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Siegfried, héros de l'Europe

Par Amaury Piedfer
...
"Les dieux éternels règnent sur l'univers.

Tout ce qui vit craint leur pouvoir.
Tout ce qui vit, sauf une créature.
Un enfant..."
La légende de l'Anneau du Nibelung (Der Ring des Nibelungen) a fasciné les Européens, depuis les auteurs anonymes de l'Antiquité tardive jusqu'à Alex Alice. Ce dernier, auteur de la Bande dessinée Siegfried dont le premier tome est paru en novembre 2007, affirme d'ailleurs que son oeuvre est née "des sagas vikings et de la musique de Wagner" [1]. On comprend aisément les raisons de cet intérêt constant : la légende plonge ses racines dans le veil imaginaire européen, qui, en l'occurrence, est venu modeler le souvenir des titanesques affrontements de peuples de l'Antiquité tardive. En effet, la légende de Siegfried, ce héros du monde germanique qui combatit et tua le dragon Fafnir, est fondée sur les récits des conflits qui opposèrent, au Vème siècle ap. J.-C., les Burgondes de Gaule (dont les souverains ont très probablement porté le nom dynastique de Nibelung) aux envahisseurs huns d'Attila. La destruction du royaume burgonde, la disparition du trésor royal, peut-être jetté dans le Rhin, les luttes acharnées et héroïques, marquèrent les esprits au point de donner naissance à ce fabuleux récit qui traversa les siècles et les pays, au point que chaque peuple du domaine germanique en garda un souvenir propre. Les Français, plus sensibles à la légende arthurienne, n'ont cependant pas non plus oublié la valeur de cette littérature proprement européenne [2].
Mais revenons à la B.D. : elle est un prodige de beauté et de sobriété. Le récit est épuré, rendant ainsi accessible les grandes lignes de la légende même à ceux qui n'en savent rien. Les dialogues sont réduits à peu de choses, à l'essentiel, car le discours passe surtout par l'image. Les dessins sont superbes, les traits sont d'une grande précision, plein de couleurs profondes, oscillant entre le chaud et le froid extrêmes ; les personnages, très expressifs, ont quelque chose de l'esthétique de l'antiquité classique. En somme, l'auteur ne s'est pas trompé et a adopté un langage parfaitement approprié à ce qu'il raconte. Au premier tome sorti il y a quatre mois, devraient succéder deux autres, La Walkyrie et Le crépuscule des dieux ; espérons-le, rapidement !
......Les dieux immortels, comme les hommes, peuvent se laisser tromper...
Le magnifique site officiel de la B.D., pour découvrir les compositions exceptionnelles d'Alex Alice, avec 18 pages du premier volume en accès gratuit : http://www.dargaud.com/dossiers/ba-siegfried/index.html

[1] Alex Alice s'est déjà rendu célèbre grâce à la publication, chez Dargaud également, du Troisième Testament, une B.D. de médiévale-fiction inspiré de l'oeuvre de Umberto Ecco.
[2] Une traduction complète de La Chanson des Nibelungen a été publiée par Gallimard, dans la collection "l'Aube des Peuples", 2001.

Arthur Lamarche.


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