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Le photographe et son modèle...

Par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

L'été dernier, je me suis plongée dans le numéro spécial estival (quinzaine d'août) de Télérama qui s'intitulait  "Rencontres". 

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A l'intérieur, tout un tas d'articles passionnants portant sur des sujets variés avec bien sûr une constante : la  confrontation à l'altérité, les échanges dans des disciplines artistiques mais aussi dans la vie quotidienne, dans  des circonstances variées. A la lecture de celui sur le photographe et son modèle il me vient l'envie d'écrire un billet sur le blog pour l'évoquer et puis tu sais ce que c'est : le temps passe, l'envie est toujours là mais d'autres projets arrivent, le quotidien s'en mêle et tu finis par ne plus y penser...parfois tu te souviens mais le temps manque et voilà. Un an plus tard...j'en suis là. J'y reviens.

L'article porte sur les photographes, et plutôt les portraitistes, donc. 

Que cherche le photographe quand il souhaite réaliser un portrait? Dans l'idéal, il s'agit d'instaurer en quelques minutes (ce qui n'est pas facile) un climat de confiance qui permettra de saisir un peu de ce qu'est réellement le modèle derrière les apparences et au delà de ce qu'il (le modèle) souhaite exprimer à travers l'image, justement. Dans ce numéro de Télérama, Raphaëlle Stopin, qui signe l'article en question, explique " Le portrait est une mise à l'épreuve mutuelle. Les photographes sont nombreux à témoigner à ce sujet. Tous évoquent la persévérance et la séduction nécessaire pour vaincre la résistance du modèle avant, pendant et après la séance de prises de vue".

Prendre des photos de concert c'est un exercice tout à fait différent. L'artiste donne son concert sans tenir compte de la présence du photographe. Quand il s'agit de réaliser un portrait c'est complètement autre chose... On rentre dans un moment de presqu'intimité. Un peu étrange. D'autant plus étrange qu'il est amené à se prolonger pour une séance en studio par exemple...

L'article cite à ce propos Richard Avedon qui a dit en 1970 : "La concentration vient de moi et implique le sujet. Parfois l'intensité atteint une telle force que le studio devient silencieux. Le temps s'arrête. Nous partageons un moment bref d'intense intimité. Mais c'est immérité. Ca n'a pas de passé ni de futur et quand la séance est finie, quand l'image est faite, il ne reste rien d'autre que la photographie. La photographie et une sorte d'embarras".

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Marylin Monroe par Richard Avedon : Toute la fragilité de l'artiste qui baisse sa garde le temps d'un déclenchement

L'auteure de l'article enchaine ainsi :"Avedon évoque la charge sexuelle contenue dans ce regard soutenu jusqu'à l'épuisement, Penn parle d'amour et à ce titre, proscrit de son vocabulaire le terme de "shoot" (recouvrant à la fois le fait de tirer avec une arme à feu et celle de prendre une photographie)". Là il faut que je te dise que je me suis sentie moins seule parce que moi non plus, d'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais pu utiliser ce terme pour désigner la prise de photos. Ca me parait carrément déplacé et je ne manque jamais de m'offusquer intérieurement de son utilisation par quiconque est équipé d'un appareil.

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Colette par Irving Penn

Pour ce qui est de ce qui peut être capté justement, celui qui est derrière l'objectif a toujours le désir de saisir un peu de l'essence de celui qui se trouve face à lui. Ainsi Irving Penn a t'il dit "Il y a dans le portrait photographique quelquechose de plus profond que nous cherchons dans la personne, tout en étant douloureusement conscient qu'une des limites de notre médium est que l'intérieur peut être capté seulement dans la mesure où il est apparent à l'extérieur. Je me suis parfois laissé séduire par cette croyance mystique du pouvoir pénétrant de l'appareil, mais le reflet me ramène toujours à l'acceptation du processus de l'image comme le simple rebond de la lumière sur un arrangement momentané d'atomes qui constitue un visage".

L'article se termine par cette citation de Richard Avedon : "Parfois je pense que toutes ces images ne sont que des portraits de moi" et ça rejoint un peu aussi ce que je pense des rencontres auxquelles on choisit de donner suite dans la vie, qu'elles soient photographiques ou pas. J'aime cette idée de se construire à partir des autres...

Bien entendu il n'y a aucune commune mesure entre le talent éblouissant des grands noms cités dans le billet et mes ébauches de tentatives de portraits, seulement une même démarche : Celle d'aller vers l'autre en lui proposant d'en faire autant pour tenter, le temps d'appuyer sur le déclencheur, de saisir un peu de ce qu'il est et de ce qu'il acceptera de donner.

Pour terminer je reprends une partie de l'édito de ce numéro spécial (signé Michel Abescat), si juste : "La rencontre c'est (...) la confrontation à l'autre, à la différence, à l'inattendu. L'acceptation d'être bousculé, transformé, de voir ses certitudes ébranlées, sa vie changée (...) Cet été, laissez la porte grande ouverte. C'est tout le bonheur que nous vous souhaitons!"

Et pour finir en musique comme toujours, un titre de Noir Désir, que j'adore et que Mademoiselle K reprenait lors de sa tournée précédente, sur scène, d'une très belle façon :

Ah oui et si toi aussi tu es sensible aux visages et à ce qu'il peut s'en dégager, si tu n'as jamais regardé "L'évangile Selon Saint Mathieu" de Pasolini, ne tarde pas. C'est d'une beauté...à couper le souffle.
Pasolini - Evangile Selon Saint Matthieu par moika9

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