Il vit à Paris, depuis vingt ans, et depuis, son cinéma ne cesse de rappeler le sort du peuple kurde opprimé par la domination turque. Pour poser son regard militant, Hiner Saleem n’en fait pas des tonnes ; une scène magnifique, dans une échoppe parisienne, suffit par exemple à nous resituer les données historiques et politiques du problème.Malgré la gravité du propos, la séquence est assez drôle, légèreté de ton qui traverse de bout en bout cette histoire d’un exil inattendu.
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Quand Siba débarque à Paris, elle est accueillie par des membres de sa communauté, qui lui annonce la mort de son fiancé.Désemparée, elle découvre ses derniers instants, et fait la connaissance de Philippe le copain qui s’est chargé des funérailles.Une telle trame permet d’envisager toutes les issues possibles .Je soupçonne alors Hiner Saleem d’avoir sciemment occulté les plus évidentes pour mieux nous balader dans ce Paris qui le fascine .Il y puise l’ énergie nécessaire pour nous parler de son pays.
Avec une ambassadrice de choix ,Golshifteh Farahani qui pour sa participation à « Mensonges d’Etat » de Ridley Scott , s’est vu interdire temporairement de quitter le territoire iranien, son pays d’origine . Au cours d’une autorisation de sortie de vingt quatre heures, l’actrice n’est jamais revenue. Elle est donc aujourd’hui forcée à l’exil, séparée des siens, comme on la découvre belle et rebelle, arpentant les rues de la capitale en quête de vérité et de liberté.
Une scène "courtisane" très drôle, malgré les apparences...
Des notions que le réalisateur traite cette fois avec plus de gravité,quand il s’agit d’évoquer la divergence des cultures entre Paris et Istanbul, le poids des traditions, aussi, que représente Cheto, venu récupérer le corps de son fils , et « celui » de Siba qu’il destine maintenant à son autre garçon.
A l’image de l’ensemble de la distribution , Menderes Samancilar , est formidable dans la peau de ce patriarche accablé de douleur et désarçonné par un mode de vie que les membres de la communauté kurde parisienne ont eux-mêmes adopté. Ils font un peu pieds nickelés et dalton, dans ce monde en partance, mais c’est une bouffée d’air indispensable, un coin de ciel bleu, un peu d’espoir…
C’est le côté comédie de ce film, d’autant plus réussi que son Pierrot lunaire est d’excellente composition. Jonathan Zaccaï dans la peau de Philippe donne le meilleur de ce personnage que l’on aimerait avoir pour copain. C’est d’ailleurs comme ça au hasard d’un bistrot qu’il fera la connaissance d’un jeune kurde venu en Europe pour se venger. La vie en décidera autrement. « Nous sommes un peuple qui finit toujours par faire, ce qu’il ne veut pas » énonce Cheto quand il lui faut rendre les armes. Vaincu définitivement.
Les bonus
Entretien avec le réalisateur
Au milieu de quelques scènes de tournage, Hiner Saleem resitue son parcours dans le cadre géo-politique du Kurdistan, où il est né, et qu’il a quitté il y a vingt ans sous les bombes turques.Depuis il vit en France.
Il se présente comme un alphabète du cinéma. « Je ne connais rien à la technique, mais je sais ce que je veux mettre dans le cadre. Dès l’écriture je pense à l’atmosphère et aux cadres.Les films me ressemblent, mais je ne sais pas quels films je fais .En tout cas, ils ne sont ni kurdes, ni français, car tout ce qui est dans la vie m’intéresse.»
Jonathan Zaccaï ,et Mylène Demongeot ,dans un petit rôle ,mais ô combien précieux
L’une des forces du cinéaste c’est de réussir des scènes improvisées, ou rajoutées au dernier moment « parce que l’opportunité se présentait ». On peut d’ailleurs les déceler à l’image de la très belle rencontre autour d’un piano entre Mylène Demongeot, et l’héroïne.Instants de grâce
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Quelques scènes, sous un autre angle , recommencées ,drôles ou inédites …