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Italie méridionale : Une femme rabbin redonne un droit de cité au judaïsme

Par Podcastjournal @Podcast_Journal

Ce samedi 4 juin 2011, le petit temple de rite vaudois de Palerme s’apprête à accueillir une bien étrange cérémonie au regard du socio-religieux du lieu : la Sicile avec la célébration d’une Bar Mitzvah (communion juive), dont la dernière s’est effacée des esprits depuis bien longtemps, et devait se dérouler dans l’un des nombreuses synagogues de la ville un jour de 1542, date à laquelle l’édit d’expulsion décrété par les Rois catholiques en 1492 prenait effet dans les provinces de l'Italie du sud, mettant le judaïsme hors-la-loi dans tous les États du Royaume d’Espagne ; cet édit ne laissant aux Juifs que deux alternatives : partir ou se convertir.
Et cette célébration inespérée est le fruit d’un long travail de mémoire entrepris par quelques âmes qui se sont extirpées du fleuve Léthé, ce fleuve de l’oubli qui s’est insinué dans les esprits au point d’éradiquer jusqu’au souvenir de la loi mosaïque,… oublier, un acte aussi volontaire que délibéré, par crainte de la plus redoutable des menaces qui pesait sur les nouveaux chrétiens ou marranes: l’Inquisition.
Une renaissance venue des États-Unis
"Rien de nouveau sous le soleil , n’est pas un slogan publicitaire destiné a des touristes en mal de soleil, mais une phrase extraite de l’Ecclésiaste, qui a dû peser bien lourd à certains moments de l’histoire des Juifs du royaume de Naples en signifiant qu’il n’y a pas de changement à espérer !" Pourtant à bien y regarder cette phrase porte en elle l’espoir, la promesse d’une renaissance et surtout l’idée que rien ne pourra jamais s’effacer de la surface de la Terre.
Et ce souffle nouveau est venu des États-Unis avec une femme rabbin, Barbara Aiello, américano-calabraise, dont la famille a émigré aux États-Unis dans les années 20, bien décidée à faire revivre ce judaïsme calabrais qui depuis des siècles existe bel à l’état latent et qui ne demandait qu’à renaître sous le soleil du sud de l’Italie.
Recréer la conscience de soi
Barbara Aiello, l’affirme : "comme toutes ces personnes, j’ai moi aussi été une marrane", et loin de ses racines italiennes elle va pourtant remonter le courant de sa propre histoire : "mon nom : Aiello, signifie en hébreu 'vers Dieu'. Lors du premier exil, ma famille a été déportée à Babylone, puis la elle est partie au Portugal, Gibraltar, l’Espagne, la Sardaigne, la Sicile et pour finir la Calabre. Une longue fuite en avant au gré des persécutions".
Et puis, il y a la pratique religieuse de son aïeule : "ma grand-mère allumait les lumières de Shabbat dans la cave pour éviter d’attirer l’attention sur nous, mon père lui disait : 'mais ici aux États-Unis tu ne risques rien, c’est le pays de la liberté'. Cette prise de conscience va l’amener à embrasser la profession de rabbin et de retourner sur la terre de ses ancêtres, là où elle a conscience d’être la plus utile."
Bien vite, elle découvre que ces Juifs calabrais, dont les historiens ont évalué le nombre en 1542 à 50.000 âmes, représentent 40% de la population de l’Italie méridionale, pratiquaient leur foi en toute tranquillité, rien à voir avec les ghettos du Nord de l’Italie car ici le moindre village possédait sa "giudecca" ou juiverie, quartier où les juifs résidaient en toute quiétude.
Dans ces provinces du sud de l’Italie, a majorité catholique, il y a encore quelques années revendiquer ses racines juives était tout simplement impensable, nombreux sont ceux qui désormais ne craignent plus de déclarer leur appartenance : "les autorités ecclésiastiques ont été très compréhensives, un prêtre d’un village, a même ouvert les portes de son église en disant à ses paroissiens : allez en face, là est votre place" comme le souligne le rabbin Aiello.
Elle part à la rencontre des habitants des villages et contre toute attente son discours est pris au sérieux, nombreux sont ceux qui s’interrogent déjà de longue date sur leurs origines, et sur les coutumes familiales.
Une renaissance bien amorcée
D’ailleurs, à peine débarquée, elle est interpelée par les coutumes locales : "J’ai vu" explique le rabbin "des personnes couper les cheveux à leur fils à l’âge de trois, car dans la religion juive, l’enfant est considéré comme garçonnet et apte à l’étude de la Thora, sauf que le rite s’arrêtait à la coupe des cheveux. Quand je demandais le pourquoi une telle chose, il m’était répondu que c’était la tradition." Barbara fait un travail pédagogique et inlassablement explique aux Calabrais, la signification de leurs coutumes, et petit à petit le fil de la mémoire se reforme.
En 2007 elle crée la synagogue Ner Tamid (la lumière éternelle) à Serrastretta (province de Catanzaro), sur le site même de l’ancienne synagogue. Les frères Enrico et Mario Mascaro revenus au Judaïsme, restaurent le vieil édifice, un lieu de culte où l’hébreu côtoie l’italien et où sont célébrées toutes les fêtes.
Elle créé dans la foulée le Italian Jewish Cultural Center of Calabria destiné à dispenser un enseignement de l’hébreu, avec aussi une section généalogie qui permet, à tous ceux qui le souhaitent de retrouver leurs origines hébraïques. Et les demandes affluent du monde entier, car la diaspora calabraise est l’une des plus importante au monde.
Et puis, il y a un parcours pour elle qui a une valeur quasi emblématique, celui en Sicile de Salvo Parrucca qui après une longue et minutieuse recherche redécouvre son ascendance maternelle juive, mais aussi paternelle. Dès lors pour lui les choses ne seront jamais plus pareilles, il se converti au judaïsme, troque son prénom de Salvatore pour celui d’Asher et à 34 ans décide de passer sa Bar Mitzvah !
Et ce parcours, il le doit en partie à Barbara et à son équipe, c’est elle qui officiera le jour de sa Bar Mitzvah, une victoire sur l’histoire mais aussi une promesse sacrée, elle, dont le père qui avait libéré le camp de Buchenwald avec l’armée américaine, lui avait fait promettre de faire quelque chose pour "les Juifs", c’est le plus beau cadeau qu’elle pouvait lui faire, mais aussi à des centaines et centaines de personnes qui grâce à elle retrouvent la mémoire.
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Lea Raso


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