ! A peine a-t-on profité du spectacle, qu'un autre se déroule au niveau de l'esplanade du Palais des Congrès. De jeunes cavaliers nous offrent une fantasia. Leur présence n'est pas un fait du hasard. Aujourd'hui, se tient la cérémonie officielle de lancement de la campagne nationale de vaccination des cheptels contre les grandes épizooties. Et pendant que les « ngomnas » sont en réunion, les éleveurs s'occupent de leurs animaux, qui ne se font pas prier pour laisser un petit ou plutôt un « gros souvenir » sur la cour.

Du cheval, on passe aux roulettes. Joachim fait du patinage sur l'esplanade du Palais des Congrès. C'est son passe-temps pour ces vacances. Tous les samedis, il vient se distraire. A la « Briqueterie », le quartier où il vit, il n'y a pas d'aménagement pour le sport qu'il pratique. Alors, va pour le Palais des Congrès.

Insécurité
Le Palais des Congrès à usage multiple est aussi le lieu pour certains de se faire de l'argent. Je ne vous parle pas des petits vendeurs de friandises, d'arachides ou de cola, mais de bandits qui en ont fait leur nid. Derrière Issa et son épouse, deux jeunes gens sont couchés sur un banc public. Ils transforment leurs paires de chaussures en oreillers et le tour est joué. Et, malgré le vacarme orchestré par les engins du chantier, ces deux jeunes gens restent imperturbables. Antoine Onguene croit savoir que ce sont des bandits. « Ces enfants consomment de la drogue. Une fois la nuit tombée, ils agressent ceux qui s'aventurent dans le site. Nous qui sommes du voisinage entendons, au moins une fois par semaine, des cris de détresse», affirme Antoine. Au même moment, une patrouille de la police passe. Les deux policiers dans le car jettent un coup d'œil pour s'assurer que tout va bien et continuent leur ronde. « Malheureusement, ils ne sont pas toujours là pour nous protéger dans la nuit », commente Antoine. Parfois, même en journée, il est imprudent de s'aventurer sur les sentiers du Palais des Congrès.

André Pieple, lui, n'a cure de tout ce qui se dit à propos du banditisme dans le coin. Assis dans ce qui reste d'un bassin de piscine, il est plongé dans la lecture. Il a une bible en main. Après un moment, il se met à méditer. Les yeux fermés, il reste figé quelques minutes. Il vient ici rarement, nous dit-t-il ; pourtant, il en repart toujours requinqué. « Ce matin, au réveil, je me suis senti poussé par l'appel du Tout-Puissant. J'ai eu une semaine extrêmement difficile. Donc, je suis venu pour communiquer avec Dieu, dans le calme et la tranquillité », affirme André Pieple. Sans se soucier de la mauvaise herbe qui s'étend à ses pieds et tout autour de lui, le jeune homme profite du bon air. Et, même si une odeur de moisi s'en mêle quelquefois, André Pieple en fait fi. Pour lui, quoi que l'on dise, le Palais des Congrès reste un lieu plaisant, en attendant qu'il retrouve ses allures d'autrefois.



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