Dix-sept années ont passé entre la première lecture, éblouissante, étourdissante et la deuxième, quelque peu pénible tant le style est vieillot et ne résiste pas à la maturité d’une adulte. Néanmoins, restent les personnages exceptionnels dans leur caractère, les paysages traversés, solitaires et sombres qui sont si caractéristiques du roman gothique. Les éléments se déchaînent ou sont en harmonie avec le personnage. Ainsi en est-il d’Immalee, ange sublime qui vit et se nourrit avec ce que lui offre l’île paradisiaque où elle a échoué, enfant. On ne peut rester insensible à la construction complexe du roman qui emboîte les histoires mettant en scène l’errance de Melmoth le Maudit. C’est le principe de la mise en abîme qui ne facilite guère la lecture mais qui, en même temps, nous dépayse. Le personnage principal est fascinant qui erre à la recherche d’une âme qui se livrera. On est encore touchée par sa passion pour Isidora (Immalee revenue en Europe) parce qu’il conserve encore en lui sa part d’humanité. Beaucoup de choses nous touchent encore dix-sept années après la première lecture qui fut fiévreuse et romanesque. Mais le style est trop ampoulé, exagéré et certaines scènes sont si manifestement extrêmes qu’elles agacent plus qu’autre chose. Ce qui fait quand même la force de ce roman, c’est que Maturin pousse la logique jusqu’au bout. Il n’y a pas de rédemption possible pour le Maudit même lorsqu’il s’éprend de la si pure et si innocente « Indienne ». Même elle ne peut le sauver des flammes éternelles. Partout, il sème désolation et pourrissement, flétrissement de la beauté. Et pourtant, il entrevoit le bonheur qu’il aurait pu goûter auprès de sa compagne. Mais tel Faust, il a signé un pacte avec le Diable et le fleuve rougeoyant ne peut être que son tombeau final.
Très belle histoire mais à ne pas lire tous les jours : on risque la lassitude.