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Mais où est donc passé "Petit Gibus" ?

Publié le 12 août 2011 par Berthner

Quelle belle invention ! C’est en 1890 que monsieur Whitcomb L. Judson, eut la lumineuse idée d’inventer la fermeture à glissière, communément appelée « fermeture éclair », preuve s’il n’en faut que le succès d’une marque ou d’une invention peut engendrer un nom commun qui tout en pérennisant le patronyme de son inventeur, condamne inconséquemment ce dernier à l’oubli ou cannibalise la marque déposée.
Cette merveilleuse innovation remplaça donc les boutons des vêtements, diminuant progressivement le rôle fonctionnel qu’ils avaient et laissant les nouveaux « Petit Gibus » et leurs copains perplexes devant ce manque évident de trophées à brandir.
Vous conviendrez avec moi qu’il est plus glorieux de revenir triomphalement dans son village en brandissant de beaux boutons fraîchement arrachés sur les chemises, pantalons ou autres accessoires vestimentaires que revêt la tribu adverse, qu’en agitant joyeusement une fermeture éclair que l’on pourrait faire tournoyer au dessus de sa tête, comme le font avec leurs serviettes, les spectateurs des soirées du « Sporting d’Ete » à Monaco.
Il est vrai que si le premier cas se réfère plus au comportement néandertalien du guerrier ayant triomphé de son ennemi et manifestant sa joie, le deuxième lui peut avoir deux explications que nous nous limiterons à subodorer dans la parenthèse ci-dessous ouverte.
Nous pouvons donc supposer que nous retrouvons à travers cet étrange comportement, soit l’antique pulsion de l’homme ou la femme (les quotas sont respectés) d’imiter les oiseaux en remplaçant les ailes d’Icare par un linge de table tout en espérant que la force rotative qu’ils y appliquent leur permettra de s’élever de leurs chaises, sans réaliser qu’il est plus facile de se lever que de s’élever ; soit l’irrésistible besoin de se rafraîchir en créant des espèces de ventilateurs, à force musculaire, au risque d’éborgner son voisin ou sa voisine.
Cette parenthèse étant close, revenons à nos boutons !
Leur disparition ne permet plus aux clans rivaux de nos banlieues de retourner au fort le pantalon sur les chevilles, à moins qu’ils ne revêtent que des « Levi's » à boutons. Mais ceux-ci étant passés de mode, le survêtement a remplacé le jeans des «blousons noirs» qui est devenu le signe de ralliement de la bourgeoisie post soixante-huitarde. Vous avez vu les prix que peuvent atteindre certains jeans? Et en plus, ils n’ont pas de boutons !
Plus de boutons, plus de joyeuses peignées où les seules victimes étaient les vestes, les pantalons et les chemises. Le seul moyen de les épargner était d’affronter la bande rivale nu comme un ver !
Mais où sont donc passés « Petit Gibus » et ses copains ?
Sans boutons, il est devenu évident, à nos jeunes et moins jeunes malandrins, qu’il est plus glorieux de manier le Zippo que le Zip (onomatopée de zipper : fermeture éclair), ce qui explique très certainement les voitures brûlées, les magasins incendiés, et les morts des émeutes de Londres, qui ne sont qu’une reprise de celles que nous avions connues en France. 
Oui, je sais, je traite sur le ton de la plaisanterie d’un sujet grave, et j’oublie qu’on ne peut pas rire de tout avec tout le monde.
Mais quand l’État est impuissant, quand les gens perdent le fruit de leur travail, quand on voit dans une vidéo un gamin, pissant le sang, que de « pauvres cons » relèvent et aident pour mieux le voler. Soit on gerbe, soit on prend le parti d’en rire. C’est le rire du désespoir, rire nerveux qui laisse un goût de plomb dans la bouche tout en vous tordant les tripes.
Quand des citoyens sont obligés, de se constituer en groupe de «vigilantes », pour protéger leurs maigres biens, que trois gamins d’une vingtaine d’années se font tués alors qu’ils tentaient de protéger le commerce de leur père. Quand parmi les casseurs on retrouve des fils et des filles de la haute bourgeoisie, des enfants de dix ans, des mères qui essaient à leurs gosses, devant une vitrine éventrée, la dernière paire de Nike. Quand des voitures brûlent et qu’elles ne deviennent plus que des statistiques et qu’on oublie ceux qui se sont privés pour se les payer, tout en se félicitant qu’il n’y en ait pas eu plus de brûlées alors, on peut s’interroger sur l’échec de nos gouvernants, sur l’échec d’une société et sur son devenir !
Certains expliqueront, diront qu’il faut les comprendre, que c’est la pauvreté !
Dans « 18 leçons sur la société industrielle », Raymond Aron définit la pauvreté de nos sociétés industrialisées comme la disproportion entre les désirs des individus et les moyens de les satisfaire.
Le problème c’est que les politiques, depuis des années ont choisi d’assurer leur réélection en faisant croire aux composantes les plus défavorisées que tout le monde pouvait avoir la même chose, en les poussant à confondre égalité de chances avec égalité de niveau de vie, le premier devant permettre au plus grand nombre de tenter d’atteindre le second. Ils ont construit un mirage qui est en train de se transformer en cauchemar.

Emeutes de Watts - L.A - 1965



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