Écrit par La Nouvelle Expression
Vendredi, 19 Août 2011 18:11
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Monseigneur Tumi, bonjour !
Bonjour.
Qu'est-ce qui faut remettre à neuf au Cameroun ?
Ce qu'il faut remettre à neuf au Cameroun, c'est la manière de voir notre politique sur le plan moral.
Nous avons des gens bien formés et bien qualifiés. Ce qui manque, à mon avis, c'est une éthique professionnelle. Comme vous devez le savoir très bien, Le président Paul Biya, quand il est venu au pouvoir, a laissé des notions comme la moralisation. Mais, depuis là, rien ne se passe. Au Cameroun, on connaît déjà les gens qui détournent les biens. On connait les gens qui administrent mal nos biens. Mais j'ai comme impression qu'on n'y peut rien.
Il y a des élections présidentielles attendues au mois d'octobre. Bien qu'on ne sache pas encore précisément la date, la question de l'éligibilité du Président Biya alimente les débats. Le Chef de l'État camerounais est au pouvoir depuis presque trente ans. Doit-il ou non se représenter ? Quel est votre sentiment ?
Mon sentiment est que tout dépend de son parti et du peuple camerounais. Tout dépend de son parti qui peut encore le présenter au peuple camerounais qui pourrait, dans une élection transparente, le reconduire au pouvoir. Je n'ai rien contre.
Est-ce que trente ans, ce n'est pas suffisant ?
Pas seulement suffisant. Je crois que c'est assez
C'est assez ?
Oui ! Moi, je crois que c'est assez. C'est mon opinion. L'organisation du processus électoral est trop critiquée par l'opposition. L'année dernière, l'épiscopat camerounais a proposé au Premier ministre toute une série de réformes : un projet de code électoral, un scrutin présidentiel à deux tours, la mise en place d'un bulletin unique pour lutter contre la fraude, etc.
Ces propositions ont-elles été suivies d'effets ?
Pas du tout ! Pas du tout ! J'ai l'impression que le parti au pouvoir n'accepte rien de ce qui soit proposé par l'opposition, ou même par la Société civile. Depuis 1993, les Évêques du Cameroun avaient déjà proposé la séparation du pouvoir, mais rien ne s'est fait.
Monseigneur Tumi, alors, est-ce qu'une alternance par les urnes est possible au Cameroun aujourd'hui ?
Il y a des Camerounais qui pensent que cela n'est pas possible et proposent la violence qui, selon moi, n'arrangerait pas les choses non plus. La violence n'arrange rien. On va continuer comme ça. Peut-être est-ce le temps qui va résoudre le problème.
L'opposition affirme qu'à l'état actuel, l'élection présidentielle pourrait déboucher sur une crise. Est-ce que c'est aussi la crainte de l'Église catholique ?
Non, non ! Je ne crois pas qu'il y aura une crise. Nous avons déjà vécu pas mal de crises. Je ne vois pas ce qui pourrait arriver de neuf. Franchement, je ne vois pas. L'opposition, à mon avis, manque de moyens. Parce qu'elle ne peut pas relayer et passer partout dans le pays comme le parti au pouvoir qui a les gouverneurs, les préfets, les fonctionnaires les voitures administratives... Ceci, à mon avis est une injustice d'utiliser ce qui appartient à tout le monde pour un seul parti politique.
Monseigneur Tumi, Dans une lettre pastorale publiée le mois dernier, justement à propos des élections attendues cette année, les Évêques ont fait plusieurs recommandations. Ils veulent évidemment que les élections soient libres et transparentes. Et ils demandent aussi à la Communauté internationale de ne pas s'ingérer dans le processus électoral camerounais. À quoi pensent-ils ? À quoi font-ils allusion ?
Quelquefois, l'ingérence extérieure crée des problèmes. Vous voyez la situation en Côte d'Ivoire. Il y a eu tous ces problèmes à cause de l'ingérence extérieure. Et c'était une véritable leçon pour nous. Il faut quand même qu'on apprenne de ce qui se passe ailleurs.
Le ministre français Henri de Raincourt était en visite à Yaoundé. Il a affirmé solennellement que la France n'a pas de candidat pour la prochaine présidentielle. Est-ce qu'à vos yeux c'est une garantie suffisante de non-ingérence ?
Oh, que c'est marrant ! Ce sont des paroles. C'est plutôt ce qui se dit dans les chambres closes qui comptent.
Monseigneur Tumi, quelques voix se sont élevées pour vous demander de vous présenter à la prochaine présidentielle. Le Mouvement républicain vous a même sollicité très officiellement. Est-ce que vous pouvez accepter de diriger une transition ?
Non ! Pas du tout. Ce n'est pas ma vocation. Je crois qu'il y a des Camerounais relativement jeunes, âgés entre 50 et 60 ans qui sont capables de diriger ce pays. Mais, le problème, c'est qu'il y a la peur. Les gens ont peur de se présenter. Ils ont peur de lever seulement la tête. Ils ont peur d'être tués. Ils ont peur de ceci ou de cela. Au sein même du parti au pouvoir, il a des gens capables de diriger ce pays. Le Cameroun ne manque pas de compétences. En ce qui me concerne, je n'ai pas cette vocation. Je suis un Pasteur, moi.
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