Quand Molière jouait Alceste, le public riait. Grâce peut-être aux mimiques irrésistibles du grand comédien, qui roulait des yeux, bougeait ses sourcils noirs, hoquetait, etc.
Grâce aussi au ressort comique de la pièce qui est basé sur un oxymore. Le misanthrope amoureux. L'opposition violente entre cet homme que les simagrées mondaines révulsent, et cet amoureux qui est le jouet de Célimène, les deux dans un même personnage.
Pour amuser, il faut accentuer la contradiction. C’est ce qu’on a fait longtemps.
On riait encore en 1840, mais plus seulement. « Lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer » écrit Musset après avoir assisté à une représentation.
De nos jours, plus aucun metteur en scène ne rend Alceste risible. Ce serait difficile. Il faudrait le rendre ridicule par des procédés de cirque. Ce n'est plus possible à cause de plusieurs raisons:
La vénération qu'on a pour Molière.
La beauté du texte et le respect qu'il entraîne.
L’évolution historique du personnage d'Alceste, plus particulièrement depuis que Jean-Jacques Rousseau en a parlé.
Une autre sensibilité globale. Le conflit entre la comédie amoureuse, la grimace, le rôle qui est demandé par la séduction d’une part, et le besoin de sincérité, la volonté de se présenter en entier et d'agir avec franchise d’autre part est devenu tragique.
Le Misanthrope sera joué du 30 septembre au 23 octobre à l'Espace Fusterie, mis en scène par Cyril Kaiser.